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Pour l’anniversaire des #giletsjaunes, voici une nouvelle hypothèse pour comprendre et honorer le mouvement : et si le fait qu’ils désignent l’État comme cible était non le signe d’un ralliement au capitalisme mais celui d’un retour du syndicalisme révolutionnaire ? Thread ⬇️⬇️⬇️
On se rappelle que le mouvement est né 1) de la contestation du niveau d’imposition 2) de la faiblesse du pouvoir d’achat et 3) en dehors des organisations contestataires traditionnelles (syndicats, associations, partis politiques).
Parmi les observateurs, l’analyse de @StefPalomba est l’une des plus stimulante. Inspirée de ses travaux avec @bruno_amable le dans le livre L’illusion du bloc bourgeois, le mouvement des gilets jaunes peut s’interpréter comme une première manifestation du bloc antibourgeois.
Observant la marginalité des revendications liées au rapport salarial, Palombarini souligne le risque de ne pas essayer d’infléchir le basculement progressif de la conflictualité depuis l’affrontement capital/travail vers celui peuple/élite.

blogs.mediapart.fr/stefano-palomb…
Bien que particulièrement productive cette analyse n’interroge pas un autre aspect du mouvement : la critique de l’État. En effet, rapidement c’est l’État lui-même et la corruption qui ont été prises pour cible avec notamment la revendication du referendum d’initiative citoyenne.
Le mouvement est hétérogène et la revendication du "plus d’État" est bien entendu très courante. C'est un risque pour le mouvement. Je préfère ici me concentrer sur l'aspect original de remise en cause de la tutelle étatique.
Au côté de l’État, c’est le légalisme qui est remis en cause au cours de l’apprentissage par la lutte. Les violences policières dévoilent le rôle de la police ce qui créé une solidarité inattendue autour des illégalismes militants.
Le cas le plus parlant est celui de Christophe Dettinger qui devient une sorte de héros du fait même d’avoir enfreint la loi et rendu ses coups à la police. L’hystérie autour de la fameuse cagnotte montre en creux la crainte du pouvoir de la désobéissance civile.
Ces éléments sont en fait des remises en cause des formes traditionnelles de la contestation, syndicale et politicienne. C’est certainement pour cela que ces dernières organisations ont beaucoup de mal à penser leur rapport aux gilets jaunes – autrement que par l’absorption.
Dans un livre écrit en 1991, Alain Bihr définit deux grands modèles d’organisation du mouvement ouvrier au cours de l’histoire : le modèle social-démocrate et le syndicalisme révolutionnaire.
Le modèle social-démocrate propose au prolétariat de s’"émanciper du capitalisme par l’État en émancipant l’État du capitalisme". Autrement dit, point de salut en dehors de l’État ! Il distingue deux variantes de ce modèle.
La variante réformiste (sociale-démocrate au sens courant, victorieuse à l’ouest) propose une prise de pouvoir par les moyens légaux (élection/parlementarisme) quand la variante révolutionnaire (victorieuse à l’est) impose rupture violente avec les institutions parlementaires.
Face au modèle social-démocrate, l’option du syndicalisme révolutionnaire (minoritaire surtout après 1914) s’oppose au recours à l’État qui est conçu comme un organe parasitaire et d’oppression. Le syndicat, embryon de la société nouvelle, doit combattre le capital et l’État.
L’émancipation des travailleurs sera l’œuvre des travailleurs eux-mêmes – ni de l’État, ni du parti, ni de l’avant-garde.
Et si le mouvement des gilets jaunes n’était rien d’autre que le résultat de l’essoufflement, pour ne pas dire l’échec, du modèle social-démocrate réformiste?
Les syndicats, associations et partis sont plus des gestionnaires sur la défensive de la misère sociale que des contestataires de l’ordre capitaliste. Habitués à la négociation avec les élites (capital et État), il ne leur vient plus à l’esprit de contester leur existence.
Et si les gilets jaunes prenaient simplement acte de l’échec des alternatives politiques constituées par l’électoralisme ? de l’échec du syndicalisme de négociation ? de la bureaucratisation ? de la contestation subventionnée ? des formes légales de résistance ?
Il ne s'agit en rien ici de condamner le syndicalisme qui reste le principal outil pour la lutte. Les tensions entre base et dirigeants montrent qu'il n'est pas inutile d'interroger, avec les gilets jaunes, les stratégies et formes d'organisations syndicales - et militantes.
Cette analyse dessine en creux les risques majeurs pour le mouvement des gilets jaunes : sa normalisation dans le cadre de la contestation légale, son organisation sur de principes hiérarchiques, sa professionnalisation et bureaucratisation.
Bien sûr, j'arrête de rêver, les gilets jaunes ne sont (encore) ni syndicalistes ni révolutionnaires...

Mais n’est-il pas possible qu’ils remettent timidement le mouvement syndical français sur ses rails historiques : la contestation de l’État comme auxiliaire du capital ?
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