Thread by @CitronAlcalin

Chers "Il y a de bons et de mauvais ostéopathes ou chiropraticiens",

Non.

Bon week-end (si vous ne lisez pas la suite).

Sans faire de parallèle avec la blague sur le bon et le mauvais chasseur, raisonner en ces termes se veut soit un jugement totalement subjectif, où l'on aime bien ou pas un praticien, soit de façon plus objective avec certains critères.

On peut penser à des critères comme la satisfaction des patients, qui n'est finalement qu'un jugement subjectif généralisé. Ou par exemple s'il est plus ou moins délicat dans ses manipulations, s'il fait plus ou moins mal. Pourquoi pas, mais ça reste encore plutôt subjectif...

... et c'est plutôt un critère donné par des patients sans plus grande prétention. Ce qu'on entend plus de la part des défenseurs ou praticiens de ces thérapies va porter sur le choix des techniques, il y en aurait des plus efficaces, des moins risquées ou moins douloureuses.

À première vue, c'est plutôt un bon critère. Si une technique présente plus de bénéfices et moins de risques qu'une autre pour un même problème, un bon praticien la choisira alors que celui qui choisira l'autre sera probablement moins bon.

Pareil, on peut avoir un critère assez objectif si l'on se base sur la conformité d'une technique avec les fondements d'une pratique, où vous allez au minimum pouvoir dire que telle technique n'appartient pas forcément au corpus de cette pratique, voire en est exclue.

C'est en revanche un moins bon critère car il évalue la conformité d'une technique plutôt que sa qualité, et on peut légitimement considérer que la qualité prime sur des limites plus ou moins formelles et arbitraires.

Dans les deux cas on remarque des notions extérieures au ressenti ou à l'avis personnel d'un praticien ou d'un patient. Pour la conformité avec des définitions et un corpus sans doute écrit, un peu comme avec la loi. Pour la qualité en comparant l'efficacité et les risques.

D'autres critères sont sans doute envisageables, il faudrait discuter de leur pertinence, mais je vais donc me focaliser sur celui qui me semble le plus pertinent, celui de l'efficacité.

En tout cas il semble logique que si l'on souhaite déterminer un bon praticien d'un mauvais selon les techniques choisies, il faut avoir des techniques plus efficaces que d'autres et les évaluer indépendamment de leur propre avis.

Alors je ne vais pas détailler ici comment on évalue l'efficacité de ces techniques, mais pour le principe on fait des comparaisons sur des groupes de patients et on regarde si une technique a de meilleurs résultats, et de meilleurs résultats qu'une technique que l'on sait bidon.

Et bien sûr quand on fait bien les choses on publie ces résultats afin que tout le monde puisse en profiter, en particulier les praticiens pour qu'ils soient justement en mesure de faire les meilleurs choix.

C'est là qu'on a un problème.

On a un problème parce qu'on ne connaît pas de technique vraiment plus efficace qu'une autre, en particulier plus efficace qu'une technique bidon. On peut bien sûr avoir de mauvaises techniques, plus douloureuses, plus risquées, mais une technique efficace, on cherche toujours.

Pour ce point sur les pratiques ostéopathiques et chiropratiques je vous invite, entre autres, à lire les rapports thématiques de l'Inserm (et pas juste la conclusion).

Ostéopathie :
inserm.fr/sites/default/…
Chiropratique :
inserm.fr/sites/default/…

Le meilleur à disposition étant en réalité comparable à des soins conventionnels eux-mêmes assez médiocres (Menke, 2014 : ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24480940), et sans être dépendant des principes fondamentaux de ces pratiques au point d'être interchangeable ou utilisé en kiné.

Ce qui veut dire que soit les praticiens ont des documents et des données qui objectivement leur permettent de faire la part des choses entre une bonne et une mauvaise technique, mais les gardent secrètement (pourquoi ?). Soit ils n'en ont pas plus que vous et moi.

S'ils n'en ont pas plus que vous et moi, ils ne peuvent pas choisir autrement que sur leur ressenti, et comment saurait-on réellement différencier un bon praticien d'un mauvais ?

Même en cas de secret l'évaluation serait alors réservée à des initiés au détriment des patients.

On entend parfois aussi qu'un médecin généraliste pourrait orienter vers un bon praticien en cas de besoin. Mais comment saurait-il qu'il s'agit d'un bon praticien alors qu'il n'est pas initié ? Ou alors garde-t-il secrètement ces informations lui aussi ? Ce serait un peu gênant.

Bref, le plus probable est qu'aucun ostéopathe ou chiropraticien ne sache réellement si la technique qu'il choisit est efficace ou si elle est la plus adaptée à une situation, faute d'éléments objectifs pour le déterminer. Ou alors il n'utilise pas son paradigme de référence.

Auquel cas s'il ne fait pas d'ostéopathie ou de chiropratique, pourquoi devrait-on le désigner comme un praticien de ces thérapies ?

Dans tous les cas on ne pourrait le considérer comme un bon ostéo ou chiropraticien avec un critère d'efficacité des techniques.

Enfin dans le cas improbable du secret, et d'autant plus improbable si les médecins devaient être dans la boucle, on ne pourrait globalement pas déterminer le bon praticien du mauvais et ça n'aurait alors aucune utilité.

Bien sûr certains pourront toujours dire qu'il y a des praticiens plus mauvais que d'autres, avec des techniques nocives, mais pour être "bon" il faut avoir un minimum de bénéfices que l'on ne retrouve pas ici, surtout au regard des prétentions de ceux qui prétendent l'être.

En tout cas je n'ai jamais rencontré un praticien de santé qui prétende uniquement ne pas être nocif. Enfin si la seule évaluation possible est dans le sens du pire, quel intérêt auriez-vous à aller les voir ?

Tout ça pour dire qu'il n'y a donc sans doute pas de bon ostéopathe, ni de bon chiropraticien, ni de bon étiopathe ou acupuncteur... C'est applicable dès qu'on a pas de données objectives. Il y en a peut-être des mauvais mais ce n'est pas très intéressant.

Merci à tous ceux qui ont lu (mes excuses pour la longueur), bon Halloween, et bon week-end de la Toussaint.