9e semaine, jour 41 au procès des #AttentatsJanvier2015. Aujourd'hui, commence l'interrogatoire du principal accusé, Ali Riza Polat. La salle d'audience est quasi pleine.
Ali Riza Polat est le seul des 11 accusés présents à encourir la réclusion criminelle à perpétuité pour complicité de crimes terroristes. Des enquêteurs le considèrent comme le bras droit d'Amedy Coulibaly, le terroriste de #Montrouge et de l'#HyperCacher. Ce qu'il nie.
Ali Riza Polat est un accusé volcanique, depuis le début du procès. Il parle beaucoup, souvent avec des mots grossiers, parfois des insultes, et sans filtre. Voici ses premiers mots, par @ChPiret franceinter.fr/justice/je-vai…
Ali Riza Polat a même menacé une enquêtrice qui venait déposer à la barre, alors qu'elle parlait de sa conversion à l'islam radical, en 2014. franceinter.fr/justice/le-pri…
L'audience reprend. Ali Riza Polat, chemise blanche, bras croisés, attend qu'on lui donne la parole, derrière la vitre de son box, devant son avocate Me Coutant-Peyre.
Et Me Coutant-Peyre commence à parler de "trous dans la raquette" de la part des services de l'Etat, la DGSI, une audition manquante selon elle. Elle estime qu'il y a atteinte à la présomption d'innocence pour Ali Riza Polat.
Et Me Coutant-Peyre reparle de son cahier perdu ! "Ce sont mes notes, il me manque trois semaines de notes !" Et Ali Riza Polat se lève. "Monsieur Polat, à votre tour de vous expliquer dit le président. Vous avez beaucoup de choses à dire certainement."
Le président demande à Ali Riza Polat de garder son calme, lui rappelle ses menaces.
Polat : "Non, c'est pas des menaces monsieur !"
Le président : "Bon..."
"Ok", dit Polat, calme, pour l'instant.
Le président explique que l'interrogatoire va durer deux jours. Sur les liens avec Amedy Coulibaly, les déplacements de Polat en Belgique, et les déplacements à l'étranger "postérieurement aux faits". Il avait tenté de partir en Syrie, en vain.
Le président prévient Polat qu'il va aussi falloir parler de religion. La dernière fois qu'il en a été question, Polat avait donc menacé une enquêtrice à la barre...
Le président rappelle à Ali Riza Polat qu'il est poursuivi pour complicité des crimes et délits terroristes commis pour les frères Kouachi et Amedy Coulibaly pour aide et assistance, et deuxième chef : association de malfaiteurs pour une entreprise terroriste.
Le président : "donc il vous est reproché la complicité de l'ensemble des actes criminels", même ceux commis par les frères Kouachi le 7 janvier 2015, dit le président. Et il énumère la liste des victimes, tuées ou blessées, et des survivants de #CharlieHebdo et des policiers.
Et le président évoque la séquestration de Michel Catalano et de son employé dans l'imprimerie de Dammartin-en-Goële, ainsi que les braquages d'automobilistes par les Kouachi. "Il vous est reproché la complicité", martèle le président.
Debout dans son box, Ali Riza Polat écoute, les mains jointes sur la barre. Le président poursuit la longue liste de ce qui lui est reproché : la complicité de l'assassinat de la policière de Montrouge et de ceux qui ont été blessé ou ont survécu autour d'elle.
Le président poursuit : il est reproché à Ali Riza Polat la complicité de l'attentat à l'#HyperCacher. Le président lit la longue liste des victimes, 4 morts et de nombreux survivants séquestrés pendant des heures le 9 janvier 2015.
Le président: "premièrement, je vais vous laisser vous exprimer sur ce que vous avez envie de dire sur ces faits, ce qu'on vous reproche".
Ali Riza Polat, calme : "Ben, je comprends pas.
J’ai fait tout ça sans connaitre les frères Kouachi.
