Thread by @LarrereMathilde

La Révolution française des femmes

2eme cours d’histoire des femmes le LT

(je vous préviens c’est en 3 temps : la révolution AVEC les femmes, POUR les femmes ? et CONTRE les femmes
et je vais faire que le début aujourd’hui pour coller à mon CM)

1)Les révolutions sont tout à la fois des moments d’entrée, de présence des femmes et de leurs revendications sur la sc publique et des moments de mise à l’écart et de sortie, de réaffirmation des stéréotypes machistes…. (un peu comme les guerres notez)

2)le parcours des femmes dans la Révolution française est celui d’un engagement plein d’espoir, d’une déception et d’une exclusion progressive.
Un moment d’espoirs comme de déceptions
et dont l’ampleur des succès n’a d’équivalent que l’importance des effacements qui vont suivre

3)Faire l’histoire des femmes sous la révolution fr permet de faire l’archéologie d’une exclusion politique, de comprendre comment la démocratie est née en excluant les femmes.

4)La révolution s’est pourtant faite AVEC les femmes

(ça c'est dit!)

5)Elles ont commencé par prendre la parole lors du processus de politisation majeur que fut la convocation des Etats généraux

6)Alors certes, les femmes ne pouvaient être élues. Mais certaines ont pu voter et participer à la rédaction des cahiers de doléances

7)Les veuves, dans la noblesse, dans les campagnes, ont pu participer. Dans les villes, les corporations de femmes également
Comme les Dames de la Halle à Paris qui ont laissé un beau cahier de doléances

8)Certes, la très grande majorité des cahiers, rédigés par des hommes, n’abordent pratiquement jamais la condition féminine
Mais l’on trouve ici ou là des doléances contre l’ignorance dans laquelle les femmes sont maintenues

9)D’autres réclament qu’il y ait plus de sage femmes formées pour lutter contre la mortalité des femmes en couche, ou réclament le droit au divorce

10)Certains cahiers de femmes protestent contre l’exclusion des Etats généraux… et demandent la fin de la galanterie qui fait des femmes des objets

11)Cette parole que les femmes prennent, elles ne vont plus la laisser et continuer, tout au long de la révolution, à écrire, publier, protester. De nos jours, l’un des plus connus est la Déclaration des Droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouge

12)Mais il y en a plein d’autres dont un particulièrement intéressant, publié en 1791 et intitulé : Requête des dames à l’assemblée nationale

à consulter ici : gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt…

13)
Il est comme vous pouvez le voir particulièrement radicale : il réclame l’égalité totale, la féminisation de la grammaire (Ecriture inclusive !!!!!) et le partage de la culotte !

14) Longtemps on a cru que ce texte, écrit par des femmes, était particulièrement radical, précurseur….
Mais des travaux récents tendent à montrer qu’en fait… il a été écrit… par des hommes…

15)et oui...
Ils auraient fait un texte volontairement outrancier pour l'époque, radical, pour déconsidérer les femmes révolutionnaires, les présenter comme des extrémistes

16)une stratégie au demeurant classique de l’antiféminisme qui le peint sous des traits exagéré dont on pense qu’ils confinent au ridicule (ou la violence) pour attaquer les féministes

17)A l’assemblée, dont les femmes sont exclues comme députés, elles ont le droit d’être dans le public
Les voilà qui envahissent les tribunes et s’arrogent un droit de contrôle des élus, les invectivant, applaudissant parfois, huant à d’autre. Présentes. Actives !

18)Comme elles arrivaient en avance dans les tribunes pour avoir de la place, elles s’occupaient par des travaux d’aiguilles. Elles y gagnèrent le surnom de tricoteuses…

19) Ce qui revient qd meme à les renvoyer à une activité féminine quand elle venait pour faire de la politique… m’enfin…

d'où le titre du 1er livre sur les femmes sous la révolution de Dominique Godineau

et c'est aussi pq avec @laurencedecock1 on a choisi @lesdetricoteus1

20)La scène publique leur est ouverte ? Elles l’investissent. Certes, les clubs masculins leurs sont souvent fermés…
Mais quand ils les acceptent les voici qui participent, imposent de prendre part aux votes

21)Et bientôt elles décident de faire des clubs ou des sociétés féminines (déjà des réunions non mixte, et oui !!!). Plus de 56 sont créés en France au début de la révolution

22)L’un des plus connu est la Société des Citoyennes Républicaines Révolutionnaires créée par Claire Lacombe et Pauline Léon en 1792. Un club radical dans ses positions politiques (proche des hébertistes) et dans ses revendications « féministes »

23)(je mets féministe entre guillemets car le mot est postérieur (fin 19) mais c’est qd même de ça qu’il s’agit.

