On continue notre série d'articles consacré à la Peste noire. Aujourd'hui, épisode 15 : « quand les morts mènent la danse ». La Peste donne en effet naissance à un thème artistique bien particulier : la danse macabre... Un thread ⬇️ ! #histoire
En réalité, les artistes n’ont pas attendu la Peste pour représenter la mort. Le motif de la danse macabre remonte probablement à un poème latin du début du XIVe siècle – le Vado mori, « je vais mourir ». Mais c’est à partir des années 1370 qu’il se diffuse largement. 
A Paris, à partir de 1370 environ, une danse macabre orne ainsi les murs du cimetière des Innocents, à l’emplacement de la fontaine du même nom dans le quartier des Halles. Aujourd’hui détruite, on la connaît malgré tout grâce aux nombreuses reproductions
Le thème de la danse macabre devient rapidement très populaire. On en peint dans tout le nord de la France, dans les églises et cimetières de villes comme Amiens, Rouen, Blois, Dijon… ; mais aussi parfois dans des bourgades plus modestes, comme à la Ferté-Loupière en Bourgogne.
Cette popularité ne tarde pas à gagner toute la moitié nord de l’Europe (le Sud y est moins sensible, malgré quelques exemples en Italie). Le thème s’exporte à Londres, où une danse est peinte sur les murs du cimetière de la cathédrale Saint-Paul vers 1440.
Il est particulièrement apprécié en Rhénanie, d’où il se diffuse dans toute l’Allemagne. À la fin du XVe siècle, le peintre Bernt Notke en peint une à Lubeck, puis une autre pour l’église Saint-Nicolas de Tallinn. Un bel exemple de motif artistique devenu européen !
La danse macabre obéit à des règles picturales strictes. Elle se présente comme une longue frise associant aux images un dialogue versifié entre la mort et les vivants.
La scène s’ouvre souvent sur l’ « auteur », représenté devant son lutrin, prêchant à qui veut l’entendre qu’il faut se préparer à bien mourir. Puis vient la mort : armée d’une faux ou d’un cercueil, d’une pelle ou des flèches de la maladie, elle entraîne les vivants...
Chaque vivant incarne un métier ou une condition : dans leur succession, ces personnages miment la hiérarchie sociale en observant une stricte alternance des clercs et des laïcs. Et comme il se doit, le premier à danser est le pape ! (ajd il préfère prier devant une place vide)
Viennent ensuite l’empereur, puis le cardinal et le roi, le légat et le duc, le patriarche, le connétable et ainsi de suite jusqu’à l’ermite. Car la mort frappe indistinctement puissants et misérables, annulant les inégalités et châtiant les vanités
Les femmes sont d’abord exclues du motif : on sait qu’il n’y en avait aucune sur la fresque parisienne. Et pourtant, il semble y avoir eu une vraie demande en ce sens : des figures féminines comme l’impératrice apparaissent régulièrement dans les danses macabres allemandes
En 1494, l’éditeur parisien Guyot Marchand réalise même une danse macabre des femmes. Face à la mort, tou.te.s égaux.ale.s… Plutôt rassurant, non 😉 ?
Eh oui, rassurant, car la danse macabre vise à la fois à faire sourire et à rassurer : certes, la mort est inéluctable, mais l’enjeu est, comme le dit la fresque parisienne, de « bien finir sa vie mortelle » - pour obtenir une vie immortelle...
Les danses invitent alors à renoncer aux péchés – la vanité, l’orgueil, la luxure, la richesse – pour suivre plutôt le modèle de l’ermite : celui des Innocents déclare « je suis content de tout ce que la vie m’a donné ; celui qui ne se réjouit pas de ça, ne possède rien »
Les danses macabres servent ainsi avant tout de supports de prédication religieuse : c’est pour ça que le texte est écrit en vernaculaire (pas en latin), et qu’elles sont si souvent exposées dans des lieux sacrés, comme à l’église ou au cimetière.
Ces enjeux religieux et prédicatoires expliquent probablement en partie la diffusion des danses macabres, ainsi que leur postérité, de Saint-Saëns à Walt Disney.
Et vous, le confinement vous donne-t-il des envies de #danser ? Tant que vous n'invitez pas des squelettes, tout devrait aller... La suite au prochain épisode !