La juge a besoin d’un bouc émissaire"
Ali Riza Polat : "Le 7, 8, 9 janvier j’étais chez moi.
J’ai fait tout ça sans laisser une empreinte, sans mon ADN ?
Maintenant, la personne qui a fourni les armes c’est Claude Hermant. C’est votre travail d’enquêteur de retracer !"
Hermant qui n'a pas été jugé dans ce procès.
Claude Hermant qui est venu libre à la barre des témoins, avec un sentiment de malaise pour beaucoup d'accusés et de parties civiles.
franceinter.fr/justice/au-pro…
Dans son box, Ali Riza Polat poursuit : "Moi j’ai rien à faire dans le terrorisme. Je me suis jamais levé un matin pour tuer quelqu'un. Vous voulez absolument un coupable mais ça va pas être moi. Je comprends pas comment on peut en arriver là !"
Ali Riza Polat : "Les attentats, j’étais vraiment pas au courant. J’ai été au courant le 9 janvier. Vous voulez absolument un coupable. Moi j’ai rien à voir pour de vrai".
Le président demande à Ali Riza Polat comment il a connu Amedy Coulibaly ?
Polat : "Je l’ai connu en 2007. On a accroché direct. C’est un mec, c’était un bandit. Je suis un bandit. Il faisait ses magouilles. Je faisais mes magouilles".
Polat parle de son trafic de stup : "Je ramenais de la cocaïne, de l’héroïne, ça marchait très très bien pour moi.
J’avais des plans de partout. Liban, je devais aller au Brésil. Je devais récupérer 50 000 euros, c’est pas pour me la raconter Monsieur !"
Et Polat reparle de son but dans la vie : faire de l'argent. Il dit : "Mon père c’était un bon à rien. Moi, je veux de l’argent. C'est mon but dans la vie. Mais je vais pas tuer des gens pour de l’argent !", dit-il.
Et le président reparle de cette dette de 15000 euros que Polat devait à Amedy Coulibaly. Dette que Coulibaly lui a réclamée en 2014. Polat dit qu'à un moment, il avait l'argent mais "j’avais pas son téléphone à Villepinte !" (Coulibaly était alors incarcéré à Villepinte)...
Puis Coulibaly sort de prison en 2014, après Polat qui était sorti en 2013, "j'avais le bracelet et tout, le dimanche je vais au foot, Amedy il vient me voir, je lui ai dit frérot en ce moment c'est dur !"
Le président s'étonne qu'il ait dépensé tout cet argent s'il l'avait ? Polat dit que c'était pour le mariage de sa soeur, il avait réservé Ferrari, Lamborghini, "je devais aller chez Vuitton", a claqué 80000 euros à l'en croire, s'est fait "carrot'" en prison. "J'avais la rage".
Polat : "J'avais la rage d'avoir raté le mariage de ma soeur." Après, il aurait arrêté le stup. Commencé les escroqueries de voiture. Il dit qu'il aurait peut-être pu tenter "le proxénétisme, mais ça m’intéresse pas, c’est des trucs qui m’écoeurent !"
Et il raconte le trafic autour de la Mini, achetée officiellement pour Hayat Boumeddiene, alors fiancée de Coulibaly. Escroquerie autour de cette voiture, l'argent a financé les #AttentatsJanvier2015.
Polat parle de cette Mini "elle fait 27 000 euros". Payée au "lance-pierre". 2000 euros dit-il. Il détaille le montage de l'escroquerie, entre le garage crasseux de Karasular en Belgique, et la Grèce où ils devaient faire passer cette voiture gagée. Un montage complexe.
Le président veut comprendre pourquoi le 9 janvier 2015, alors que "vous savez ce qui est en train de se passer" à l'#HyperCacher, vous allez en Belgique le soir retrouver Karasular et sa bande pour vous faire payer le reliquat de la voiture? "C'est un gros point d'interrogation"
Ali Riza Polat, d'une voix forte : "Mais le 9 janvier quand t’allumes la télé, tu vois ils sont en train de tuer des gens, de faire une dinguerie, ma main gauche elle tremblait comme ça !" Il montre ses mains, il hurle, semble perdre le contrôle.
