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Si les grèves de 1995 laissent à beaucoup de militants un souvenir joyeux, celui d’une victoire contre le Plan Juppé, il faut dire pourquoi c’était en réalité une défaite pour le mouvement social. Éléments de discussion pour préparer une victoire en 2019 ! 💪
#santé #sécu
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Après son élection en mai 1995 sur le thème de la fracture sociale, Chirac nomme Juppé premier ministre et celui-ci défend le 15 novembre un plan sur la sécurité sociale en deux axes : réduction des salaires (retraites, allocation fam, etc.) et étatisation de l’institution.
C’est l’attaque faite au système des retraites – donc l’ambition de réduire la part des salaires dans la richesse nationale – qui coalise des colères antérieures. Lancée le 5 décembre, la mobilisation est splendide et à la suite de la journée du 12 décembre Juppé recule.
Le 15 décembre Juppé décide de retirer les mesures sur les retraites mais conserve celles sur la réorganisation de la sécurité sociale.
Le mouvement construit contre la réforme des retraites décroit progressivement malgré un potentiel inédit de transformation sociale...
Je vais présenter ici en quoi la grève contre les ordonnances Juppé est une défaite historique du mouvement social qui explique en partie la souffrance aujourd’hui dans le système de santé. @maxgau1
Trois institutions principales naissent à ce moment-là : CADES, ARH, ONDAM. ⬇️
Janvier 1996 : création de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) et de la Contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Reprenant le fil de la création de la CSG en 1990 par Rocard, il s’agit d’acter la fin de la hausse des cotisations.
Jusque-là la croissance du système de santé était financée par l’augmentation de la cotisation.
👉Entre 1958 (création des CHU) et 1966 le taux maladie passe de 13% à 17.56%.
👉Il recule dans les années 80 (10%) puis remonte à 18.5% en 1990. Depuis il baisse (7% sous 2.5 smic !).
En refusant d’augmenter les cotisations pour investir et organiser la production de soin dans de bonnes conditions, l’État contraint la sécurité sociale à l’endettement via la CADES mais aussi via le scandale de l’endettement hospitalier.
Par ailleurs, si le « trou de la sécu » est un artifice statistique instrumentalisé pour réduire les prestations, il bénéficie aux banques et aux marchés financiers qui trouvent que c’est un excellent placement !

Février 1996 : Création des lois de financement de la sécurité sociale (LFSS) instaurant chaque année le vote de l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM). Le parlement et le gouvernement décide de l’évolution de la production (dépense) de la sécu.
C’est un changement majeur (loi constitutionnelle !) car le pouvoir de définition du budget passe de la sécu au parlement. Pour le dire autrement, les intéressés (travailleurs) sont définitivement expropriés de leur propriété…
Il s’agit dans l’histoire longue de l’institution d’un résultat majeur car à l’origine le pouvoir était principalement aux salariés (3/4 du Conseil d’administration ; ¼ au patronat). On peut donc parler d’étatisation.

Cf: Prédation et protection sociale
bit.ly/2sxqPU8
Il va sans dire que l’ONDAM et les LFSS sont au cœur des problèmes actuels car ils perpétuent le refus d’augmenter les ressources et organisent la pénurie (nouveau management public qui transforme l’hôpital en entreprise). En fait, ça va mieux en le disant !

cf @LaCasseDuSiecle
Avril 1996 : création des Agences régionales d’hospitalisation – ancêtre des Agences régionales de santé (ARS). Annoncées comme formes de décentralisation du pouvoir, les ARS sont en fait des préfectures de santé.
Le directeur de l’ARS est nommé en conseil des ministres puis il nomme les directeurs d’hôpitaux. On voit à quel point le pouvoir est centralisé dans les mains du gouvernement et de la majorité présidentielle. L’autonomie des ARS sur leur budget est marginale (2.5%).
Au total, si les grèves de décembre 1995 apparaissent comme une victoire, elles sont en fait une défaite. Chirac et Juppé apportent leur pierre à longue lutte de l’État et du capital contre la sécurité sociale gérée par les intéressés.
👉Contre le salaire, contre la démocratie.
Quels enseignements pour aujourd’hui ?

👉Une lutte ne peut pas être victorieuse si elle est sur la défensive (contre le Plan Juppé, contre les retraites Macron, etc.). Elle doit porter un projet positif, de construction.
Or, quel mot d’ordre peut fédérer les colères sociales ? L’augmentation du salaire (net) mais aussi l’augmentation des cotisations pour élargir la production publique de santé et pour améliorer le niveau des retraites.
Comme on sait que nos dirigeants politiques et économiques n’en veulent pas, il faut en conséquence exiger le pouvoir politique. Mais pas en attendant la prochaine élection !
👉Il faut exiger la démocratisation de la sécurité sociale contre l’État qui la vend au capital.
Bien sûr ils nous diront que ce n’est pas raisonnable et qu’il y a des contraintes. Alors il faut rappeler que la sécurité sociale est une institution en parfaite situation financière et que l’enjeu premier est politique et non technique.

Les contraintes qui empêcheraient l’extension de la sécurité sociale sont liées à l’organisation économique et politique de ce monde – capitaliste. Or, c’est bien de ce monde en échec qu’il faut s’échapper. On ne respecte pas les contraintes ? C’est l’objectif !
Quels mots d'ordre ?
👉Démocratisation de la sécurité sociale et de ses institutions
👉Hausse des salaires nets et du point d'indice
👉Hausse du taux de cotisation
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