Saviez-vous qu'au XIIIe siècle, le roi Louis IX (= saint Louis) avait installé dans le nord de la France des centaines de Sarrasins convertis au christianisme, qui touchaient des pensions de l'Etat... ? Pour ce #VendrediLecture, un thread autour d'un livre récent ⬇️ ! #histoire
Le livre en question, c'est « La prunelle de ses yeux. Convertis de l'islam sous le règne de Louis IX », écrit par le médiéviste anglais W.C. Jordan et récemment traduit en français par Jacques Dalarun. (Publié par les @editionsehess)
Dans ce livre, W.C. Jordan revient sur un élément peu connu de l'histoire de Louis IX. Celui-ci part en croisade entre 1251 et 1254, et, pendant qu'il réside à Acre, il déploie une intense activité missionnaire visant à convertir des musulmans
Rien d'étonnant : c'est à la fois dans la continuité de sa politique globale (notamment vis-à-vis des Juifs ou des prostituées) et en cohérence avec sa mission de croisé, car la croisade est, dès son origine, très liée à l'idée de conversion.
Et ça marche. Les profils des convertis sont nombreux : des prisonniers de guerre se convertissent pour être libérés, des petits nobles qui veulent s'approcher du roi, des gens plutôt pauvres qui espèrent obtenir les très généreux cadeaux que le roi distribue à « ses » baptisés..
Evidemment, ça pose la question de la « sincérité » de ces conversions, mais W.C.Jordan montre que c'est une fausse question. Ce qui compte, c'est qu'il ne s'agit pas de baptêmes forcés, ce que le droit canonique de l'époque interdit fermement.
Au moment de rentrer en France, Louis décide d'y envoyer « ses » baptisés. Il organise donc leur voyage en France, puis leur installation, dans des villes du nord du royaume. L'auteur évalue leur nombre à environ 1500, tous âges et sexes confondus.
Leur arrivée n'a pas dû être facile. On devine par exemple leur choc face à un climat bien plus rude que dans leur Orient natal : dans une source, on voit que le roi ordonne de faire fabriquer des « manteaux de fourrure » pour les distribuer à ses convertis
Car le roi prend grand soin de ses baptisés, qui sont la vivante preuve du succès de son entreprise en Orient. Il leur distribue ainsi des pensions durant toute leur vie, qui sont réévaluées régulièrement pour tenir compte de l'inflation (#geldupointdindice... ok ok, j'arrête)
Le roi prend également en charge les loyers de ces convertis, et enfin nomme des officiers extraordinaires chargés de veiller sur eux. Ces officiers doivent également veiller à ce que les notables locaux n'abusent pas de ces néo-arrivants, qui n'ont pas de familles ni d'amis !
Les réactions des locaux oscillent entre indifférence, hostilité et amitié : un chanoine de Rouen rédige ainsi un texte dans lequel il note que la Vierge aime tout particulièrement « les Sarrasins », ce qui traduit peut-être sa proximité avec une famille locale de convertis
L'intégration dans la société locale ne se passe pas toujours bien. Plusieurs convertis d'Orléans prennent la fuite : ont-ils cherché à regagner leur lointain Orient ? Peut-on imaginer qu'ils y aient réussi, peut-être en se faisant passer pour des pèlerins ?
En tout cas ce n'est pas leur apparence corporelle qui a pu vendre la mèche : comme le montre l'auteur, à l'époque la couleur de la peau n'est pas pensée ni perçue comme un critère d'altérité. Un ancien musulman converti ne devait donc pas se reconnaître facilement.
La plupart ont dû s’intégrer sans difficultés, voire avec enthousiasme. D’autres ont sûrement fait contre mauvaise fortune bon cœur, encouragés à rester dans le rang par le spectacle des Juifs apostats ou des hérétiques que l’on brûlait régulièrement dans les villes de l’époque.
Pour d'autres, cela se passe mieux. Dans les sources, on croise par exemple un Johann Sarrasin qui devient sergent du guet à Paris, ou encore un Gobert Sarrasin, percepteur des revenus royaux autour de Laon, qui réussit une rare ascension sociale en finissant châtelain !
Ces convertis se font peu à peu une place au sein du royaume, sans forcément oublier leur identité d’origine. Un siècle après, un certain Raymond demande une lettre de rémission en rappelant qu’il appartient à la « lignée des baptisés amenés d’Outremer par le roi Louis »
Le livre est extrêmement bien écrit, appuyé sur des sources rigoureusement étudiées mais aussi sur un usage contrôlé et critique de l'imagination. Une belle leçon de méthode en plus d'être une enquête sur un aspect méconnu de l'histoire médiévale de la France
L'analyse minutieuse de W.C. Jordan permet de répondre à ceux qui rêvent d’une Europe « entièrement blanche » : en 1260, dans plusieurs dizaines de villes du nord du royaume, on trouvait des familles entières de musulmans tout juste convertis au christianisme.