Le président, calme, essaie de faire retomber la tension. Polat se remet à crier : "Je veux pas aller en prison pour ça ! Je veux aller en prison pour ce que je fais. Je faisais mon argent. Je veux pas aller en taule pour ce que j’ai pas fait. Mais je sais que je vais y aller !"
Le président lui demande encore pourquoi il pense qu'il va aller en prison dès le 9 janvier au soir ?
Polat : "Mais vous vous foutez de moi ? Y a combien de personnes qui sont là ?" Il montre le box, plein, parle de ceux qui ont vu Coulibaly que quelques fois et sont là, jugés.
Polat, énervé : "On est là dans le box, monsieur !"
Il garde les mains jointes, sur la barre.
Et le président redemande pourquoi Polat va le 9 janvier au soir en Belgique chercher le reliquat d'argent de la Mini ?
Polat : "Mais encore une fois, je sais pas ce que vous voulez comme réponse de ma part. Si comme vous dites je suis dans la confidence de cet attentat..."
Polat répète qu'il ne savait pas que des attentats auraient lieu. Et il dit au président, comme à tous les juges : "Vous retournez les choses à votre avantage".
Ali Riza Polat, sur Amedy Coulibaly : "Ce qu’il a fait c’est au-dessus de ce que moi j’ai fait dans ma vie. Mon cerveau il disjoncte !", dit-il, en parlant du 9 janvier 2015, et en criant dans son box. "Pourquoi je suis parti (en Belgique), je ne saurais vous dire".
Polat, à propos des #AttentatsJanvier2015 : "Ca me dépasse. Parce que tu ne t’y attends pas, Monsieur !"
Polat ajoute : "Le jour où ils ont parlé de Claude Hermant à la télé, j’étais le plus heureux dans ma cellule.
Je me suis dit ils ont attrapé le vrai !"
#AttentatsJanvier2015
Le président lui parle de sa tentative de fuite après les #AttentatsJanvier2015. Il répète : "Je veux pas aller en taule !" Il avait tenté de fuir en Syrie, par le Liban. Mais Polat dit qu'il voulait pas rejoindre l'#EI.
Ali Riza Polat dit : "Chez l’#EI je fais même pas trente minutes. Ils vont me tuer ! Moi je veux pas vivre sous la charia !"
Le président a des questions sur cette fuite et Polat crie à nouveau : "Je vais pas me rendre ! Vous pouvez dire tout ce que vous voulez, regardez la preuve, ça fait 5 ans et demi.
Depuis le début on sait que c’est Hermant qui a fourni les armes !"
Et Polat répète en boucle : "Je veux pas aller en prison pur un truc que j’ai pas fait !"
Le président : "On le comprend".
Polat : "Non vous le comprenez pas, parce que je suis le seul qui passe pour complicité !"
Polat : "Avec l’accusation, je suis extrêmement fort avant les attentats !
Mais une fois que le 9 ça part en couille, je deviens abruti
avec mon passeport", et sa fuite saccadée.
"Depuis le début vous voulez pas faire cette distinction, je veux pas aller en taule c'est tout" !
Ali Riza Polat parle fort, si fort, et tant, que des protestations commencent à se faire entendre sur les bancs des parties civiles. Le président commence à élever aussi la voix : "S'il vous plaît, Monsieur !"
Et le président évoque donc cette fuite au Liban que Polat connaît bien. Polat : "C'est tout petit, tu fais le tour en trente minutes". Il se fait refouler. Dit qu'il voulait rejoindre Damas et les Chiites, et car il avait entendu que Damas ne parlait plus à la France. Dit-il.
Puis Polat est allé à Phuket, en Thaïlande. Où il n'est resté que trois jours. Il dit qu'il attendait de récupérer de l'argent via un homme que Polat charge énormément à cette audience.
