Bon, très rapidement et avec plein d'erreurs et d'approximations, mais ça pourra peut-être servir à certain·e·s...
La sociologie de l’éducation n’a jamais eu comme conclusion d’énoncer que les élèves issus des classes populaires ne réussissaient pas parce qu’ils étaient issus des classes populaires.
Ce constat statistique est en réalité l’énigme à résoudre plutôt que la solution à la problématique scientifique : pourquoi est-ce que les enfants d’ouvriers réussissent moins bien que les enfants de cadres (et encore moins bien que les enfants de profs) ?
Cette énigme a suscité des recherches, qui ont abouti à des conclusions différentes : la différence des conditions matérielles ne permet pas la réussite pour tous, certains ayant une chambre et un bureau personnels quand d’autres font leurs devoirs sur un coin de table à manger.
Je vais pas refaire toute l’histoire de la sociologie de l’éducation, mais on a pu se rendre compte que ces conditions matérielles n’étaient pas suffisantes, des différences dans la maîtrise du langage entre ouvriers et cadres pouvaient jouer.
Ainsi, les enfants de cadre ont un vocabulaire et une façon de s’exprimer qui convient mieux à l’école, permettant une intégration plus rapide des attendus.
Pour aller très vite, Pierre Bourdieu (avec Passeron) en concluent que le capital économique n’est pas suffisant pour expliquer ces différences, mais qu’il existe quelque chose comme un « capital culturel » qui se transmet dans la famille
(Le terme de capital n'est pas choisi au hasard et permet de penser cette dimension culturelle comme quelque chose qui s'acquiert et se transmet)
On peut alors y ranger la façon de parler, mais aussi celle de se tenir, les connaissances et les affinités culturelles qui sont assez proches de la culture scolaire.
Cet effet de transmission du capital culturel est d'autant plus important que la pédagogie utilisée est qualifiée d'implicite (ce qui était plus vraie d'ailleurs à l'époque des observations de Bourdieu).
Pour aller vite, lorsqu'en enseignement, on ne clarifie pas les attendus ni la méthode, permettant la réussite, ceux qui les auront acquis, parfois même "inconsciemment", auront de meilleures réussites.
Par exemple : demander de faire une dissertation sans donner la méthode et ce qui est vraiment attendu de cet exercice.
(Il semblerait même que le capital culturel se transmet mieux par la mère, des corrélations ont été observées entre le diplôme de la mère et la réussite scolaire des enfants)
(Autre point : cette théorie permet de très bien expliquer pourquoi les enfants de profs réussissent très bien)
L'école juge également sur des choses qu'elle ne dit pas, au point de reprocher certain·e·s élèves d'être "trop scolaires", alors même que si cette compétition ne jugeait que ce qu'elle enseignait, ce reproche ne pourrait être.
(je vais extrêmement vite sur ce point, mais ça explique en quoi le capital culturel hérité par la famille -mais pas que- est aussi important)
Etant donné que l'Ecole parvient à s'octroyer une très grande légitimité dans ses classements, les jugements qu'elle donnera seront vécus assez forts subjectivement.
De là s'exerce une violence symbolique où la méconnaissance sera vécue comme une dépréciation de soi (je vais très vite sur ce point mais ça me permettra de rebondir ensuite et d'évoquer l'idée de domination)
Du coup, après les déclarations de Blanquer se posent deux questions :
1. est-ce que ces affirmations portées par Bourdieu et les bourdieusiens amènent du dépit et du pessimisme pouvant expliquer une partie de l'échec scolaire ?
2. Est-ce que les sociologues s'inspirant de Bourdieu et qui analysent l'école sont dogmatiques ?
Je vais faire deux threads différents, sinon il sera beaucoup trop grand.
