Thread by @NocturneAeros

Pourquoi je n'aime pas particulièrement Spider-man into the Spider-verse, ou : Quand est-ce qu'on tue les idoles POUR. DE. BON ?

Cette critique est hyper subjective d'où la surabondance de "je", mais j'espère qu'elle pourra commencer des conversations intéressantes ou donner un autre point de vue sur le film d'animation le plus unanimement adoré d'internet. X'D

Quand j'ai vu le TEASER pour Spider-man into the Spiderverse, j'étais OVERJOYED. Je couinais. Parce que ce qu'on voyait c'était un petit garçon noir en train de faire des trucs giga stylés dans un costume magnifique avec des décors et une animation de ouf.

(Juste revoir le trailer fait battre mon coeur plus vite que la totalité du film. X'D)

Et puis le premier vrai trailer, où on nous a vraiment dévoilé l'histoire, est arrivé, et toute ma hype est tombée comme un soufflé.

Personnellement j'aurais aimé avoir l'histoire de Miles Morales: sa backstory originale, son entourage unique, ses troubles, ses inquiétudes, son développement et son héroïsme. J'espérais même que ce soit différent des comics. Dés que j'ai vu le trailer j'ai su que c'était mort.

Certes dans le film on a droit à ça... Un peu. Et toujours comparativement aux autres Spiderpeople.
Morales n'existe pas pour lui-même, il existe par rapport aux autres, toute sa back story est liée au fait qu'il existe plein d'autres Spiderpeople comme lui.

(BTW je préviens je SPOILE allègrement tout au long du thread !!!)
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Sans elleux, Miles Morales ne serait même jamais devenu Spider-man puisque l'araignée qui l'a mordu ne vient pas de son monde.

Même dans les comics originaux quand on y réfléchis on est dans la même situation : Miles Morales devient Spiderman parce que Peter Parker meurt, il prend d'abord sa place avant de se forger sa propre identité. Et d'un côté je vois l'intérêt, et de l'autre ça me gonfle.

Que ce soit le film ou les comics, la manière dont est traitée la backstory de Miles me gonfle pour plusieurs raisons.

Déjà elle s'inscrit dans ce j'appelle les "films de passation de pouvoir" un truc qu'on a vu notamment dans les nouveaux Star Wars où les studios veulent avoir le beurre de l'argent des nouvelles génération, et l'argent du beurre de la nostalgie des anciens...

Alors que font les studios ? Une passation de pouvoir où on voit les anciens légitimer les nouveaux.

Or déjà je trouve ça assez naze et pas original niveau scénario, et dans le cas des mentors blancs formant de jeunes PoC particulièrement je trouve que ça pose plusieurs problèmes :

Problème 1 : Ces histoires de passation étranglent nos imaginaires. En laissant de la place aux "histoires des héros d'origines" elles étouffent les nôtres. Les 2 ne peuvent pas cohabiter, et n'ont de toute façon pas intérêt à cohabiter parce que VOS histoires ON LES A ASSEZ VU.

Vous savez sur quoi aurait PU être le premier Spiderman avec Miles Morales ? (Spoilers dans les prochains tweets again ) :

-Il aurait pu reposer entièrement sur la découverte que son oncle était en fait un ennemi et comment ils auraient pu se combattre puis devenir alliés tout en essayant de cacher leur identité secrète à l'autre.

-Il aurait pu reposer sur le changement de classe sociale de Miles avec son changement d'école, comment il se sent dans ce nouvel environnement et comment il est accepté ou non. Ses anciens amis, ses nouveaux amis, et les deux auraient pu se mêler avec ses activités héroïques.

(Sérieux vous le voyez pas le méchant bourgeois, dans sa classe ou parmi ses profs, qui déteste Miles parce que c'est un gamin noir pas riche de Brooklyn, et qui en tant que méchant déteste Spidey parce qu'il protège justement les gens de sa communauté contre des gens comme lui?)

Et ça c'est juste des exemples à chaud, et qui parlent à mes intérêts, après 10 minutes de réflexion.
(Entre le moment où j'ai écrit ça et le moment où je poste ce thread, j'ai trouvé au moins trois autres scénars... X'D)

Dans tous les cas on aurait pu avoir un univers plus développé autour de Miles Morales, pas seulement sa famille, mais aussi ses ami.e.s, ses amours, et le monde dans lequel il vit.