Polat dit qu'entre-temps, il voit "Molins, il parle de moi à la télé, il dit on a identifié un complice à Coulibaly", et il crie pour la énième fois qu'il n'est pas complice des #AttentatsJanvier2015 et qu'il ne veut pas aller en prison pour ce qu'il n'a pas fait.
Ali Riza Polat : "La vérité elle est souterraine, mais on va faire sortir tout ce qui est souterrain".
#AttentatsJanvier2015
Ali Riza Polat : "On me reproche d’avoir transporté des armes que j’ai jamais vues de ma vie".
Ali Riza Polat tente l'ironie : "Avant les attentats, je suis Mac Gyver, après je suis les Pieds Nickelés". Il tente de démontrer qu'il n'a pas pu être un complice "parfait" puis tenter de fuir de façon si saccadée et désorganisée...
Le président montre une lettre :
"Prix de 200g de C4
Prix de 1kg de C4
Combien de détonateur
Balle de kalash 500 piece
Balle de 9 mm 100 piece
3 chargeur de kalash prix" (Sic)
Lettre trouvée chez le garagiste Karasular (co-accusé)
Polat avoue qu'il a écrit cette lettre.
Polat se justifie : "Je vais vous dire la vérité, faire péter des banques. Je vais vous expliquer comment ça marche.
Des fourgons de la Brinks. Et ma propre banque à Grigny, que je voulais faire. J’ai commencé à le pister septembre 2014. Je voulais le faire péter à Noël".
Et Polat s'énerve contre les "douaniers qui perdent la mémoire !" ceux qui travaillent avec Claude Hermant, et qui ne sont accusés de rien dans ce procès.
Ali Riza Polat : "Hermant, il a du sang sur les mains.
Moi j’ai pas de sang sur les mains.
Moi j’ai tiré sur personne !"
Polat, au président : "Vous vous êtes fait un film, je fais pas du trafic d’armes. Les armes c’est pour moi !"
Et Polat parle de sa conversion à l'islam en "mai ou juin 2014, c’est tout. Après le bracelet. Je suis parti à la mosquée de Grigny, une petite salle, c’est un Malien qui la tient, je savais même pas faire ma prière".
Le président demande ce qui l'a poussé à se convertir ?
Ali Riza Polat : "Y a une chose qui faut savoir, même converti je fais mes magouilles. Y a la religion, et ce bas monde. Je continue mes magouilles je continuerai toujours avec les meufs."
Polat : "On m'a toujours demandé, pourquoi tu t'es converti ? J'ai dit lis le Coran, et tu comprendras." Il assure qu'il n'a jamais obligé personne à lire le Coran.
Après une courte pause, reprise de l'audience avec l'expert psy Roland Coutanceau, en visioconférence. Il parle du cycle secondaire de Polat, puis "CAP en automobile", est "dans la bonne moyenne, avec une mémoire qui fonctionne, type moyen fort homogène".
Roland Coutanceau sur Polat : "sujet au contact facile, affirmé, homme peu anxieux, assez sûr de lui, avec une humeur stable, gai, aimant la vie", selon le psy.
Polat s'était décrit au psy comme "un gros marchand de drogue". "Il faut me respecter, je suis un peu grande gueule" avait dit Polat à Coutanceau. Le psy résume : "C'est un sujet qui parle cash".
Polat avait reconnu devant le psy "être ami de Coulibaly, c'était un bon pote", à qui il devait 15 000 euros. Une dette de trafic, selon Polat.
Polat avait encore dit au psy : "Je suis en taule gratos pour rien".
Roland Coutanceau lui avait demandé ce qu'il pensait des attentats commis par Amedy Coulibaly et Ali Riza Polat avait répondu : "C'est un trou du cul, je ne suis pas d’accord", dit le psy.
Le psy parle de Polat et la religion. Polat avait confié : "Je suis croyant, pratiquant, enfin, je fais des conneries et je demande pardon à Dieu".
