Thread by @dav_cayla

#budgetUE #Thread

L'échec des négociations relatives au budget européen n'a absolument rien d'étonnant.

Il illustre l'état de décomposition avancé dans lequel se trouve le projet européen, état que nous avons déjà largement analysé dans nos écris communs avec Coralie Delaume.

Le budget européen est au cœur de tout.

- Il détermine les moyens consacrés au #Greendeal européen et à la transition écologique.

- Il détermine la #PAC à un moment où l'industrialisation des pratiques agricoles s'accélère, sur fond d'une concurrence exacerbée.

(Les agriculteurs français souffrent davantage de la concurrence des autres pays européens que de celle des pays hors UE.)

- Enfin, il détermine le montant des fonds structurels qui visent à aider les régions défavorisées dont beaucoup se situent en Europe centrale et orientale.

C'est dans ce contexte que survient le #Brexit. Le départ du Royaume-Uni pose d'énormes problèmes budgétaires à l'UE, comme j'ai déjà eu l'occasion de l'écrire. 👇
lefigaro.fr/vox/monde/brex…

La Grande Bretagne, c'est près de €10 milliards de contribution nette au budget, environ €75 milliards d'euros sur 7 ans compte-tenu de la croissance économique.

On a trois groupes de pays qui s'affrontent dans ces négociations. L'Allemagne et l'Europe du nord entendent répondre au trou budgétaire par une stagnation des dépenses européennes.
C'est sur cette ligne que se trouve Bruxelles qui a proposé un budget à 1,074% du PIB européen.

Or, un tel #budgetUE nécessiterait la réduction soit des fonds structurels, soit des montants attribués à la #PAC.

C'est la PAC qui est dans le collimateur, avec une baisse prévue de 15% de ses dépenses (soit 54 milliards d'euros).

Ce budget se fera au détriment des agriculteurs en général et de la France en particulier. Les fonds structurels de solidarité seront inchangés (ils baisseront donc en % du PIB), ce qui fait hurler les pays d'Europe centrale et orientale même s'ils s'en sortent assez bien.

La solution serait, pour compenser le départ du R-U, d'augmenter le budget européen à 1,3% du PIB. C'est ce que propose le Parlement européen (notamment, le président allemand du groupe majoritaire, le PPE, Manfred Weber).

Une hausse du budget européen supposerait de trouver de l'argent auprès des contributeurs nets qui bénéficient actuellement d'un rabais et au premier rang desquels se trouve l'Allemagne.

La suppression du #rabais dont bénéficient 5 pays (l'Allemagne, la Suède, les Pays-Bas, l'Autriche et le Danemark) et qui coûte 5 milliards par an aurait dû être l'une des conséquences du Brexit puisque ce rabais a été instauré en 1984 à la demande de Thatcher.

... Mais ces pays refusent toute réduction de cet avantage.

La France a donc proposé une hausse des ressources propres de l'UE par l'instauration de nouvelles taxes écologiques (dont une taxe sur le plastique). Refus des autres pays européens et de l'Europe du nord.

Rappelons que ces ressources propres sont en partie issues des droits de douane et que ceux-ci sont justement en train de disparaître à mesure que l'UE ratifie de nouveaux traités de libre-échange.

Rappelons également que l'Union européenne n'a pas le droit d'emprunter, y compris pour financer des projets d'investissement, ce qui fait que toute dépense doit forcément trouver une ressource.

(Cas unique pour une institution publique.)

Cette impasse budgétaire illustre le manque total de vision stratégique sur le rôle que devrait avoir l'Union européenne et sur l'ambition de ses politiques économiques. (Europe qui protège, tout ça...)

Alors que la nouvelle présidente de la Commission a promis un "Green Deal" pour favoriser la lutte contre le changement climatique, personne n'est capable de mettre de l'argent en face. Ce #Greendeal est mort avant même d'être né.

Cette impasse budgétaire illustre aussi (et surtout j'ai envie de dire) le lourd échec diplomatique d'Emmanuel Macron. Que la France apparaisse comme la grande perdante de la proposition de budget de Charles Michel montre son isolement européen.

La stratégie de reconstruction du "couple franco-allemand" qu'a amorcé Macron avec le traité d'Aix-La-Chapelle (mais pas seulement) est une faillite sur toute la ligne.

À ce sujet lire, cet essai de l'amie @CoralieDelaume 👇

TOUTES les propositions françaises se sont vues répondre un "NEIN" définitif de la part de la chancelière. Face à ces refus successifs, la France n'a jamais été en mesure de répliquer quoi que ce soit.

Après s'être fâchée avec l'Italie et la Pologne, avoir snobé la Grèce ou l'Espagne, #Macron se retrouve esseulé et lâche sur tous les dossiers européens qu'il entreprend (il perd sur le traité de libre-échange avec le #Mercosur, il perd sur le budget de la zone euro...

... il perd sur l'élargissement... et il a même perdu sur la ligne dure qu'il prétendait incarner vis-à-vis du Brexit.)

À l'inverse, l'Allemagne compte de puissants alliés... mais aussi la Pologne et la Hongrie dont le projet de budget préserve en partie les intérêts.

Moralité: ce ne sont pas les pro-UE exaltés qui sortent renforcés mais ceux qui défendent avec acharnement leurs intérêts nationaux.

S'il y a une leçon à tirer, c'est que le projet européen est à l'agonie et que la France a complètement manqué cette réalité géo-stratégique.