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Thread sur les fondateurs de la pensée économique moderne. Contrairement à l'histoire officielle, ce n'est ni Adam Smith, ni même John Locke. Mais un groupe de théologiens espagnols du 16e siècle, dite de "l'Ecole de Salamanque" (tous y furent formés ou y enseignèrent) 1/
2/ Les théologiens de Salamanque considèrent en premier lieu qu'il existe des lois naturelles, valables pour chaque être humain et, concept révolutionnaire pour l'époque, que tous les hommes sont égaux et libres. Ils condamnent ainsi les massacres des "Indiens" du Nouveau Monde
3/ et jugent illégitime la conquête et le vol des terres en Amérique. Francisco de Vitoria nie quant à lui le pouvoir temporel du Pape et établit une distinction centrale entre pouvoir naturel et pouvoir spirituel. Ils rejettent également l’idée de l’absolutisme.
4/ Selon Luis de Molina, une nation est similaire à une entreprise dans laquelle les dirigeants seraient les gérants, mais où le pouvoir résiderait dans les mains de chacun des administrés. Seul le peuple est souverain et peut déléguer l’autorité politique à un ou quelques hommes
5/ Pärce que précisément les hommes sont libres par nature, ils ont le droit de désobéir et de détrôner un souverain qui se montrerait injuste. Réhabilitation de l'individu, droit naturel, libre arbitre... Salamanque va poser logiquement les bases de la pensée libérale.
6/ Ils s'intéressent notamment à la propriété privée, à la fiscalité, à la théorie de la valeur des biens et au prêt à intérêt. Francisco de Vitoria, interrogé par des marchands d’Anvers, alors au centre du capitalisme européen, écrit que le commerce est légitime.
7/ Ce commerce permet aux hommes de se rencontrer, de se lier et contribue à la richesse de la communauté. Diego de Covarrubias rappelle que la propriété privée stimule l’activité économique et qu’elle est donc un bienfait.
8/ Luis de Molina reprend un argument d’Aristote : les biens sont mieux entretenus par un propriétaire privé que lorsqu’ils sont une propriété commune. Juan de Mariana insiste lui sur le fait que l’interventionnisme du prince conduit souvent à déstabiliser l'économie.
9/ En matière de fiscalité, les théologiens expliquent que l’impôt étant une appropriation d’une partie de la richesse d’un sujet, il faut d’abord avoir le consentement du peuple avant de le prélever.
10/ Martin d’Azpilcueta s’est lui penché sur la théorie de la valeur des biens. Contrairement à la vieille conception médiévale selon laquelle les prix des biens dépendent de leur coût de production et donc de la quantité de travail nécessaire à leur fabrication...
11/ ...il constate que ces prix sont influencés par la quantité de métaux précieux en circulation. Si l’Espagne veut stopper l'inflation, il faut un budget à l'équilibre et une famille royale moins dépensière. Le débat sur les dépenses publiques n’est pas nouveau…
12/ Diego Covarrubias et Luis de Molina vont plus loin et fondent la théorie subjective de la valeur : la valeur d’un bien ne dépend pas de la quantité de travail nécessaire à sa production mais de l'utilité de ce bien pour un acheteur.
13/ Les théologiens de Salamanque s’affranchissent enfin de la vision scolastique selon laquelle l’intérêt sur un prêt serait illégitime. Alors même que le deuxième concile de Latran avait réaffirmé le caractère condamnable du taux d’intérêt et que la vision dominante de l’Eglise
14/ était de considérer le prêt à intérêt comme moralement répréhensible, les penseurs espagnols listèrent au contraire plusieurs raisons pour le justifier. D’abord, celui qui reçoit le prêt peut lui-même faire un profit.
15/ Il est donc juste qu’une partie de ce profit soit partagée avec celui qui a consenti les fonds. D'autre part, pour les théologiens de Salamanque, l’intérêt est légitime puisqu’il correspond à la prime de risque pour le prêteur si celui-ci ne devait pas être remboursé.
16/ Enfin, 3ème raison, développée par Martin d’Azpilcueta, l’intérêt correspond à une renonciation à court terme. Parce qu’il est préférable de recevoir une somme d’argent aujourd’hui que dans le futur, il est moralement acceptable de prêter avec un intérêt à un emprunteur.
17/ L'intérêt vient en effet compenser le manque à gagner pour le prêteur pour tout le temps où il se prive de cet argent.
On le voit, l’Ecole de Salamanque est « révolutionnaire ». Fait remarquable, ces théologiens sont catholiques et non protestants.
On le voit, l’Ecole de Salamanque est « révolutionnaire ». Fait remarquable, ces théologiens sont catholiques et non protestants.
18/ Nourris d'Aristote et de thomisme, ces scolastiques tardifs repensent complètement l'économie et le droit international. A redécouvrir en lisant le tome 1 de l'histoire de l'analyse économique de Schumpeter et les ouvrages de Marjorie Grice-Hutchinson.
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