Le psy note aussi chez Polat une "impulsivité" mais "normalement contrôlée", "il nous semble réadaptable socialement, dans un certain domaine".
L'avocat général demande si Polat peut avoir une dualité et donc en somme, être capable de cacher une partie de la vérité ? Le psy : "Tout être intelligent contrôlé peut dire ce qu’il veut bien dire".
Le psy : "Est-ce que le sujet pourrait masquer consciemment un engagement idéologique fort ? Bien sûr, dans l'absolu c'est possible. Mais je n'en ai vu aucune trace" chez Ali Riza Polat dit Roland Coutanceau, grand expert psy judiciaire.
Me Coutant-Peyre, avocate de Polat, demande s'il peut être influençable ? Le psy : "Il apparaît sur le plan mental comme quelqu'un d'indépendant".
Et l'audience est suspendue jusqu'à 14h30.
L'audience reprend, avec l'arrivée à la barre de la mère d'Ali Riza Polat, jean noir slim, bottines, veste claire, cheveux relevés en chignon. Elle envoie un baiser à son fils à travers le masque et lui fait un petit coucou.
Elle est accompagnée d'une interprète, au cas où. Mais elle parle français : "C'est un enfant, jamais on a eu de problèmes, sauf qu'il aime pas travailler, jamais il nous a répondu, la famille pour lui c'est sacré".
"C'est un enfant qui a toujours défendu sa soeur, sa mère. Il m'a regardé droit dans les yeux : maman j'ai rien fait", dit la mère d'Ali Riza Polat.
La mère d'Ali Riza Polat dit qu'elle était "fière" de son fils. Elle dit qu'elle a tout fait pour ses enfants. Cette femme, Kurde, dit "j’ai appris à lire et écrire pour mes enfants".
La mère d'Ali Riza Polat ajoute : "On était une famille très très bien jusqu'à 2012". Elle parle des violences qu'elle a subies, de la part du père, du divorce. Elle a trois enfants. Une fille, deux fils. Ali Riza Polat est le deuxième enfant. "C'est lui qui m'a protégée".
Le président demande si Ali Riza Polat s'entend bien avec son frère et sa soeur. Il était collée à sa soeur, moins d'échanges avec le petit frère. La soeur est partie à Hong Kong.
Le président demande pourquoi Ali Riza Polat n'aime pas travailler ? "Depuis qu'il était petit", dit la mère. Elle reparle de cette date de 2012, et le premier séjour en prison de Polat, "c'était pour les drogues".
Le président : "Est- ce que à un moment ou un autre il a travaillé ?"
Elle a tendance à se tourner vers le box dans lequel est enfermé son fils.
Le président : "Non, non, ne lui demandez pas, c'est ici que ça se passe, madame".
La mère explique qu'elle, travaillait : dans la restauration d'un hôpital, puis dans un garage, puis chez différents employeurs.
Le président : "Et lui que faisait-il à la maison ?"
La mère assure que son fils Ali Riza Polat faisait "tout à la maison" pour l'aider, "même le ménage, le repassage".
La mère soupçonnait qu'il était "dans les magouilles". Mais elle dit qu'elle ne l'a jamais vu avec beaucoup d'argent.
La mère dit que son fils Ali Riza Polat ne lui a jamais "fait part de ses grands rêves".
Le président : "Est-ce que votre fils dit toujours la vérité, même à sa mère ?"
La mère : "Oui".
Le président lui rappelle qu'elle l'a emmené à l'aéroport après les #AttentatsJanvier2015, il l'avait réveillée en pleine nuit pour lui demander. "Il a eu peur", dit-elle.
Le président : "Peur de quoi s'il n'a rien à se reprocher ?"
La mère : "Ca lui fait peur car Coulibaly c'était son ami, comment on peut faire un truc comme ça ?"
La mère raconte que son fils a tenté d'aller au Liban voir une fille, elle a oublié le nom de cette fille. Ali Riza Polat avait dit que c'était pour se marier.