Doc Ock par exemple est une idée BRILLANTE. Elle est magnifiques déjà (💕) et surtout elles est unique et me fait me poser des questions sur les autres personnages de ce monde et leurs designs.

Ca me fait aussi me poser des questions sur les méchants qui Miles Morales spécifiquement pourrait rencontrer en tant que Spiderman qu'ils viennent des comics d'origines OU PAS. Quels genre de méchants spécifiques auraient pu émerger de son univers ?

Malheureusement, le film est tellement occupé à nous présenter ses autres univers, à faire des private jokes, à nous rendre tous ses personnages attachant et à nous vendre ses autres comics que l'univers dans lequel vit Miles et Miles lui-même deviennent presque anecdotiques.

Problème 2 : Les films de passations nous présentent ce qui est en train d'être fait comme "Le [insérer ici une figure iconique blanche cis het] de notre génération". Oubliant un peu vite qu'il y a des gens pour qui Miles Morales aurait pu être le premier Spiderman.

Quand j'avais 7 ans et que je regardais Justice League à la TV, je me demandais pas de qui John Stewart avait reçu son anneau, je me disais juste : "Green Lantern c'est un mec noir."

Donc pour moi le choc ça a plutôt été quand le premier film Green Lantern est sorti et qu'il était joué par Ryan Renolds. J'étais OUTRÉE. Mais j'y reviendrais.
(Mon petit plaisir c'est que ça a été un mauvais film et un gros flop...😈)

En présentant Miles Morales comme "le Spiderman de notre génération, APRES Peter Parker", là clairement oui, y'a complète casse de la possibilité de se dire que Miles Morales EST Spider-man.

Clairement c'est "le deuxième Spider-man" parce que l'original c'est Peter hein, attention c'est visiblement essentiel de le rappeler, ou de l'apprendre à des enfants qui en avaient peut-être aucune idée (et/ou rien à battre).

Ca commence à ce voir un peu Whitevel, Whitedisney et Whitellywood que vous voulez bien prendre les sous des racisées en mal de représentation mais que vous pouvez pas vous empêcher de nous rappeler que c'est juste un don gracieux de votre part...

Et quand on prend ça en compte, le message "Tout le monde peut être Spiderman" sonne d'autant plus faux, paternaliste, et comme un moyen de bouffer à tous les rateliers plus qu'autre chose.

D'ailleurs sur ce message spécifiquement : Comme toujours ce que je préfère chez Marvel c'est le fandom, et en l'occurence il n'a encore une fois pas déçu avec notamment les #Spidersona que j'ai vu fleurir dans ma TL pendant des semaines après la sortie du film.

C'était super et magnifique ! J'ai vu aussi qu'une bonne partie de ma TL était absolument charmée par older Peter et sa dynamique avec Miles; Sans parler des milliers de tweets émerveillés sur l'animation. Et vous savez ce qui est un peu passé à la trappe au final ?

Miles Morales et ses spécificités.
Passé l'émerveillement de "Il parle espagnol !!" et de "Ca c'est de la représentation !" bah... Pas grand chose en fait.

Alors je sais que souvent le héros est le personnage le moins intéressant d'un film, et qu'il y a très certainement des biais racistes là dedans aussi, mais là j'ai l'impression que le film lui même a pas aidé non plus.

En voulant absolument renforcer de message de "TOUT LE MONDE peut être Spiderman" le film a passé moins de temps à développer son héros.

J'ai eu l'impression que beaucoup de choses étaient traitées en surface en fait : Les implications de son changement de classe sociale, ses passions et ses goûts, ses relations aux gens qui ne sont pas sa famille (masculine) proche... Tout est évoqué, mais pas approfondi.

Plutôt que de montrer un Spider-man qui n'est pas Peter Parker comme une évidence, et passer du temps à le développer pour le rendre intéressant, le film préfère montrer un foultitude de personnages et nous épeler le message pour qu'on ne s'attarde pas trop sur le héros noir même

Le plus parlant je crois c'est le passage du moment où Miles essaye de digérer son deuil et où tous les autres Spiderpeople lui disent "moi aussi j'ai perdu quelqu'un".

