Thread by @manuballista

[THREAD] Comme surement beaucoup, je me suis réveillée le 01/01/2018 avec un flot de tweets sur Champigny, un hashtag en TT, très vite suivi par un flot d'articles dans les médias et de réactions de politiques.
Choquée par la vidéo, j'ai ensuite été choquée par les réactions.

J'ai décortiqué toutes les informations depuis.

D'abord, toute l'histoire a eu un écho sur les réseaux sociaux par des vidéos snapchat devenues virales. Des vidéos tournées la nuit du réveillon à Champigny-sur-Marne où l'on voit notamment une policière à terre recevant des coups, dans la rue.

Et l'un des premiers médias à en avoir parlé, semblerait être... Fdesouche, info confirmée par CheckNews (le nouveau site de vérifications des infos, lancé par Libération).

Maintenant, revenons sur les faits.

Une soirée était organisée pour le réveillon dans un hangar à Champigny, dans la zone industrielle, précisément dans la rue Benoit Frachon.

La soirée avait été annoncée d'abord sur le groupe facebook "Faceblack" par la page "Dynasty events" et l'affiche à été largement partagée sur snapchat. Le visuel indiquait que 800 personnes étaient attendues.

Pourtant, le lieu n'avait qu'une capacité théorique de 200 personnes max et n'était pas autorisé à accueillir du public car pas aux normes de sécurité.
(Photo : Libération)

Le propriétaire et le gérant des lieux avaient déjà reçu "différents courriers depuis 2016 qui leur rappelaient l'interdiction d'exploiter le hangar pour y recevoir du public" d'après le maire.

L'établissement servait pourtant jusque-là pour les activités cultuelles de la communauté évangélique Église amour de Dieu.
(Par ailleurs une enquête préliminaire a été ouverte).

Beaucoup de monde est venu pour la soirée, plus que la salle ne pouvait en contenir. Ce qui a produit une foule de personnes patientant pour rentrer, pendant plusieurs heures, dans le froid, devant la salle.

Pendant l'attente, vers 23h, les vigiles annoncent que finalement ils ne feront plus que rentrer les majeurs, avec carte d'identité.

Des gens commencent à s'énerver. Le petit muret extérieur en briques cède sous l'effet d'un mouvement de foule. Paniqué, un vigile "fait usage d'un spray lacrymogène", selon Libé puis une paroi de la salle en plaque de plâtre se brise, sous le poids des personnes poussées contre.

À l'intérieur, ambiance anxiogène produite par le trop grand nombre de personnes pour l'espace disponible.

Des effectifs de police interviennent peu après minuit : avec LBD, gazeuses et grenades de désencerclement; dont les restes ont été retrouvés sur les lieux par des journalistes.

Des CRS bloquent la foule. Mouvements de panique. Des personnes sont blessées et/ou piétinées. "Les gens se sont mis à crier, à pleurer, certains ont brûlé des voitures".

La foule s'en va, et en partant, un groupe d'une vingtaine de personnes tombe sur deux policiers de Chennevières (ville à côté, donc équipe différente des premiers effectifs déployés). Un capitaine et une gardienne de la paix.

(Photo : France Inter)

Ils reçoivent des coups, comme vu sur les vidéos de quelques secondes : le policier a un nez fracturé et la policière a des contusions, notamment au visage.

(il s'agirait bien de contusions, c'est à dire des blessures externes, et non des commotions -blessures internes- comme premièrement cité par la police puis rectifié dans les médias). 10 jours et 7 jours d'ITT respectivement.

La policière dit être davantage touchée par le trauma psychologique que par les blessures physiques, parce qu'on s'en est pris à elle en tant que policière et non en tant que femme.

Deux personnes l'ont aidée et accompagnée jusqu'à une voiture de police ; dont Ali qui avait reçu deux projectiles de LBD, à la cuisse et au bras, juste avant.

Deux personnes ont été placées en garde à vue la nuit des évènements mais les garde à vue ont été levées.

Voilà. Ça c'était pour le récit factuel reconstruit en recoupant différents articles sur le sujet.

Pour ce que j'ai vu et retenu de la suite, c'est surtout beaucoup de tweets plein de mépris de classe et du racisme à foison. J'ai vu dire par exemple que Champigny c'était pire que Bagdad, qu'on devrait nettoyer ma ville au Karcher et tous nous buter dans les banlieues.

J'ai bien dit "ma" ville. C'est là où je vis depuis que je suis née.

Je n'étais pas là au moment des faits, et honnêtement je suis blanche, je ne subis pas le racisme, je ne suis pas une cible visée par la police chez moi. Ma voix ne compte pas pour beaucoup.

Mais je connais la vie de ma ville. J'ai (eu) des proches et de la famille dans ce quartier précis et à côté, j'ai vu et entendu des faits de violences policières quotidiennes, depuis gamine.

Des petits qui subissent des contrôles au poste et se font humilier. Des mamans qui constituent des collectifs et associations pour lutter comme elles peuvent contre cette violence.

Puis après les tweets j'ai vu aussi les réactions et récupérations politiques affluer de suite. Parlant toujours de "voyous", "sauvages", "racailles". J'ai vu le FN se saisir de l'histoire pour tenter de resurgir politiquement.

J'ai vu les policiers utiliser cette affaire pour nier et remettre en question de précédentes affaires de violences policières aussi, comme celle de Théo.

J'ai vu les syndicats de policiers organiser des rassemblements "contre la haine anti-flic", à Champigny, à Paris et ailleurs, en profiter pour demander un retour des "peines planchers", abrogées en 2014, pour toujours plus emprisonner.

J'ai vu les policiers de Lille, syndicalistes d'Alliance Police, se rassembler en soutien (peut-être ceux-là mêmes qui vont boire des coups à la Citadelle, le bar identitaire).

J'ai vu le ministre Gérard Collomb venir en héros serrer les mains de tous les policiers de ma ville et de Chennevières.

Je l'ai vu utiliser l'affaire pour promouvoir sa police "de sécurité du quotidien", qui sera selon ses dires, placée d'abord en priorité dans notre ville, dans nos banlieues, dans les quartiers.
Vous allez voir qu'on va servir de crash test pour la nouvelle police.