Puis il est parti en Thaïlande, "pour voir un ami malade".
Le président : "Vous n'avez pas été étonnée ?"
La mère : "Je ne sais pas".
Elle parle un français appliqué, n'a presque pas recours à l'interprète à côté d'elle.
Et le président enchaîne sur la religion, "votre fils est devenu musulman".
La mère : "J'étais pas trop d'accord". Elle dit qu'elle croit "au bon Dieu" mais elle n'a "aucune religion". Elle se méfie des religions qui font du mal.
Et le président enchaîne sur une question sur l'essence dans la Kangoo ! Sans développer la question religieuse, qui avait fait exploser Polat le jour où une enquêtrice de la SDAT était venue dire qu'il avait traité sa mère de "mécréante". Le président ne pose pas cette question.
La mère dit qu'elle donnait de l'argent à ses enfants quand elle en avait. Et lui, il vous en a donné ? "Non, jamais", dit la mère d'Ali Riza Polat.
Le président : "Et votre fils à la maison il fait la loi ?"
La mère : "Non, sa soeur et moi, on était reines à la maison".
Elle dit qu'Ali Riza Polat aimait les beaux vêtements et avait parfois de belles voitures, mais pas les siennes. Elle dit qu'elle va voir son fils en prison.
Elle dit qu'en prison, au parloir, "toujours il m'a dit maman j'ai rien fait, je sais très bien qu'il a pas fait des trucs graves, il va pas faire de mal à une mouche".
L'assesseur demande à la mère à quel moment Ali Riza Polat s'intéresse à l'islam.
"C'était 2013, je crois, non même avant", pense la mère sans être sure.
"Après, faire des prières tout ça..." Elle ne finit pas sa phrase, redit : "moi je crois au Bon Dieu mais pas aux religions".
L'assesseur : "Pour lui, sa seule vérité c'est le Coran". Sur un ton affirmatif, et non interrogatif.
La mère : "Peut-être il a pas lu d'autre livre".
Elle redit qu'elle était fâchée au début.
L'assesseur : "Il y a des disputes."
La mère : "Mais pas trop loin".
L'assesseur insiste : "Je vous en parle madame, car dans le dossier, il y a des écoutes téléphoniques, et une écoute avec une de vos amies, le 8 février 2015, où vous évoquez ces disputes avec votre fils, je voudrais que vous nous expliquiez".
Et l'assesseur lit l'écoute : "Je sais pas ce qu’il y a dans leur cervelle de merde, je sais pas ce qui leur lave le cerveau..."
La mère se souvient mais n'explique pas et demande si c'est pas celle qui lui "a tourné le dos ?"
L'assesseur lit la suite de la retranscription de la conversation : "L'autre jour il me parlait de mécréant..."
Conversation du 22 février 2015.
La mère à la barre aujourd'hui : "C'est quoi le mécréant ?..."
Soupirs, dans la salle d'audience.
L'assesseur demande si Ali Riza Polat n'a pas parlé de mécréance à propos de sa soeur.
"Non, non, jamais de la vie", dit la mère à la barre.
L'assesseur n'a plus de question.
Me Cechman avocate de victimes de l'#HyperCacher lit une autre écoute entre la mère et la grand-mère d'Ali Riza Polat. A la barre, la mère nie avoir tenu cette conversation sur "le paradis". Conversation dont la retranscription est peu claire.
Un autre avocat demande à la mère si elle a déjà parlé des caricatures de #CharlieHebdo avec son fils. "Non". L'avocat : "Et vous en pensez quoi ?"
La mère : "Moi je pense la liberté c’est plus important que tout dans ma vie".
L'avocate générale a une question sur le trafic de cocaïne de son fils.
La mère : "Moi je sais pas c'est quoi cocaïne".
Dans la salle, des "oh" !
La mère soupçonnait "des drogues", sans préciser. Des soupçons autour d'Amedy Coulibaly, mais elle ne dit pas grand chose de lui. Il sortait dehors pour parler avec son fils.
