La croisade... aventure chevaleresque, idéal chrétien... mais aussi cauchemar logistique. A la fin du Moyen Âge, les souverains cherchent à organiser LA croisade idéale. Et s'arrachent les cheveux. Un thread ⬇️ ! #histoire#medievaltwitter
En 1454, le duc de Bourgogne Philippe le Bon s'engage à partir en croisade lors du banquet dit du « vœu du Faisan ». Echaudé par le souvenir de la défaite de Nicopolis en 1396, le duc sollicite ses experts et espions pour préparer soigneusement son expédition.
Résultat : près de dix ans d'enquêtes, d'avis, de mémorandums, de contrats, conservés dans les Archives départementales de Lille et qui témoignent de l'élaboration méticuleuse d'une future croisade.
Ces documents montrent les connaissances précises dans l'art délicat de déplacer des armées, preuve des progrès des techniques militaires à l'époque, et de l'émergence progressive d'armées professionnelles.
Les auteurs sont très précis. Par exemple : il faudra prévoir des tentes-écuries, car les chevaux qui prennent la pluie tombent malades et meurent. On fait donc fabriquer d'immenses tentes, longues de 30 mètres, pour loger chacune 30 chevaux. Problème réglé, au suivant !
Le souci, c'est que plus on veut prévoir... plus les problèmes s'ajoutent les uns aux autres.
L'expédition sera composée d'environ 7000 hommes. Il faudra transporter leur nourriture, leurs tentes, des vêtements et des armes de rechange, des chaussures, des gourdes, des cordes pour les arcs, des réserves de dizaines de milliers de flèches et de carreaux d'arbalète...
...du fourrage pour les chevaux, des clous de rechange pour leurs fers, etc. Et des outils : pelles, scies, clous, marteaux, qu'il faut acheter, entreposer, vérifier, transporter. Et il faudra des médecins, avec leurs remèdes. Et des prêtres, avec des chapelles portatives...
Le duc et ses principaux nobles voyageront quant à eux avec des tentes prestigieuses, avec leurs meubles, avec tout un personnel domestique qui devra lui aussi être nourri, logé, vêtu.
Et il ne faudrait pas oublier l'artillerie : 10 bombardes, des mortiers, des couleuvrines, la poudre, les boulets, les lanternes, les grues pour installer les pièces...
Pour transporter tout ça, il faut des chariots, tirés par des chevaux. L'ensemble des chariots compose ce qu'on appelle alors le « charroi » : un document prévoit environ 200 chariots pour les hommes, et autant pour l'artillerie.
Ce qui veut dire 400 conducteurs au moins, et un responsable du charroi. Qui seront tous payés, et très chers, en plus, car ils ont un vrai savoir-faire.
Du coup, les documents notent que mieux vaut emmener des « batteurs de monnaie », pour frapper des pièces durant le voyage et rémunérer les hommes. Vu qu'ils auront besoin d'une petite forge portative pour faire leur travail... on rajoute un chariot.
Et vu que tous ces chariots veulent dire au moins 800 chevaux, on rajoute une trentaine de tentes-écuries... et donc des chariots pour les transporter. Vous commencez à voir le problème... ?
En outre, il faut savoir par où passer. Il faudra donc employer des éclaireurs, des guides, un personnel spécial chargé « d'agrandir » les routes quand elles seront trop étroites. Le cas échéant, il faudra aussi des traducteurs, pour négocier avec les locaux.
Tous ces hommes s'ajoutent aux troupes régulières : il faudra les payer... et rajouter des archers du guet pour surveiller tout ce beau monde. Et donc, plus de monde, et donc, plus de fournitures, et donc... plus de chariots.
Sur la route, il va falloir franchir des fleuves et des rivières, passages dangereux qui peuvent détruire une armée. Aucun problème : les experts notent qu'il suffit d'emporter un pont flottant, qu'on assemblera avant chaque passage.
Celui-ci se composera de 300 planches de près de trois mètres, de clous, de tonneaux, de cordes et d'anneaux. Mais évidemment, c'est très lourd, et donc... il faut rajouter plusieurs chariots pour transporter tout ce matériel.
A ce stade, on sent certains auteurs un peu agacés. L'un d'eux note même que la croisade est tout bonnement « impossible » par terre : il faut donc emprunter les voies fluviales, puis la mer, ce qui règle le problème du poids, des roues cassées, des routes embourbées, etc.
Mais, évidemment, ça crée tout un tas d'autres défis : combien de navires ? combien de marins ? comment faire pour éviter que les chevaux ne tombent malades pendant la traversée ? etc. Encore des problèmes, des défis, des solutions proposées, qui entraînent de nouveaux obstacles.
Finalement, la croisade bourguignonne n'aura jamais lieu. Tout ça pour rien... !
Face à cet amas de papiers, on a un peu l'impression que les stratèges bourguignons se sont noyés dans les détails. Et que, finalement, tous ces préparatifs textuels ont contribué à décourager le duc
Moralité : pour faire, mieux vaut peut-être ne pas trop chercher à faire bien... !
