Le Sénat a examiné la semaine dernière une proposition de loi pour le droit à mourir dignement. Un problème typiquement contemporain ? Pas du tout ! La preuve avec une histoire datant de 1446, où un homme décide d'abréger les souffrances de son frère... Un thread ⬇️ ! #histoire
On est en 1446, à Wissous (15km au sud-ouest de Paris). Un certain Jean Badren se fait mordre par un chien enragé. A l'époque, la rage est une maladie mortelle et Jean est visiblement conscient qu'il est condamné
Il essaye quand même divers remèdes, voit un médecin parisien, se rend en pèlerinage à Saint-Denis pour prier sur le tombeau de saint Louis, mais rien n'y fait. Quand les premiers symptômes se déclenchent, il sait qu'il va mourir.
Il entreprend alors de mettre ses affaires en ordre, notamment en faisant son testament – préoccupation majeure pour les médiévaux. Puis, tant qu'il a tous ses esprits, il demande qu'on l'attache
Ses souffrances sont visiblement terribles à voir pour les proches qui l'entourent. Appelé à son chevet, un barbier conseille alors de l'achever, et accuse les personnes présentes d'être de « mauvaises gens » car ils savent ce qu'il faut faire
Il conseille de « prendre une couette de lit pour mettre dessus Badren pour l’éteindre et lui avancer sa mort ». Et il ajoute qu'il l'a fait plusieurs fois dans le passé.
Les proches de Jean hésitent. Certains avouent avoir été témoins de ce qu’on qualifierait aujourd’hui d’« #euthanasie » et commencent à l’envisager pour Jean. Mais sa femme s'y oppose et interrompt une première tentative.
Les crises du malade se font de plus en plus terribles. Renaud, son frère, déchiré, prend conseil auprès de ses amis et décide de « le libérer sans le laisser davantage souffrir ». Les amis l'étouffent alors sous une couette, et il meurt.
L’acte a deux justifications. Il vise à abréger les souffrances de Jean, qui est condamné. Mais ses amis veulent aussi éviter qu’il ne maudisse Dieu sous l’effet de la douleur, ce qui le vouerait à l’enfer éternel.
Rapide, l’enterrement ne signe pas la fin de l’histoire : l’euthanasie et le suicide sont des crimes et des péchés mortels. Renaud est donc jugé pour avoir commandité cette mort non naturelle.
Et c'est grâce à ce jugement qu'on connaît l'affaire, qui est détaillée dans une lettre de rémission. Car Renaud est acquitté, très rapidement d'ailleurs.
Preuve qu’au-delà des lois, les autorités comprenaient qu’on ait voulu épargner à un ami ou à un frère d’inhumaines souffrances... A l'heure où la loi va peut-être évoluer, retrouvez notre article du jour sur notre blog ! actuelmoyenage.wordpress.com/2021/03/18/lib…
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On continue notre travail de fact-checking de l'émission « La belle histoire de France » animée par Franck Ferrand et Marc Menant sur CNEWS. Dimanche dernier, c'était sur les Mérovingiens, de Dagobert à Pépin le Bref. Décryptage et critique ⬇️! #histoire#medievaltwitter
1' [Christine Kelly] « on aura de la violence aussi ? » [F. Ferrand] « pas mal, du sang, du sang, du sang ! »
Record battu : moins d'une minute et on est déjà en plein dans le cliché du Moyen Âge sanglant, brutal, violent. Une idée qui revient en permanence dans l'émission...
On comprend bien pourquoi : c'est à la fois confortable et vendeur. Historiquement, cela n'a aucun intérêt : les historiens ne se demandent pas si une période était violente (toutes le sont !), mais comment chaque période a pensé, régulé, pratiqué la violence
Le dernier épisode de « La belle histoire de France », animé par Franck Ferrand sur @CNEWS, portait sur la période des "grandes invasions". Comme le précédent, c'est un mélange d'erreurs, de clichés et de visions politiquement orientées. Un thread ⬇️! #medievaltwitter#histoire
Des erreurs, d'abord. Par exemple ici :
"A Andrinople, les Wisigoths ont carrément mis en fuite l'empereur romain d'Orient Valens" (03'51)
Jolie boulette, car lors de la bataille d'Andrinople l'empereur Valens est "carrément"... tué. Oupsy.
"les Alains viennent d'Iran, comme vous pouvez le voir..." (4'47)
Les Alains sont effectivement un peuple originaire de l'actuel Iran, mais à ce moment-là Franck Ferrand montre l'Ukraine ou le sud-ouest de la Russie. Vivement qu'il anime une émission de géographie... !
Emmanuel #Macron, président « jupitérien » ? Lui-même n'a employé la formule qu'une seule fois, mais elle a vite envahi les médias. Or cette comparaison entre un dirigeant et les dieux de l'Antiquité a une longue histoire... ! Un thread ⬇️ #histoire#medievaltwitter
On pourrait bien sûr penser à la manière dont Louis XIV s'est comparé à Apollon, construisant sa légitimité autour de l'image du « roi Soleil ». Mais ces rapprochements sont également utilisés dès le Moyen Âge !
Vers la fin du XIIe siècle, Pierre d'Eboli, chroniqueur du sud de l'Italie, écrit un éloge de l'empereur Henri VI, sur commande du chancelier impérial. L'empereur y est souvent appelé « Jupiter Tonnant » et son épouse « Junon ».
En plein hiver, peut-être avez-vous apprécié une bonne raclette, ou des pâtes au parmesan... 🧀 Mais qui lait-cru ? Le fromage était loin de faire l’unanimité au Moyen Âge. Un thread ⬇️ ! #histoire#medievaltwitter
En effet, le fromage est globalement critiqué par les médecins médiévaux, qui le jugent difficile à digérer. Au Xe siècle, Isaac Israeli est catégorique : « le fromage est universellement très mauvais ». Vous voilà prévenus !
Considéré comme un aliment rustique, le fromage est plutôt réservé aux plus modestes. Il peut être un marqueur de distinction sociale : aux nobles la viande, aux valets le fromage.
La croisade... aventure chevaleresque, idéal chrétien... mais aussi cauchemar logistique. A la fin du Moyen Âge, les souverains cherchent à organiser LA croisade idéale. Et s'arrachent les cheveux. Un thread ⬇️ ! #histoire#medievaltwitter
En 1454, le duc de Bourgogne Philippe le Bon s'engage à partir en croisade lors du banquet dit du « vœu du Faisan ». Echaudé par le souvenir de la défaite de Nicopolis en 1396, le duc sollicite ses experts et espions pour préparer soigneusement son expédition.
Résultat : près de dix ans d'enquêtes, d'avis, de mémorandums, de contrats, conservés dans les Archives départementales de Lille et qui témoignent de l'élaboration méticuleuse d'une future croisade.
L'expression « Bois mes règles ! » circule dans les milieux féministes pour se débarrasser d'un homme devenu trop entreprenant. Dégoûter un homme en convoquant des aspects prétendument répugnants du corps féminin : au Moyen Âge, il s'agit d'un lieu commun. Un thread ⬇️!
Le prédicateur du Xe siècle Odon de Cluny écrit par exemple que « si les hommes voyaient ce qui est sous la peau, la seule vue des femmes serait nauséabonde ». Une image qu'on retrouve dans le Roman de la Rose (XIIIe siècle)
Ces affirmations sont le fait d’hommes voulant écarter d’autres hommes de la compagnie réputée immorale des femmes. Celles-ci pouvaient-elles reprendre l’argument à leur compte et s’en servir comme celles du XXIe siècle ?