L'avocate de Polat dit qu'il y a eu un problème de traduction sur le mot "mécréant" retranscrit dans les écoutes, puisque la mère dit ne plus connaître ce mot.
"Y a-t-il un traducteur turc dans la salle ?" demande Coutant-Peyre.
Dans son box, l'accusé Karasular lève le doigt !
Mais le président refuse la traduction de l'accusé Karasular qui reste assis dans son box. Le box d'en face d'Ali Riza Polat.
Et la mère d'Ali Riza Polat quitte la barre, en envoyant de loin un baiser à son fils. Arrive le petit frère, jean bleu, anorak à capuche. Il a 28 ans. Il était cuisinier dans un resto et va se lancer à son propre compte.
Le petit frère : "Moi mon frère je le connais depuis très très longtemps, c'est mon frère. Il était trafiquant de drogue, il faisait des escroqueries, il est pas radicalisé comme vous dites" !
Le président : "Moi je dis rien du tout".
Le petit frère : "Mon frère il vend pas d'armes, il est plus intelligent, il vend pas d'armes, sinon il serait parti, mon frère il est pas teubé".
Le petit frère : "Moi je vous dis la vérité. J'ai lu beaucoup d'articles, avec des choses fausses. La seule personne que j'aie vu, c'était Amedy Coulibaly, c'était son ami, mon frère lui devait de l'argent, il lui devait 15000 euros".
Le petit frère : "Quand je vois que vous avez des preuves qu'il a caché la moto d'Amedy Coulibaly, mon frère il sait même pas conduire un scooter".
Le petit frère: "Mon frère, il sait que le nerf de la guerre c’est de l’argent. Il a jamais vendu d’armes. Il est avare, il aime l’argent, mais pas à vendre des armes. C’est un jeune de banlieue qui cherche à se démerder comme tous les jeunes de banlieue".
"Oh !", fait la salle.
Le président s'étonne des différences de version entre celle donnée à la barre aujourd'hui, et celle de 2015, quand il a été entendu par les enquêteurs.
Le petit frère : "Mon frère, il faisait des escroqueries de Coca-Cola, j'avais plus de 8000 canettes à la maison".
Ali Riza Polat, dans son box : "Non, mais balance pas !"
Le petit frère à la barre : "C'est pas grave !"
Me Barré : "Est-ce que votre frère vous a déjà traité de mécréant ?"
Le petit frère : "Non, la seule chose, il m'a dit que je devrais croire en Dieu, parce qu'il sait très bien que je crois pas en Dieu, que je mange du cochon".
Le petit frère évoque au détour d'une réponse, que Polat l'a "emmené plusieurs fois à l'hôpital". L'avocate général s'inquiète. Le petit frère : "Il m'a ouvert la lèvre, il était 3 heures du matin, j'avais 13 ans, ben la première réaction qu'il a eue, c'est de me taper, ben oui "
Me Coutant-Peyre revient sur l'insulte à la mère Polat, possible ? Le petit frère : "ben oui, tout le monde insulte sa mère !" dans un moment de colère.
"Bien", dit l'avocate, embarrassée.
Et le petit frère raconte ce jour de 2011 où son grand frère l'aurait réveillé avec une liasse de 50 000 euros.
Ali Riza Polat rit bruyamment aux éclats dans son box.
Le petit frère sourit à la barre.
Le président : "ça vous fait rire ?"
Me Coutant-Peyre dit que le président s'est emmêlé dans la chronologie.
Le petit frère: "Ben oui"
Me Coutant-Peyre, bien embarrassée : "Non, non, pas de commentaire" !
Et le petit frère de dire au président que ses questions ne vont pas.
"Oh", fait à nouveau la salle, agacée.
Et le petit frère repart, d'un pas décontracté.
Puis vient le beau-père de la soeur de Polat, qui dit que ça ne l'étonne pas de voir Ali Riza Polat ici, dans ce box.
