Comme promis, thread composé d'extraits du Noeud Gordien (1974), le testament politique exceptionnel de Pompidou, le leader le plus impressionnant de la Ve République (De Gaulle est hors concours). Lucide, visionnaire, prophétique. A lire et relire.
"Un ministre, à plus forte raison un Premier ministre, est largement coupé du monde extérieur. Enfermé dans son bureau douze à quatorze heures par jour, quelque fois plus, ne connaissant plus rien de la vie quotidienne et de ses difficultés, ne recontrant pratiquement...
...l'homme de la rue, il risque de se créer un univers imaginaire ou plutôt de croire que l'univers faussé dans lequel il se meut est l'univers normal. Comme le prisonnier de Platon dans sa caverne, il voit passer des ombres et finit par croire que ces ombres sont la réalité"
"Les moyens audiovisuels ont recréé les conditions de la démocratie directe et me paraissent devoir modifier le comportement des hommes d'Etat et jusqu'à leur caractère. Ce que le peuple demande à ses gouvernants, c'est la sincérité et l'humanité, alliées (...) à la fermeté"
"Il suffit de regarder vivre les Français pour prendre conscience de leur inaptitude naturelle profonde à accepter d'être gouvernés. Voyez-les, par exemple, au volant de leur voiture. Chacun est prêt à utiliser sauvagement la priorité qu'il détient ou croit détenir...
... à considérer l'autre conducteur comme doté de toutes les tares intellectuelles et mêmes morales, et cela en bonne conscience, avec la conviction permanente et viscérale de bon droit et des torts d'autrui. Si le représentant de l'autorité intervient, cette intervention...
... n'est pas acceptée comme l'expression du droit mais regardée comme un abus, au mieux, une erreur qui prête à discussion sans fin et à colères plus ou moins rentrées (...) Car à l'égard de l'Etat et de ses représentants, la reaction naturelle du Français est la méfiance,...
... l'hostilité doublée d'une sorte de complexe d'infériorité. L'Etat lui apparaît comme une machine implacable et absurde qui lui est extérieure et dont on ne peut attendre rien de bien (...) Le Français ne dit pas "Le Gouvernement a décidé". Il dit "Ils ont décidé"...
ou plutôt "Ils ont encore décidé", "Ils vont augmenter les impôts", "Ils ne sont pas capables de...", "Ils voudraient nous faire croire que..." (...) Peuple en apparence ingouvernable donc, et qui n'a cessé depuis deux cents ans de maudire ses dirigeants, avant de les renverser..
au point que les crises politiques se transforment presque toujours en crises de régime parce qu'en fin de compte, c'est le fondement même de l'autorité de l'Etat qui est constamment remis en cause, qu'il semble qu'on ne puisse jamais évoluer, qu'il faille sans cesse détruire".
"La France est probablement le seul pays au monde ou toute crise politique sérieuse pose le problème des institutions. Le dénombrement même de nos Républiques entretient une sorte de doute permanent et dès maintenant beaucoup s'interrogent sur l'avenir de la Ve République"
"Je suis convaincu que les futurs Présidents de la République seront amenés à intervenir dans la direction de l'Etat de façon constante, permanente, à maintenir par l'action quotidienne cette suprématie...mais nous avons connu les méfaits du pur régime d'assemblée, l'impuissance"
"Il est presque impossible, en France, de définir froidement une politique économique tant notre tempérament national répugne à regarder l'économie en elle-même (...) les tenants du socialisme sont des esprits superficiels, préoccupés en réalité non d'économie...
... mais de redistribution des richesses. Préoccupation louable en elle-même mais qui devrait être précédée d'une interrogation sur la création de ces richesses qu'on désire mieux distribuer".
"L'Etat peut et doit orienter dans ses grandes lignes l'économie nationale. Il ne doit pas la diriger, car il ne le peut pas (...) le dirigisme intégral nécessite un appareil administratif, politique et policier parfaitement insupportable [et] aboutit à une perte de productivité"
"Commerce important avec l'extérieur, cela veut dire compétitivité. Compétitivité, cela veut dire entreprises prospères, capables d'investir pour suivre la loi harassante du progrès. Mais prospérité, possibilité d'investissement, productivité en un mot, qu'est-ce sinon "profit"?"
"(...) les gains des entreprises, non seulement n'ont rien d'antisocial, mais sont la matière même dont peut se nourrir le progrès social. Les problèmes de répartition sont une réalité, mais encore faut-il qu'il y ait quelque chose à répartir"
"Conclusion : une politique économique saine se doit d'encourager la productivité des entreprises, c'est-à-dire de favoriser l'amélioration des marges bénéficiaires. Cela suppose tout d'abord la révision de la fiscalité"
"Depuis la Libération, l'Etat [a] vécu dans l'obsession du déséquilibre budgétaire, les dépenses indispensables apparaissant incompressibles. Dès lors, la chasse aux ressources devenait une hantise, conduisant à l'aggravation de la fiscalité et, plus encore,...
... à la complication de cette fiscalité, la multiplication des impôts et des taux étant une façon de dissimuler l'alourdissement global (...) Révision de la fiscalité donc, dans le sens de la simplification, d'une meilleure application, et parfois, d'une diminution des taux."
"Des générations de fonctionnaires ont été formées dans l'esprit que l'intérêt général se confond avec l'interventionnisme étatique et la défiance à l'égard de l'entreprise privée (...) dont la prospérité ne peut se bâtir qu'aux dépends de la collectivité ou des travailleurs"
"Le fascisme n'est pas si improbable (...) A nous de savoir si nous sommes prêts, pour l'éviter, à résister aux utopies et aux démons de la destruction".
FIN
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