On a là un bel exemple concret permettant de prouver que les sociétés européennes médiévales étaient plus diverses que certains ne voudraient aujourd’hui le penser ou le faire penser... !
Vous avez haleté en attendant les résultats des #ElectionsAmericaines, mais aviez-vous suivi les débats télés entre les deux candidats ? Au Moyen Âge, les seigneurs connaissent eux aussi l'importance des débats et des discussions... Un thread ⬇️ ! #histoire#medievaltwitter
Contrairement à un cliché répandu, seigneurs et chevaliers ne sont pas des brutes épaisses : à côté du combat, la culture littéraire et l’éloquence font aussi partie des valeurs qui définissent le chevalier « modèle ».
Conon de Béthune, seigneur du début du XIIIe siècle, est par exemple présenté comme un « sage chevalier, hardi et bien parlant ». Être « bien parlant » est un vrai signe de distinction sociale, source de prestige dans la société seigneuriale.
Jean-Michel Blanquer a accusé les universitaires d'être des « islamogauchistes ». Attaquer quelqu'un en l'accusant de trop aimer l'islam : une vieille stratégie rhétorique, dont l'empereur Frédéric II, au XIIIe siècle, fit déjà les frais. Un thread ⬇️! #histoire#medievaltwitter
(Avant de commencer : d'autres ont rappelé que le concept d'islamogauchisme venait de l'extrême-droite, tandis que Samuel Hayat montre qu'il s'agit d'un concept volontairement flou et d'autant plus dangereux : lire ça : inrer.org/2020/10/islamo…
et nouvelobs.com/idees/20201027…
Frédéric II Hohenstaufen est empereur du Saint Empire romain germanique de 1215 à 1250. Son règne, à la fois brillant et très mouvementé, marqué notamment par l'opposition aux communes italiennes et à la papauté, a fait de lui un personnage entouré d’une aura légendaire.
Dans cette vidéo, on entend un prof de droit de la #Sorbonne livrer de longs "avis personnels" homophobes et transphobes, ce qui est atterrant (et grave). Et, au milieu, une rapide référence discrète au Moyen Âge... Discrète, certes, mais révélatrice. Petit décryptage ⬇️
L'extrait concerné est celui-ci. A 1'34, le prof en question explique que bientôt viendront « probablement des pays nordiques » d'autres lois qu'il juge absurdes : après le mariage homosexuel, ce sera bientôt (dit-il) le tour du mariage zoophile !
(passons sur le fait qu'il s'agit d'une comparaison extrêmement insultante, mais surtout totalement idiote. Le mariage étant d'abord et surtout l'union légale de deux consentements, j'attends impatiemment le jour où une jument dira dans une mairie « oui, je le veux ! »)
Plusieurs des tueurs ayant commis des massacres de masse ces dernières années se revendiquent explicitement du Moyen Âge. Comment comprendre cette fascination pour la période médiévale ? Un thread où on parle fantasmes et appropriation de l’#histoire par l’extrême-droite ⬇️
Petit bilan rapide d’abord. Breivik (2011) se définissait dans son manifeste comme un templier ; Brenton Tarrant (2019) fait référence aux croisades sur ses armes à feu et aux Templiers dans son manifeste ; Brian Clyde (2019) va jusqu’à poser en armure médiévale avec un fusil...
Certes, trois événements ne font pas un phénomène. Mais on devine là une tendance qui interroge ; surtout qu'elle n’est que la pointe émergée de l’iceberg : on sait qu’aux Etats-Unis l’extrême-droite utilise par exemples les runes vikings. Cf ce thread :
Si vous êtes partis en vacances cet été, peut-être avez-vous pris l’autoroute et râlé sur les péages. On en oublierait presque que les routes appartiennent à l’Etat... et ce depuis le Moyen Âge. Un thread ⬇️! #histoire#medievaltwitter
Au Xe siècle apparaît en anglais le terme highway. Récemment unifié, le royaume d’Angleterre connaît alors une période de relative prospérité et sécurité qui se traduit par une augmentation des circulations, et donc de la fréquentation des routes.
Les textes parlent de plus en plus souvent de « route publique », de « route du marché », de « route du sel »... Les routes font alors l’objet d’une législation royale particulière.
À la suite de l’explosion qui s’est produite au Liban, les voix s’élèvent dans le pays pour dénoncer l’oligarchie qui contrôle le pays et ses richesses. Un mécontentement qu’on observe également à Metz au XVe siècle. Un thread ⬇️! #histoire#medievaltwitter
Dès le Xe siècle, Metz fait partie de l’Empire romain germanique. Durant les trois siècles qui suivent, la cité messine s’affranchit progressivement de la tutelle de son évêque et de l’empereur, pour obtenir le statut de « ville libre d’Empire ».
Cela signifie qu’elle jouit de privilèges qui lui sont confirmés par chaque nouvel empereur, comme le droit de battre sa propre monnaie, d'avoir un sceau et ses propres institutions, en échange d’un devoir de fidélité et d’obéissance.