Après ces deux jours de crise, je ne peux m'empêcher de penser que le logiciel politique et la façon d'exercer le pouvoir de Macron provoquent et enveniment cette crise➡
D'abord à cause de son mépris des médias. Au début de l'affaire, quand ils sont informés des violences de Benalla, les conseillers se disent que ça va passer inaperçu et qu'il faut faire le dos rond avec une petite sanction symbolique
Ils se disent que la presse n'est que dans le commentaire politique, le bavardage et qu'elle n'enquête pas au fond des choses. Ils se disent que ça va se tasser.
Si Macron et ses proches avaient été conscients du rôle des contre-pouvoirs, s'ils les avaient moins méprisé, ils auraient agi avec plus de lucidité. L'attitude de Macron envers les médias depuis le début - "Nous on agit, vous, vous commentez" - a créé les conditions de la crise
A ce moment-là, le Nouveau monde fasciné par les start up, est dans l'instantanéité - Tout passe, tout s'oublie très vite - et est ivre de ses propres convictions. Il y a une forme de toute-puissance, d'hubris.
Ensuite, Jupiter... A force d'avoir centralisé et verticalisé, Macron envenime la crise actuelle. Il ne peut pas parler car, de son point de vue, il abaisserait la fonction en se mêlant à cette polémique. Une affaire qui le concerne pourtant
Du coup, ses troupes sont totalement seules au combat et inopérantes. Les ministres, même le premier d'entre eux, sont inaudibles car tout le monde attend la parole du président. La contre-offensive est pour le moment vouée à l'échec
La majorité avance comme un canard sans tête puisqu'elle ne peut suivre personne. Le premier ministre vient d'un autre parti, les ministres de la société civile ne savent pas faire ça et n'en ont sans doute pas envie. Seul le président Macron peut donner la tonalité de la riposte
Sauf qu'il ne parle pas.... Macron a théorisé la verticalité dans un seul sens : il s'exprime en majesté (Le Congrès, les grandes interviews) mais se refuse à aller au combat quand il ne lui plaît pas. Sarkozy, au moins, se mêlait de tout, mais ça a rabaissé la fonction
Il y a donc un vrai problème dans la façon dont Macron centralise. Soit il raréfie vraiment sa parole, soit il intervient sur tout mais il ne peut pas le faire que dans les moments majestueux qu'il a choisis. Sinon, tout son édifice est fragilisé lorsque le contexte se durcit
Enfin, il y a l'ascension éclair de Macron. Cela a visiblement compliqué la constitution d'un entourage sûr et sérieux. Mais ça, je crois que tout le monde l'a bien vu depuis deux jours. Et c'est arrivé à d'autres présidents à l'expérience politique bien plus conséquente...