D'un côté oui iels le comprennent ce qu'il vient et essayent de l'épauler, mais en même temps je trouve que ça éloigne le focus du film sur le deuil que Miles vit spécifiquement en tant que personnage.

Plutôt que de développer sa réaction face à ça et la manière dont il le surmonte, on l'évince au profit des autres personnages... Par ailleurs ça retire encore son aspect unique à Miles, présentant la perte de son oncle comme la variation d'un trope au sein des Spiderpeople.

Ca me soule d'autant plus que pami cette foultitude de personnages, les personnages féminins sont très moyens...

Je respecte SpiderGwen, mais vous admettrez que dans le film elle fait un peu trop "girl power" (dans le sens d'un féminisme marketing de surface qui sert en fait à cacher les mêmes tropes puants) et manque gravement de profondeur.

Quant au racisme évident qui a amené à la création du personnage de Penny j'ai même pas la foi d'en parler.
On va juste dire que c'est une insulte à la japanimation et à l'humanité des femmes japonaises en général.

On sent que Marvel est une grosse entreprise qui veut nous vendre "Le Spider-man des petits garçons noirs" et "Le Spider-man des petites filles blanches" tout en faisant tout pour ne surtout pas froisser ceux qu'ils considèrent comme "leur" public : Les mecs blancs cis het

Problème 3 : IL NE DEVRAIT PAS Y AVOIR BESOIN D'EXPLICATION A L'EXISTENCE D'UN SPIDERMAN NOIR ARRETEZ DE VOULOIR PLAIRE A VOTRE FANDOM D'EXTREME DROITE.

Un exemple tout con, est-ce que dans le dessin animé Iron Man: Armored Adventures, il y a une explication sur pourquoi Tony Stark a 16 ans ?

Je le disais plus tôt j'ai grandi avec John Stewart en Green Lantern et quand j'ai vu le film sortir j'ai pas compris pourquoi d'un coup Green Lantern était blanc.

Quelqu'un en a cherché à expliquer comment on était passé de John Stewart à Scott alors que toute la génération des 90 a grandi avec Justice League à la TV ? Une passation de pouvoir entre John et Scott ? Nope, au lieu de ça on a eu un DA Green Lantern sur Scott...

Et ça c'est sans parler des différences dans les films eux même hein.
Et vous savez pourquoi personne s'est fait chier à trouver une explication à ces trucs ?

Parce que les super-héros changent tout le temps d'apparence et d'identité, le fandom est parfaitement habitué à ça. Donc whitewasher un personnage par-ci, en rajeunir un par là, quelle importance !

Par contre là où ça commence à faire chier les gens, et par là je veux surtout dire les mecs blanc cis het, c'est quand on prend un personnage de mec blanc cis het et qu'on en fait une meuf/ une personne pas blanche/ une personne queer.

Mais il y a un moyen de faire passer ça un peu plus facilement : Faire un film sur la passation.

Mais non vous inquiétez pas les héros bien blancs bien cis et bien het de votre enfance sont toujours là ! Mais le monde change ! Il faut que la nouvelle génération s'exprime aussi, lui laisser la place, s'ouvrir à la diversité :
"Tout le monde peut-être Spiderman !"

Pardon mais personnellement au bout d'un moment j'aimerais juste pouvoir profiter de l'évasion que me procure un film de super héros sans avoir à subir "les insécurités face à un monde qui change" de Jean-Michel de droite. On les subit depuis déjà ASSEZ. LONGTEMPS.

Et c'est même pas une question de pognon puisque les chiffres prouvent qu'on peut faire un film où les deux seuls blancs du film sont un ennemi et un token et que tout le monde ira le voir.

Problème 4 : Je veux mon power fantasy ! Pourquoi on y a pas droit ??

Ca m'a particulièrement sauté aux yeux dans Spiderman Into the Spiderverse, mais c'est aussi le cas dans Star Wars et dans pas mal de films/séries avec des personnages racisé.e.s et c'est pas spécifique aux films de passation.

