Cher amis, j'ai le plaisir de vous annoncer la parution aujourd'hui de Populisme et néolibéralisme.
Je vais en faire un fil Twitter qui intéressera sans doute certains d'entre vous. 👇
J'ai écris ce livre pour poursuivre une réflexion déjà présente dans L’Économie du réel en m'interrogeant sur l'impossible conciliation entre le monde marchand et les besoins sociaux fondamentaux des êtres humains.
L'un de ces besoins est le désir d'émancipation, qu'on peut traduire par la capacité à contrôler son destin et à construire sa propre vie. Cette quête d'émancipation est au cœur du projet libéral tel qu'il a été conçu au siècle des lumières.
Émanciper l'individu c'est lui donner accès au savoir, garantir sa sécurité physique, lui permettre de fonder une famille et de commercer librement, de choisir le travail dans lequel il pourra le mieux s'épanouir.
Mais cette émancipation suppose un certain interventionnisme public, comme d'ailleurs tous les libéraux classiques le reconnaissent volontiers, Adam Smith et John Stuart Mill notamment.
Autrement dit, l'émancipation doit être individuelle ET collective.
À l'échelle collective, cela suppose que chacun puisse participer à la vie démocratique de son pays, que les débats politiques soient collectivement tranchés par une procédure acceptée de tous, que le peuple s'incarne en nation souveraine et décide collectivement de son destin.
Cette promesse émancipatrice du libéralisme fut dévoyée par une conception conservatrice qui a opposé l'individu à l’État en endossant les intérêts des classes supérieures et en choisissant de confier aux mécanismes marchands le soin d'organiser l'essentiel de notre vie sociale.
Ce fut le projet du libéralisme manchestérien adepte du "laisser-faire" et du "laisser-passer", puis du néolibéralisme issu du colloque Lippmann.
Ce "néolibéralisme" n'est pas un fondamentalisme de marché. C'est en effet parce qu'il admet l'existence de défaillances de marchés que ses partisans entendent mettre l’État au service du fonctionnement des marchés.
Friedman, Hayek et Eucken (fondateur de l'école ordolibérale) ne sont pas tous d'accord entre eux. Mais chacun admet que l'ordre marchand ne peut exister sans une intervention de l’État et que le marché n'est pas un état de nature mais la conséquence d'institutions sociales.
Mais contrairement au projet libéral, le projet néolibéral n'a pas pour objectif l'émancipation individuelle. C'est une doctrine de l'action de l’État qui se donne pour but de constituer un système institutionnel permettant de construire et de préserve l'ordre marchand.
C'est ce projet qui est progressivement devenu incompatible avec les fondements de la démocratie, qui suscite aujourd'hui une défiance institutionnelle massive et qui nourrit le populisme.
Mon livre entend montrer pourquoi le néolibéralisme est condamné. Mais il entend aussi soulever une autre question fondamentale. S'il est illusoire de croire qu'il est possible de fonder une société sur les mécanismes marchands, comment concilier le marché avec la démocratie?
Quel doit être le niveau d'intervention collective pertinent? Comment reprendre le contrôle des marchés sans nuire à la liberté individuelle de commercer et d'entreprendre?
Toutes ces questions sont passionnantes et toutes ne trouveront pas une réponse définitive dans mon livre. Mon objectif, à ce stade, est d'amorcer ce grand débat qui échappe encore à nombre d'intellectuels.
Je crois qu'il s'agit du débat le plus important de ce XXIème siècle, car c'est le seul qui permettra de répondre aux grandes angoisses collectives qui se traduisent aujourd'hui par l'émergence de mouvements dangereux et nuisibles à nos libertés fondamentales.
Avant d'aborder la questions des solutions, deux remarques.
1/ Je ne suis ni élu ni à la tête de l’État et de ses administrations. Je suis un économiste universitaire. Mon rôle n'est pas forcément de trouver des solutions mais d'analyser et d'interpréter les faits.
