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« L’expression du visage se mue en résistance totale à la prise », écrivait Levinas. Le gouvernement et les industriels pensent différemment. Pendant quelques semaines, j’ai enquêté sur l’imposition inéluctable de la reconnaissance faciale en France. C'est en couv de @Telerama 👇
En haut lieu, on n'a qu'un mot à la bouche dès lors qu'il est question de reconnaissance faciale : l'acceptabilité. L'inéluctabilité serait plus juste. Il faut trouver le modèle français de ce nouvel eldorado policier.
telerama.fr/medias/reconna…
J'ai volontairement laissé de côté Alicem pour revenir sur l'expérience avortée dans deux lycées de Nice et Marseille, que je trouve plus signifiante. Pour forcer le passage, les pouvoirs publics ont invoqué tour à tour menace terroriste et surveillance à but pédagogique.
On parle souvent - à juste titre - des biais discriminatoires et des erreurs de la reconnaissance faciale. Mais il ne faut pas oublier un autre danger mortel : la puissance du marketing. Exemple parfait avec l'expérimentation menée pendant le carnaval de Nice en février.
C'est d'autant plus opaque que les dispositifs de reconnaissance faciale, qui fonctionnent grâce à des réseaux de neurones, sont très difficiles à auditer. A quoi bon ouvrir la boîte noire si elle est illisible ?
La @CNIL, dont l'avis préalable n'est plus obligatoire depuis l'entrée en vigueur du RGPD, est embêtée. D'une main, on lui demande d'assumer son rôle de gendarme de la vie privée. De l'autre, d'offrir un bac à sables aux industriels pour qu'ils s'y ébrouent. Et ceux-ci poussent.
Résultat, tandis que San Francisco ou Portland interdisent la reconnaissance faciale, la France s'y accroche. Pour @FelixTreguer de @laquadrature, il existe un seul moyen pour contester ce nouveau régime de pouvoir : tout arrêter, et réfléchir aux conséquences.
Les villes, qui ont embrassé la vidéosurveillance depuis 15 ans, réclament une attention particulière parce qu'elles spatialisent ces nouvelles aventures biométriques. L’espace urbain, la safe city comme on dit, doit devenir un laboratoire, et ceux qui le peuplent, des cobayes.
Marseille, par exemple, commencera d'ici la fin de l'année à automatiser son parc de 1800 caméras pour les rendre "intelligentes". Ce n'est pas (encore) de la reconnaissance faciale, et c'est la raison pour laquelle la municipalité n'a pas cru bon d'aviser la CNIL. Oups ?
C'est tout pour aujourd'hui, mais j'aurai l'occasion d'y revenir demain, avec un deuxième tome consacré exclusivement à la safe city, cette mise sous contrôle programmée de la vie de la cité.
En attendant, vous pouvez lire la dernière livraison d'@algorithmwatch : au moins 10 pays de l'UE (dont la France) utilisent déjà la reconnaissance faciale à des fins policières. Les autres y viennent. Seules l'Espagne et la Belgique ne l'autorisent pas.
algorithmwatch.org/en/story/face-…
@algorithmwatch Ce matin, je vous parlais de l'imposition de la reconnaissance faciale en 🇫🇷, sous l'impulsion des industriels et des pouvoirs publics
telerama.fr/medias/reconna…

Mais on ne peut l'évoquer sans parler d'une nouvelle politique de la ville : la safe city
telerama.fr/medias/safe-ci…
A Milipol, la kermesse de la sécurité, un ponte de Thales, leader sur ce marché bourgeonnant, a bien résumé sa vision des choses : le futur urbain est DANGEREUX, et les ordinateurs sont indispensables pour gouverner la ville de demain.
La safe city, ses capteurs, ses tourelles, ses caméras plus ou moins intelligentes, sa reconnaissance faciale, c'est avant tout une militarisation de l'espace public où, comme l'écrivait récemment un chercheur australien, "tous les habitants sont des ennemis en puissance"
Nice multiplie les expérimentations, et a signé cet été une convention avec Thales pour créer "un Waze de la sécurité". De son côté, Marseille est en train de déployer un "Big Data de la tranquillité publique" et automatise ses caméras de vidéosurveillance.
Comme le rappelle le sociologue @LMucchielli, c'est une fuite en avant : les chiffres montrent que la vidéosurveillance ne fait pas reculer la criminalité. Qu'à cela ne tienne, greffons-y des logiciels ! site.ldh-france.org/nice/2019/12/0…
Mais nous aurions tort de penser que les mini-ministres de l'Intérieur de la région Sud ont le monopole de ces aventures : à l'approche des municipales, des dizaines de communes françaises veulent leur centre de supervision urbain, poste de pilotage de la safe city.
C'est d'ailleurs le sens de la campagne @technopolice_fr lancée par @laquadrature : cartographier sur le territoire hexagonal ces nouvelles expérimentations sécuritaires. technopolice.fr
Je terminerai en laissant la parole à Castoriadis : "Le chemin du progrès est de moins en moins celui d’un souhaitable quelconque, et de plus en plus celui du simplement faisable" (Le monde morcelé, 1990). Dans la ville contemporaine, quel itinéraire souhaitons-nous emprunter ?
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