24) Mais les femmes sont aussi au cœur des foules révolutionnaires, celles des grandes journées insurrectionnelles qui ont fait avancer la révolution

25) la plus connue d’entre elle est même appelée la « marche des femmes », les 5 et 6 octobre 1789
Mais comme je l’ai déjà racontée je vous renvoie au storify ! storify.com/LarrereMathild…

26)mais sinon elles sont bien là, place de la Bastille le 14 juillet 1789, au Champ de Mars le 17 juillet 1791, lors de la prise des Tuileries le 10 aout 1792

27) les sources les décrivent comme incitant les hommes à l’action. Elles y gagnent le nom de « boutefeux ». mais peu combattent… ou déguisées en hommes !

28) Ces militantes engagées sont certes minoritaires dans la masse des femmes de l’époque. Et c’est surtout un phénomène urbain

29)si on fait un portrait type de la militante révolutionnaire, il diffère de celui des hommes.
Le révolutionnaire type est un homme de 30 -40 ans
La révolutionnaire type est une femme soit de moins de 25 ans, soit de plus de 45-50

30)Vous l’aurez compris, les mères, en charge de famille, n’ont pas pu s’investir (classique…. C’est encore vrai dans les organisations…)

31)Enfin, signalons que les femmes se sont aussi engagées dans la contre révolution.
D’autant que l’émigration des hommes nobles ouvrait à leurs femmes un champ politique avant fermé

32)Nombreuses aussi ont pris la défense de leur curé quand s’est durci la querelle entre l’Eglise et la révolution

33) Faite AVEC les femmes, la Révolution s’est-elle faite POUR les femmes ?

Oui ...

et non….

34)D’un coté, la révolution française a été pour les femmes le temps d’une émancipation réelle
La révolution fonde absolument la pleine dignité de la femme, sujet de droit et individu libre, en capacité juridique

(ouais je sais j'abuse des gif féministe mais ça me fait marrer!)

35)Loi sur le mariage et le divorce du 20 sept 92 est une loi profondément égalitaire entre les deux sexes.
Mari et femme ont les mêmes droits et les mêmes devoirs dans le mariage révolutionnaire.

36)La conception révolutionnaire du mariage repose sur une réelle valorisation du mariage, de l’amour conjugal.
La loi de 1792 est libérale en matière de divorce : elle reconnait le divorce par consentement mutuel, et même pour incompatibilité d’humeur plaidée unilatéralement

37)Par ailleurs, le divorce était une procédure civile, gratuite, sans passer devant un juge.
Et convaincus que les mariages arrangés par les familles étaient la cause des désordres conjugaux, les révolutionnaires abolissent la dot.

38)En dec 92 le comité d’instruction publique reconnaît que les filles comme les garçons doivent recevoir une instruction élémentaire

39) En 1793 une loi reconnaît l’égalité entre les filles et les hommes dans les successions
Enfin, les enfants illégitimes obtiennent une reconnaissance légale qui aide beaucoup les nombreuses filles-mères de l’époque.

40)Enfin les femmes ont reçus des droits politiques et les libertés politiques, comme les hommes : opinion, expression, association, pétition
Et pourtant, dès que c’est posé la question du vote des femmes… elle a été tranchée par le refus.

je reprends!!!!

41)Une révolution c’est à la fois la création d’un espace public, dynamique, avec ses clubs, ses sociétés, ses débats mais c’est aussi une structure qui se met en place, un Etat, avec des institutions, des élus...

42)Or si les femmes ont été acceptées sur la scène publique, et s’y sont pleinement investies en revanche, elles ont été tenues à distance des structures
Elles n’ont pas été acceptées dans les assemblées révolutionnaires, qu’elles soient nationales ou locales

43)Et on ne leur a pas donné non plus le moyen de choisir, par l’élection, les hommes qui y étaient acceptés

Et ce que le suffrage ait été censitaire (1789-1793, puis à nouveau 1795-1799) ou « universel » (masculin) (1793-94)

44) Rares exceptions à cette exclusion : la loi de juin 93 sur partage des communaux autorise les femmes à voter dans les assemblées locales décisionnaires
Les femmes ont pu aussi voter pour le référendum de la constitution de l’an I, souvent en votant après les hommes.