Polat qui prend la parole juste après : "Ma famille ils détestent la religion, c'est vrai, ils se moquent de moi parce que je faisais la prière et des magouilles".
Arrive à la barre un témoin que Polat charge depuis un moment. Il se prénomme Madi. Parka à capuche, basket, larges épaules et démarche très assurée.
Il dit : "C'est un acte que je trouve horrifiant et que je n'accepte pas du tout, je suis encore aujourd'hui choqué de ce qui s'est passé"
#AttentatsJanvier2015
"Amedy Coulibaly je le connaissais car on a grandi dans la même ville, les frères Kouachi, non, je les connais pas" dit le témoin, qui était animateur à Grigny.
"Et monsieur Polat, ben pareil, je le connais, je savais pas qu'il était ami intime avec monsieur Coulibaly", dit le témoin.
Le président au témoin : "quand on vous a demandé si Polat faisait dans les armes ?"
"Non", dit le témoin, sous les yeux de Polat.
Le président : "Bon, pourquoi vous avez dit l'inverse à la police ? Les policiers se sont trompés ?"
"Non, non, les policiers se sont pas trompés".
Et le président lit la vieille déposition du témoin : quelqu'un lui a dit que Polat cherchait des armes pour faire des braquages.
A la barre, le témoin est empêtré dans ses contradictions, entre tout ce qu'il dit aujourd'hui et l'inverse, qu'il a dit avant aux policiers, et que le président a sous les yeux. En l'occurrence, pour ce témoin, précieux parallèle du président entre les PV et la barre.
Le président de Jorna qui mène aujourd'hui au mieux les interrogatoires, des témoins comme de Polat, qu'il a su canaliser, en partie ce matin.
Le président, vraiment très en forme aujourd'hui, demande au témoin s'il a un contentieux avec Polat, "car lui il nous en parle hein !", mais "tout le monde ne dit pas la vérité", ironise Régis de Jorna, face au témoin qui vient de mentir publiquement après avoir prêté serment.
Et le témoin à la barre est interrogé sur cette affaire d'escroquerie immobilière qu'il aurait mise sur pied avec Polat avant les attentats.
A la barre, le témoin marmonne : "C'est faux !"
Et l'avocat général demande au témoin s'il se souvient du "petit" qui aurait disparu à Grigny, et aurait été brûlé à l'acide dans un bois en 2016 ? Le témoin à la barre serait, selon Polat, impliqué dans cette affaire en cours. L'avocat général : "pourquoi Polat dit ça ?"
Le témoin à la barre, actuellement interrogé dans cette affaire de "petit" disparu comme s'il était en garde à vue, dit : "là franchement je sais pas du tout pourquoi il dit ça, peut-être parce que j'ai déposé contre lui ?"
Pendant ce temps, Polat, qui n'a cessé de "charger" ce témoin à la barre avant qu'il n'arrive, fait passer des papiers à son avocate, Me Coutant-Peyre.
Et voilà Me Coutant-Peyre qui arrive face au témoin pour lui rappeler : "quand on prête serment et qu'on ne dit pas la vérité, ça s'appelle un faux témoignage, c'est cinq ans de prison dans le code pénal".
Cela fait maintenant une heure que ce témoin est à la barre, en mauvaise posture, dans la grande salle d'audience devant la cour d'assises spéciale.
A la barre, le témoin est devenu amnésique, mais avec une voix assurée. Polat lève le doigt pour "juste dire un truc". "Demain", dit le président. Et le témoin quitte la barre, et crânement, et il s'assied sur un banc de la salle. Un policier lui demande de partir.
Ainsi s'achève l'audience, elle reprendra demain à 9h30. Compte-rendu web @franceinter à suivre dans la soirée...
Et voici le compte-rendu web de ce jour 41 au procès des #AttentatsJanvier2015, avec les jolis dessins de Matthieu Boucheron pour @franceinter. franceinter.fr/justice/ali-ri…

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franceinter.fr/justice/la-col…
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13 Oct
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