Profile picture
Erwan Cario @erwancario
, 29 tweets, 6 min read Read on Twitter
Bon, faut que je raconte une anecdote qui m’a fait beaucoup rire. Je préviens, ça se passe en 1930 et ça concerne Albert Einstein, Niels Bohr et la physique quantique. C’est parti pour une vingtaine de tweets : vous pouvez muter ce thread :).
Un peu de contexte. Ma lecture de l’été, que je surkiffe totalement, c’est “Le grand roman de la physique quantique” de Manjit Kumar. C’est un bouquin magique qui raconte comment quelques grands esprits ont réussi à comprendre la nature de la réalité au début du XXe siècle.
Et donc, logiquement, le climax absolu du livre, c’est le congrès de Solvay qui se tient à Bruxelles en 1927, très connu pour cette photo incroyable où sont présents 17 lauréats du prix Nobel. A noter que la seule meuf présente, Marie Curie, en a deux à son actif.
Durant ce congrès, Niels Bohr, Werner Heisenberg et Wolfgang Pauli présentent ce qui sera plus tard appelé “l’interprétation de Copenhague” de la mécanique quantique. En gros : la réalité n’existe pas en l’absence de l’observation.
Par exemple, un électron n’existe pas en un point donné avant qu’une mesure soit effectuée pour le localiser. “Entre les mesures, cela n’a pas de sens de demander quelle est la position ou la vélocité d’un électron”, explique Kumar.
Pour enfoncer le clou, Heisenberg déclare lors du même congrès : “Nous considérons la théorie des quantas comme une théorie close, dont les hypothèses physiques et mathématiques fondamentales ne sont plus susceptibles d’être modifiées.”
Genre, on vous présente un truc complètement WTF et en plus on vous dit qu’on a tellement raison que plus rien ne pourra venir nous contredire. Spoiler alert : l’interprétation de Copenhague fait toujours autorité aujourd’hui.
Mais parmi tout ce beau monde, en 1927, un type n’est pas trop d’accord. Et il est plutôt du genre boss du game : Albert Einstein.
Pour Einstein, la physique doit déterminer ce qui est, ce qui existe indépendamment de l’observation. Pour Bohr, “ce qui est” n’a pas de sens, “la physique concerne ce que nous pouvons dire de la nature”. FIGHT !
La stratégie d’Einstein est simple. Il veut renverser un des piliers de l’interprétation de Copenhague : le principe d’indétermination. Ce dernier stipule qu’on ne peut pas connaître en même temps et avec une précision absolue la position et la vitesse d’une particule.
Einstein va donc se servir d’une arme redoutable : les expériences de pensée. Il va imaginer des expériences réalisées dans des conditions idéales pour montrer que dans certains cas, il pourrait être possible de connaître les deux valeurs de façon absolue.
Donc, Einstein imagine des trucs qui ressemblent à ça.
Je vous passe les détails, mais en 1927, Bohr ne laisse aucune chance à Einstein, trouve les failles à chaque fois et réussi à défendre avec brio l’interprétation de Copenhague. Round one : Niels Bohr.
Mais Einstein n’est pas convaincu. Trois ans plus tard, 1930, nouveau congrès de Physique de Solvay. Et là, Albert sort de son chapeau une nouvelle expérience de pensée. Il est sûr de lui. Niels est un peu pris par surprise, mais il est aussi très sûr de lui.
Einstein prend un nouvel angle d’attaque. Au lieu de s’attaquer au couple position/vitesse, il s’occupe du couple temps/énergie qui est aussi concerné par le principe d’indétermination. Voici donc ce qu’il décrit à Bohr.
Imaginez une boîte pleine de lumière. Sur une des parois se trouve un obturateur relié à une horloge à l’intérieur de la boîte. Cette horloge est synchronisée avec une autre dans le laboratoire. Pesez la boîte.
Maintenant, réglez l’horloge pour qu’elle ouvre à un certain moment l’obturateur pour laisser passer un seul photon (on s’amuse bien avec la pensée, non ?). Nous savons donc avec précision à quel moment s’est échappé le photon.
