Thread by @AgeMoyen

Vous avez haleté en attendant les résultats des #ElectionsAmericaines, mais aviez-vous suivi les débats télés entre les deux candidats ? Au Moyen Âge, les seigneurs connaissent eux aussi l'importance des débats et des discussions... Un thread ⬇️ ! #histoire #medievaltwitter

Contrairement à un cliché répandu, seigneurs et chevaliers ne sont pas des brutes épaisses : à côté du combat, la culture littéraire et l’éloquence font aussi partie des valeurs qui définissent le chevalier « modèle ».

Conon de Béthune, seigneur du début du XIIIe siècle, est par exemple présenté comme un « sage chevalier, hardi et bien parlant ». Être « bien parlant » est un vrai signe de distinction sociale, source de prestige dans la société seigneuriale.

Par ailleurs, l’éloquence de Conon a pu résoudre des situations politiques difficiles. En 1209, il négocie ainsi un complexe traité diplomatique entre l'empereur latin de Constantinople et un seigneur byzantin, Michel-Ange Comnène...

...envoyé par l'empereur, Conon explique qu'il va utiliser de « beaux mots polis » pour « mettre en avant la parole de son seigneur », et qu'il s'agit là de son « métier ». On a donc un vrai professionnel de la parole, qui parvient par son habileté à calmer le jeu.

Ces prises de parole harmonieuses ne représentent cependant pas l’ensemble des discussions entre seigneurs. En effet, dans de nombreuses chroniques médiévales, il est question de chevaliers qui haussent le ton et s’envoient des menaces à la figure...

À la différence des débats présidentiels, ces échanges de vive voix ne se font toutefois pas entre deux débatteurs concurrents, mais impliquent plutôt des groupes entiers. C'est notamment le cas quand il faut élire le premier empereur latin de Constantinople en 1204.

Deux groupes s'opposent, autour de deux candidats (Baudouin de Flandres vs Boniface de Montferrat), et les débats sont très violents : les seigneurs s'échangent « de grosses paroles » et des menaces, certains tirent les armes...

La situation se calme grâce à un troisième groupe de seigneurs qui se font les intermédiaires et savent convaincre les deux candidats – Boniface et Baudouin – de se réconcilier. Situation totalement caractéristique de la vie politique seigneuriale.

Même configuration au moment de l'élection : le collège électoral étant dans une impasse, c'est le doge de Venise, « homme très sage », qui prononce un discours d'apaisement afin de débloquer la situation.

Les « palabres » font ainsi pleinement partie des pratiques politiques des seigneurs du Moyen Âge. C’est un moyen d’affirmer son autorité et sa place, mais aussi de laisser circuler la parole et donc - au moins symboliquement - le pouvoir.

Même si, évidemment, les seigneurs les plus importants parviennent presque toujours à imposer leurs décisions. D'ailleurs, si ajd on se concentre sur "le mot de la fin", à l'époque ce sont les premiers mots qui comptent davantage ! Cf ce thread :

https://twitter.com/AgeMoyen/status/1169509105486180352

Détenir la parole et le monopole des mots, pouvoir parler en public, c’est donc exercer une domination politique. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si les chroniques médiévales donnent essentiellement la parole à des figures d’autorité (et surtout à des hommes...)

Aujourd'hui, on se dit, face à des débats souvent bien creux, qu’une véritable démocratie ne saurait laisser la majorité de la population sans voix, tandis que quelques ultra-riches soi-disant représentants du peuple s’écharpent à coup d’insultes sur des plateaux télés...

Les seigneurs médiévaux, des pros des débats télés ? Retrouvez notre article du jour sur notre blog :
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