Néanmoins, les films de passation ont tendance à exacerber ça puisque le principe même est une personne expérimenté enseignant à une personne peu expérimentée :

Dans Spider-man into the Spider-verse Miles Morales prend cher niveau humiliation et ce jusque très tard dans le film. La scène où tous les Spiderpeople le frappent remettent en doute ses capacités, m'a par exemple mise très mal à l'aise. (Surtout la partie frapper au sol)

Et je trouve que comparé à d'autres films le moment où l'on voit Miles vraiment maitriser ses pouvoirs et prendre son identité est extrêmement tardif ce que le teaser nous vend arrive littéralement dans la dernière demie heure du film.

(Tient, une autre idée: Miles aurait pu se trouver une identité tôt et déchanter pour diverses raisons (être un héros ne règle pas tout ? des dangers auxquels il attendait pas?) avant de revenir dans le game... Comme ça on aurait eu plus de temps de Miles being super cool.)

Finalement ce qu'on nous a vendu au moment du teaser, Miles Morales puissant, libre et magnifique arrive qu'à la toute fin du film, et je trouve ça assez naze quand le principe même de ces représentations c'est l'empowerment.

D'aucun dirait que c'était couru d'avance : le débat de "vaut-il mieux race bend un personnage iconique ou créer de nouveaux personnages à nos images (femmes, PoC, queer, et femmes PoC queer) ?" est infini et les deux côtés présentent des arguments valides et intéressants.

Mon point de vue personnel est qu'on peut faire les deux de front. Mais que dans tous les cas il faut arrêter de vouloir faire les choses à moitié et je trouve c'est un peu ce que les "films de passation" font.

Pour comparer avec d'autres films qui ont été fait récemment :

Ghostbusters, le reboot de 2016. Film par ailleurs largement haït. Est en ce qui me concerne un vrai feel good movie malgré ses nombreuses imperfections. La raison majeure, c'est que c'est un film de meufs qui étudient et se battent contre des fantômes et ce uniquement.

C'est pas l'histoire de vieux mecs qui apprennent à des meufs à utiliser leurs machines : elles apprennent seules, elles s'épaulent mutuellement et avancent et évoluent ensemble. C'est pas non plus un film qui essaye de justifier pourquoi les Ghostbusters sont des meufs.

Et je pense que ça a beaucoup participé à la haine que vouent les mecs blancs fans du premier film. Ce sont des femmes, et ce sont les Ghostbusters LES VRAIES. Pas les "Ghost Busters girls" pas "La nouvelle génération".

Autre exemple : Captain Marvel, je l'ai pas vu, et je ne tiens pas à le voir because of reasons, mais je pense clairement que ce film aurait eu beaucoup BEAUCOUP moins de succès s'il avait consisté en une passation de pouvoir entre Mar-Vell et Carol Danver...

"Mais moi j'ai adoré Into the Spiderverse et je suis noir.e !" Et je comprends parfaitement pourquoi. Perso si on me tend un verre d'eau dans un désert, je vais pas cracher dessus non plus.

Et si je me permets une critique pareille c'est parce que le film a de toute façon eu un succès énorme lors de sa sortie, des critiques dithyrambiques, et un oscar.

Donc franchement c'est pas mon thread qui va abîmer sa réputation. Par contre, j'en ai un peu marre de devoir me contenter d'un verre d'eau, aussi joli soit-il, quand deux mètres plus loin t'as des mecs en train de se baigner dans une piscine...

Je pense qu'il ne faut pas confondre un film dans lequel on est et un film qui parle de nous. Or j'ai l'impression qu'il y a une multiplication des films dans lesquels nous (PoC) somment, mais qui dont nous sommes pas le sujet central.

Or je pense sincèrement que nous avons besoin de plus de films dans lesquels on parle de nous, qui sont centrés sur nos histoires et nos imaginaires ; que de films où nous sommes justes présents, même si très bien représentés.

Je ne dis pas que Spider-man into the Spider-verse n'est pas une représentation bienvenue, je dis qu'elle est loin d'être suffisante et que nous méritons mieux, et nous aurons mieux.

Je laisse comme d'habitude le mot de la fin à Franny Choï:

Et à Public Ennemy: