Thread by @oliviertesquet

[THREAD] "Non, la sécurité n'est pas la première des libertés"

Jean-Marie Delarue, conseiller d'Etat, ancien contrôleur général des lieux de privation de liberté, le rappelle dans
@AOC_media.

L'occasion de revenir sur la procession de cette formule.

aoc.media/entretien/2020…

1980 : En plein débat sur la loi Sécurité et liberté, Alain Peyrefitte, Garde des Sceaux du gouvernement Barre, la lance dans l'hémicycle. Et ajoute, acclamé par son camp :

"La sécurité sans la liberté, c'est l'oppression ; la liberté sans la sécurité, c'est la jungle !"

1982 : La loi est abrogée avec l'arrivée au pouvoir de François Mitterrand. Son premier ministre, Pierre Mauroy, retourne - momentanément - l'axiome de Peyrefitte :

"La première sécurité, c'est la liberté" (mais ça ne va pas durer)

lafabrique.fr/wp-content/upl…

1992 : En campagne pour les régionales en PACA, Jean-Marie Le Pen pose tout sourire avec sa petite fille Marion Maréchal-Le Pen dans les bras, sous ce slogan faussement elliptique : « La sécurité… première des libertés »

... Et matrice du clientélisme électoral.

1997 : L'année du basculement idéologique à gauche. Lors d'un colloque à Villepinte sur le thème "Des villes sûres pour des citoyens libres", Lionel Jospin affirme qu'"un citoyen dont la sécurité n'est pas assurée ne peut exercer son droit à la liberté".

vie-publique.fr/discours/19341…

2001 : Quelques semaines après le 11 Septembre, le ministre de l'Intérieur socialiste Daniel Vaillant invoque la lutte contre le terrorisme pour défendre la loi sur la sécurité quotidienne (LSQ). Celle-ci devient "la condition de sauvegarde [de nos libertés].

2002 : La droite fait de la formule le slogan de sa loi d’orientation pour la sécurité intérieure (LOPSI). Elle est défendue par un certain Nicolas Sarkozy, alors occupant de la @Place_Beauvau. La hiérarchie des normes est imposée dès le Conseil des ministres.

2012 : Digérée à droite comme à gauche, la phrase est désormais un rituel de la conquête du pouvoir. En campagne à Ajaccio, F. Hollande assure que "la sécurité est une inquiétude lancinante [...] Parce que la sécurité, c'est la première des libertés".

francetvinfo.fr/politique/a-aj…

2013 : Invité de Mots croisés pour parler de légitime défense après l'affaire du bijoutier de Nice, Christian Estrosi se présente comme "un héritier de la révolution de 1789, celle des droits de l'homme et du citoyen, qui consacre la sécurité comme la première des libertés".

Sauf qu'Estrosi, dans un splendide contresens historique, confond la sécurité et la sûreté, c'est à dire le droit inaliénable de tout citoyen d'être protégé de l’arbitraire de l’Etat, des arrestations et des détentions arbitraires.

libertescheries.blogspot.com/2013/09/securi…

2020 : Dans un contexte inquiétant d'érosion des libertés publiques, que décrit aussi Sureau, Delarue trouve que la formule "irait très bien dans un régime autoritaire". Parce que tel est notre rapport à la force, dans la mesure où la police fait - littéralement - la loi ?

Au prochain épisode, l'apophtegme trompeur - à la formulation variable - de Benjamin Franklin : "Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre et finit par perdre les deux"

telerama.fr/medias/etats-d…