Quand la croisade devient un casse-tête logistique : retrouvez notre article du jour sur notre blog ! actuelmoyenage.wordpress.com/2020/12/10/la-…
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L'expression « Bois mes règles ! » circule dans les milieux féministes pour se débarrasser d'un homme devenu trop entreprenant. Dégoûter un homme en convoquant des aspects prétendument répugnants du corps féminin : au Moyen Âge, il s'agit d'un lieu commun. Un thread ⬇️!
Le prédicateur du Xe siècle Odon de Cluny écrit par exemple que « si les hommes voyaient ce qui est sous la peau, la seule vue des femmes serait nauséabonde ». Une image qu'on retrouve dans le Roman de la Rose (XIIIe siècle)
Ces affirmations sont le fait d’hommes voulant écarter d’autres hommes de la compagnie réputée immorale des femmes. Celles-ci pouvaient-elles reprendre l’argument à leur compte et s’en servir comme celles du XXIe siècle ?
Saviez-vous qu'au XIIIe siècle, le roi Louis IX (= saint Louis) avait installé dans le nord de la France des centaines de Sarrasins convertis au christianisme, qui touchaient des pensions de l'Etat... ? Pour ce #VendrediLecture, un thread autour d'un livre récent ⬇️ ! #histoire
Le livre en question, c'est « La prunelle de ses yeux. Convertis de l'islam sous le règne de Louis IX », écrit par le médiéviste anglais W.C. Jordan et récemment traduit en français par Jacques Dalarun. (Publié par les @editionsehess)
Vous avez haleté en attendant les résultats des #ElectionsAmericaines, mais aviez-vous suivi les débats télés entre les deux candidats ? Au Moyen Âge, les seigneurs connaissent eux aussi l'importance des débats et des discussions... Un thread ⬇️ ! #histoire#medievaltwitter
Contrairement à un cliché répandu, seigneurs et chevaliers ne sont pas des brutes épaisses : à côté du combat, la culture littéraire et l’éloquence font aussi partie des valeurs qui définissent le chevalier « modèle ».
Conon de Béthune, seigneur du début du XIIIe siècle, est par exemple présenté comme un « sage chevalier, hardi et bien parlant ». Être « bien parlant » est un vrai signe de distinction sociale, source de prestige dans la société seigneuriale.
Jean-Michel Blanquer a accusé les universitaires d'être des « islamogauchistes ». Attaquer quelqu'un en l'accusant de trop aimer l'islam : une vieille stratégie rhétorique, dont l'empereur Frédéric II, au XIIIe siècle, fit déjà les frais. Un thread ⬇️! #histoire#medievaltwitter
(Avant de commencer : d'autres ont rappelé que le concept d'islamogauchisme venait de l'extrême-droite, tandis que Samuel Hayat montre qu'il s'agit d'un concept volontairement flou et d'autant plus dangereux : lire ça : inrer.org/2020/10/islamo…
et nouvelobs.com/idees/20201027…
Frédéric II Hohenstaufen est empereur du Saint Empire romain germanique de 1215 à 1250. Son règne, à la fois brillant et très mouvementé, marqué notamment par l'opposition aux communes italiennes et à la papauté, a fait de lui un personnage entouré d’une aura légendaire.
Dans cette vidéo, on entend un prof de droit de la #Sorbonne livrer de longs "avis personnels" homophobes et transphobes, ce qui est atterrant (et grave). Et, au milieu, une rapide référence discrète au Moyen Âge... Discrète, certes, mais révélatrice. Petit décryptage ⬇️
L'extrait concerné est celui-ci. A 1'34, le prof en question explique que bientôt viendront « probablement des pays nordiques » d'autres lois qu'il juge absurdes : après le mariage homosexuel, ce sera bientôt (dit-il) le tour du mariage zoophile !
(passons sur le fait qu'il s'agit d'une comparaison extrêmement insultante, mais surtout totalement idiote. Le mariage étant d'abord et surtout l'union légale de deux consentements, j'attends impatiemment le jour où une jument dira dans une mairie « oui, je le veux ! »)
Plusieurs des tueurs ayant commis des massacres de masse ces dernières années se revendiquent explicitement du Moyen Âge. Comment comprendre cette fascination pour la période médiévale ? Un thread où on parle fantasmes et appropriation de l’#histoire par l’extrême-droite ⬇️
Petit bilan rapide d’abord. Breivik (2011) se définissait dans son manifeste comme un templier ; Brenton Tarrant (2019) fait référence aux croisades sur ses armes à feu et aux Templiers dans son manifeste ; Brian Clyde (2019) va jusqu’à poser en armure médiévale avec un fusil...
Certes, trois événements ne font pas un phénomène. Mais on devine là une tendance qui interroge ; surtout qu'elle n’est que la pointe émergée de l’iceberg : on sait qu’aux Etats-Unis l’extrême-droite utilise par exemples les runes vikings. Cf ce thread :