Thread by @alexiskarklins

Thread sur « l’affaire Rugy ». Je ne reviens pas sur la démission du ministre (inévitable), ni sur les thématiques (sélectives) ou les méthodes (feuilletonnage, présentations orientées de pièces) de Mediapart. Je réagis aux propos de l’ex-ministre et de Laurianne Rossi. 1/

2/ Dans une tentative maladroite de défense, Rugy expliquait « qu’en France, le modèle n’est pas la barre chocolatée de la ministre suédoise », en référence à la ministre Mona Sahlin forcée de démissionner pour avoir réglé un Toblerone avec sa carte de crédit de fonction.

3/ De son côté, Laurianne Rossi, la questeure de l’Assemblée nationale en charge de son budget, déclarait sur la chaine LCP : « Nous n’avons pas la possibilité de suivre, facture par facture, les dépenses du président de l’Assemblée Nationale ».

4/ Ces deux déclarations méritent attention. Parce qu’elles incarnent un fatalisme insupportable et surtout dénué de fondements. Commençons donc par l’idée que la France ne pourrait se montrer aussi rigoureuse que la Suède.

5/ Ce pays, que je connais bien et que j’admire, est effectivement un modèle en ce qui concerne la transparence sur les dépenses et les potentiels conflits d’intérêt de son personnel politique.

6/ On le sait, les ministres suédois déjeunent à la cantine des ministères, voyagent en classe économique sur les trajets courts et ont deux forfaits mobiles pour distinguer appels professionnels / personnels.

7/ L’emploi d’un membre familial ou la participation d’un élu à un débat qui concerne son métier sont inconcevables. Le contrôle y est strict, supervisé par une équipe d’auditeurs indépendants, ainsi que tous les citoyens qui ont accès aux dépenses des ministères.

8/ Outre Mona Sahlin, plusieurs ministres furent contraints de démissionner pour des faits qui seraient considérés comme "mineurs" en France. L’une pour avoir payé "au noir" la nourrice de ses enfants. Une autre pour avoir omis de s’acquitter de sa redevance audiovisuelle.

9/ Chaque pays a bien sûr son histoire : le principe de transparence, l'offenlightetsprincipen, a été inscrit dans la constitution du pays en 1766, constitution qui actait la liberté de la presse et le contrôle de la dépense publique.

10/ Sur une simple demande en ligne, un citoyen peut avoir accès au salaire du ministre, ainsi qu’à leurs déclarations de patrimoine, avoirs, ou positions occupées dans diverses sociétés. Ce principe de transparence a une logique.

11/ Dans un pays avec des taux d’imposition parmi les plus élevés au monde, l’acceptation des citoyens d’une fiscalité aussi lourde passe par la possibilité de vérifier qu’il n’y a pas de gâchis, ni d’abus. L’argent public est celui des contribuables, pas celui des ministres.

12/ J’entends déjà les cris d’orfraie chez nous sur ce modèle : « les Suédois sont protestants, c’est culturel », « en Suède, c’est possible car c’est un petit pays », « en Suède, ils n’abusent pas alors qu’en France, on aime jouer avec les règles ».

13/ D’autres évoquent le fait que la France a un certain standing et que lors de réceptions, il faut que les ministres puissent montrer le savoir-faire culinaire français.

14/ Ces arguments ne me semblent pas valables. La démocratie française est en partie en crise parce que les citoyens ont l’impression qu’ils payent beaucoup d’impôts mais ne savent pas pourquoi ils payent autant.

15/ D’autre part, il faut distinguer les frais de réception dans un cadre officiel des dépenses engagées à titre privé. C’est bien le cadre privé qui est source d’abus et de ressenti. Personne ne remet en cause le fait que la France honore ses invités étrangers.

16/ Nos concitoyens ont l’impression que les politiques abusent. Ils sont tentés par le « tous pourris » avec ces scandales qui surgissent régulièrement. Et il n’y a aucune raison pour ne pas adopter un système de suivi et contrôle des dépenses de nos ministres… comme en Suède !

17/ Sans une transparence complète sur l’utilisation de l’argent public, sans une modestie du train de vie de nos politiques (ce qui est déjà le cas de beaucoup), je ne vois pas comment la confiance pourrait revenir. Au contraire, plus nous tarderons, plus le ressenti s’accroîtra

18/ J’en viens enfin au propos de Laurianne Rossi pour qui il ne serait pas possible « « de suivre, facture par facture, les dépenses de la Présidence de l’Assemblée Nationale. Ce propos paraît ahurissant. Pourquoi serait-ce donc impossible pour une fonction publique alors

19/ que n’importe quelle entreprise est tenue de justifier ses dépenses et frais engagés ? C’est d’ailleurs assez insultant pour nos agriculteurs, commerçants et entrepreneurs qui connaissent les risques d’une comptabilité erronée ou de frais cachés à l’administration.

20/ Il est urgent de rétablir l’acceptation de l’impôt en France. Cette acceptation ne pourra venir que si chaque citoyen peut connaître les dépenses engagées dans les ministères. Voilà un engagement que tous les futurs candidats devraient prendre.
Et Vive la Suède ! FIN