Là, Bohr, il est un peu du genre “So what ?”. Einstein, petit sourire au lèvres, lui dit : “Et maintenant, pesez la boîte encore une fois”. Bim ! High kick retourné dans ta face ! Bohr se décompose. E=MC2 : si on connaît la différence de masse, on connaît l’énergie du photon.
S’il ne trouve pas la faille, Bohr peut dire au revoir au principe d’indétermination. Ca peut sembler dingue, mais d’après Kumar, face à cette simple expérience de pensée, Bohr est en panique : “ce serait la fin de la physique si Einstein avait raison”.
Il en parle avec tous ses confrères, tourne en rond, et passe toute la nuit à réfléchir à tous les éléments de l’expérience. Il va même jusqu’à imaginer dans le détail et représenter sur papier l’expérience d’Einstein.
Et, au petit matin, il a trouvé la faille. Einstein avait oublié un petit détail. Alors oui, j’avoue, c’est là que je me suis marré. Mais vraiment, hein. Ce petit détail, c’est la théorie de la relativité générale.
Et là, je vous laisse réfléchir et je reviens demain avec la solution...
Mais non, j'déconne... Il le savait, pourtant, Albert, que les horloges synchronisées, c'est toujours piégeux !
En gros, le pesage de la boîte modifie sa position dans le champ gravitationnel. Ce qui affecte, selon la théorie qui a rendu célèbre Einstein, l’écoulement du temps, donc la synchronisation des horloges. Le temps, l’espace, toussa toussa… C’est un peu rigolol, non ? Non ?
Du coup, on ne peut pas mesurer avec précision le temps ET l’énergie. Einstein, un poil sonné, s’avoua vaincu (mais pas totalement convaincu non plus, faut pas exagérer). Winner : Niels Bohr ! (bon, ses arguments ont été contestés par la suite, mais c’est une autre histoire)
Fin du thread. Je conseille vraiment la lecture de ce livre à tous ceux que le sujet intéresse, c’est vraiment très bien raconté. J’ai compris plus de choses avec ce récit humain et historique qu’avec beaucoup de textes de vulgarisation pure.
Post-mortem de mon thread : c’est un peu dingue, d’avoir touché autant de gens avec ce sujet en plein mois d’août. Résultat : Le livre est en rupture sur Amazon et Fnac.com \o/. Vous pouvez passer dire bonjour à votre libraire, ça marche aussi très bien!
Bon, le seul bémol, c’est que personne n’a relevé la petite boutade sur le seul gif animé du thread. J’ai peut-être été la chercher un peu loin, celle-là (mais j’étais très fier de moi)… :)
Bref, pour ceux qui veulent un peu plus d’interprétation de Copenhague de la mécanique quantique, la dernière vidéo d’@epenser est une superposition des états “géniale”, “drôle”, “WTF” et “brillante” (résultat en fonction de l’observation, comme d’hab).
Missing some Tweet in this thread?
You can try to force a refresh.

Like this thread? Get email updates or save it to PDF!

Subscribe to Erwan Cario
Profile picture

Get real-time email alerts when new unrolls are available from this author!

This content may be removed anytime!

Twitter may remove this content at anytime, convert it as a PDF, save and print for later use!

Try unrolling a thread yourself!

how to unroll video

1) Follow Thread Reader App on Twitter so you can easily mention us!

2) Go to a Twitter thread (series of Tweets by the same owner) and mention us with a keyword "unroll" @threadreaderapp unroll

You can practice here first or read more on our help page!

Did Thread Reader help you today?

Support us! We are indie developers!


This site is made by just three indie developers on a laptop doing marketing, support and development! Read more about the story.

Become a Premium Member and get exclusive features!

Premium member ($3.00/month or $30.00/year)

Too expensive? Make a small donation by buying us coffee ($5) or help with server cost ($10)

Donate via Paypal Become our Patreon

Thank you for your support!