45) Plusieurs arguments ont été mobilisés pour justifier l’exclusion des femmes… les arguments naturalistes (sont trop émotives les pauvres…. Avec leur utérus tout ça)

46) beaucoup évoquaient les « sphères séparées » : la femme, dans le privé, l’homme dans le public, et les vaches seront bien gardée (en gros)

47) D’aucuns avaient des conceptions familialistes (en vraie, patriarcales) considérant que c’était à l’homme de représenter le foyer.

48) Bon, mais en tout cas non non non, les hommes ne veulent pas que les femmes aient le droit de voter, à quelques exception près (Condorcet, Guyomar, Charlier Romne)

49)Privées des urnes, les femmes le sont aussi des fusils. La garde nationale, l’armée, c’est une affaire de mecs

50) Evidemment les femmes ont protesté ! et étonnamment plus pour avoir l’accès aux armes qu’aux urnes
L’une des pétitions les plus connues est celle de la Société des Citoyennes Républicaines Révolutionnaires déposée par Pauline Léon le 6 mars 92.

51)Théroigne de Méricourt, pistolet sur les hanches, demande d’ouvrir une liste d’amazones et veut montrer aux hommes qu’elles ne leur sont pas inférieures en courage

52)Il faut comprendre que la volonté d’être armée n’est pas qu’un réflexe patriotique. C’est une revendication de la citoyenneté et d’égalité avec les hommes.
Tout au long du 19e les femmes réclameront d'entrer dans la garde nationale
ainsi de Louise Michel qui portait l'uniforme

53) Les femmes réclamèrent aussi le droit de vote, le texte le plus célèbre (enfin, depuis les années 1980 !) étant la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouge

54)Revendicatrices, les femmes se radicalisent donc, réclament de plus en plus haut et fort les droits dont on les prive…

55) Face à cela, la révolution, dans les mains des hommes, se fait de plus en plus…CONTRE les femmes.....

56) il faut voir que les femmes connaissent comme les hommes le processus de radicalisation politique. La sans culotterie est mixte !

57)Elles arrachent en septembre 93 à l’assemblée que le port de la cocarde soit aussi obligatoire pour les femmes.
Les hommes paniquent. Que vont –elles demander maintenant ? le pantalon ? l’égalité ? flip flip !!!

58)Ils réagissent en octobre 1793 en faisant passer le décret du triste député Amar qui retire aux femmes le droit d’association politique…
fini les clubs féminins...

😥😥😥😥😥😥😥

59)Cette remise au pas vise de prime abord les sociétés féminine sans culotte et hébertiste comme celle de P. Léon, mais réactive un violent antiféminisme
Ecoutons Chaumette, à la Commune de Paris, novembre 1793.
(ouais, ça pique...)

60) Privées de club, les femmes ne désarment pas, et les voici particulièrement actives lors des journées de Germinal et Prairial an III

(on les voit bien sur le tableau)

61)En réaction, l’assemblée fait chasser les tricoteuses à coup de fouet.. et décrête que les femmes n’ont plus le droit d’assister aux séances…
Elles n’ont même plus le droit de s’assembler à plus de 5 dans la rue….

62)La révolution a renvoyé fort brutalement la femme là où les hommes du temps, quelqu’ait pu être leur opinion politique, pensaient qu’était leur place : à la maison !

63)Les images les plus négatives ont bientôt circulé… voilà les femmes révolutionnaires dénoncées comme de mauvaises mères, mauvaises épouses, des virago débauchées

64)Les tricoteuses de l’assemblée deviennent les tricoteuses de la guillotine, cruelles harpies assoiffée de sang, dévorées par des furies utérines
( et si vous avez suivi c'est exactement comme ça que Riposte laique nous présente @lesdetricoteus1 des "harpies" mauvaises mères

65)Les femmes sont donc les perdantes de la révolution qui pourtant avait eu de quoi susciter d’amples espoirs

66)Reste que pour la première fois, la question de la place des femmes avait été posée, débattue. Il ne faut pas l’oublier. Les femmes ne l’oublieront pas
Il y a donc tout à la fois une audace de la révolution et une démission.

un peu de biblio pour finir

mais aussi
franceculture.fr/emissions/la-f…

franceinter.fr/emissions/la-m…

et il y a qq semaines

franceculture.fr/emissions/la-f…

voila, c'est fini pour aujourd'hui

Mais autant vous spoiler le cours prochain
(dans 15 jours puisque là il y a les VACANCES) :

la contre révolution va être sévère !