2/ De graves erreurs évitables ont été faites. En avril, j'expliquais déjà que le confinement allait produire des effets à retardement et qu'il fallait s'attendre à un choc financier à l'automne (je n'avais alors pas identifié l'effet retard des PGE).
De plus, j'ai coécrit une tribune dans @lemondefr début septembre pour alerter des effets de distorsion économique suscités par le plan d'accompagnement du gouvernement.
Ce thread a été beaucoup partagé. Du coup on m'a posé quelques questions, notamment sur le comportement des banques, ce qui m'amène à apporter quelques précisions.
Question:
Les prêts étant garantis a 90% par l'état, quel est l'intérêt pour les banques de prêter de l'argent, si elles peuvent perdre les 10% restant ? Sachant que vu le profil de ces entreprises il y a peu de chances qu'elles paient leurs premières traites.
Réponse: Je n'ai pas de réponse claire à cette question. Ce qui est clair, c'est que l'effondrement du nombre de faillites par rapport à une année normale ne peut s'expliquer que par des prêts à des entreprises non solvables.
[#Thread] #COVIDー19#Crise2021
Je pense que tout le monde a compris que la gestion sanitaire de la pandémie de Covid par le gouvernement a été extrêmement laborieuse pour être charitable.
Mais qu'en est-il de sa gestion économique et de ses conséquences? Petit fil.
Le déconfinement s’est transformé en reconfinement. C'était prévisible: l’évolution épidémique était dans les chiffres hospitaliers du mois de septembre.
Mais cela n'a pourtant pas été envisagé en haut lieu et on constate la même impréparation économique.
Après le confinement le pari du gouvernement était une reprise spontanée et rapide de l'économie une fois les contraintes sanitaires levées. Les ménages avaient épargné durant le confinement, ils allaient consommer en masse et relancer l'activité.
Ce que certains économistes ne voient pas c'est surtout que les taux d'intérêt ne sont pas bas du fait d'une réalité économique exogène mais du fait des politiques des banques centrales.
Les taux courts ont toujours été des taux administrés par la politique monétaire.
Mais avec les politiques de "quantitative easing", les banques centrales se sont mises à acheter massivement des obligations publiques, ce qui a fait beaucoup baisser les taux longs également.
Autrement dit, et c'est ça qu'il faut bien comprendre, les marchés financiers sont aujourd'hui administrés de facto.
Ce ne sont plus les marchés qui déterminent le coût de l'argent mais les autorités publiques qui déterminent la santé des marchés financiers.
Il est maintenant évident que la crise du #Covid sera aussi une crise économique et financière.
Les économies sont à l'arrêt. Du coup les États prennent le relais en dépensant sans compter. Mais comment gérer cette montagne de dette une fois la crise passée?
Tout d'abord oui, les dettes vont être énormes tant pour les États que pour les entreprises.
La soutenabilité d'une dette dépend du revenu annuel d'une l'entreprise ou du PIB pour la dette publique.
Or, non seulement les dettes vont augmenter, mais les revenus vont baisser.
Comme l'économie était déjà très endettée avant la crise, il est probable que lorsque l'économie repartira une grande partie de la dette s'avèrera insolvable. De nombreuses entreprises risquent donc de faire faillite et de nombreux États seront incapables de faire face.
L'échec des négociations relatives au budget européen n'a absolument rien d'étonnant.
Il illustre l'état de décomposition avancé dans lequel se trouve le projet européen, état que nous avons déjà largement analysé dans nos écris communs avec Coralie Delaume.
Le budget européen est au cœur de tout.
- Il détermine les moyens consacrés au #Greendeal européen et à la transition écologique.
- Il détermine la #PAC à un moment où l'industrialisation des pratiques agricoles s'accélère, sur fond d'une concurrence exacerbée.
(Les agriculteurs français souffrent davantage de la concurrence des autres pays européens que de celle des pays hors UE.)
- Enfin, il détermine le montant des fonds structurels qui visent à aider les régions défavorisées dont beaucoup se situent en Europe centrale et orientale.