1/ #Thread sur le résultat des élections législatives grecques. La victoire de Kyriakos Mitsotakis était attendue. Elle est nette puisqu'il obtient la majorité absolue. Elle est également riche d’enseignements pour les Européens.
2/ D’abord parce qu’elle correspond à la fin d’un cycle de 10 ans marqué par la crise de l’euro, une véritable dépression économique et l’arrivée au pouvoir de la gauche radicale.
3/ Cette crise de l’euro est justement née en Grèce en novembre 2009, en pleine récession économique mondiale. Le nouveau premier ministre, le socialiste Giorgios Papandréou venait alors de révéler l’ampleur réelle du déficit budgétaire et de la dette publique.
.
4/ Près de 13% du PIB, soit le double de ce qui était prévu. La Grèce, déjà pays le plus endetté au monde (hors Japon), était alors en situation de faillite. La succession de plans d’austérité n'a pas empêché la défiance des créanciers.
5/ Le pays ne pouvait plus emprunter sur les marchés. Les gouvernements qui se sont succédé jusqu'en 2015 (Papandréou jusqu’en 2011, puis gouvernement d’union nationale dirigé par Papadimos jusqu’en 2012, puis coallition dirigée par le conservateur Samaras jusqu’à la fin 2014),
6/ ont dû accepter les conditions fixées par la Troïka (Commission, BCE, FMI) pour pouvoir obtenir des annulations de dettes et un étalement des remboursements. Les conséquences (sans doute) inévitables, ont « saigné » le peuple grec.
7/ De 2009 à 2015, le PIB du pays a perdu environ un tiers de sa valeur, conduisant à un chômage de près de 30% (et un jeune sur deux), et à un recul très fort du niveau de vie. Après plus de vingt ans de croissance forte, la Grèce a connu une crise sociale terrible.
8/ Même si beaucoup de Grecs reconnaissent que le pays vivait depuis trop longtemps à crédit, avec une corruption forte, un niveau élevé d’évasion fiscale, une administration inadaptée et une productivité insuffisante, ils ont rejeté les partis traditionnels aux élections de 2015
9/ Malgré des premiers signes de redressement fin 2014, Alexis Tsipras, leader du parti de gauche radical Syriza, accompagné de son ministre des finances Yanis Varoufakis, a convaincu les Grecs de sa capacité à refuser les règles imposées par la Troïka.
10/ Ancien des jeunesses communistes, admirateur d’Ernesto Che Guevara, revendiquant son athéisme dans un pays profondément religieux, Tsipras, alors proche des milieux européens d’extrême-gauche, se fait fort de stopper l’austérité.
11/ Pendant les 6 premiers mois de l’année 2015, le duo Tsipras-Varoufakis cherche à renégocier avec les créanciers du pays et soumet les nouvelles mesures à un référendum en juillet. Varoufakis, qui irrite au plus point les dirigeants européens, démissionne au même moment.
12/ Suivant l’appel de Tsipras, les Grecs refusent le nouveau plan de la Troika. Le premier ministre provoque alors de nouvelles élections pour septembre et contre toute attente, Syriza l’emporte à nouveau, même si le parti n’a pas la majorité absolue.
13/ Loin de ses provocations de campagne et de ses postures initiales, Tsipras a depuis gouverné son pays avec un certain pragmatisme et été contraint de respecter les accords internationaux. Dans une itw, il s’est lui-même présenté comme une sorte de "social-démocrate".
14/ La croissance est revenue depuis deux ans et la Grèce peut à nouveau emprunter. Mais le pays reste fragile. La dette publique dépasse les 180% du PIB. Le taux de chômage, redescendu à 18%, demeure le plus élevé d’Europe (près de 40% pour les moins de 25 ans !).
15/ Lassés d’un leader qui a beaucoup promis, les Grecs ont voulu sanctionner un homme jugé arrogant et incapable de relancer le pays. Certains lui en veulent également d’avoir accepté que le territoire au sud de l’ex-Yougoslavie prenne le nom de « Macédoine ».
16/ Ce 7 juillet 2019 marque un tournant. Une sorte de retour « à la normale » d’un point de vue politique. Surtout que c’est un représentant d’un parti historique de Grèce qui va devenir premier ministre. Kyriakos Mitsotakis, leader du parti de centre-droit Nouvelle Démocratie.
17/ Certains y voient le retour des grandes dynasties qui ont gouverné le pays depuis des décennies : les Karamanlis et les Mitsotakis pour la droite, les Papandréou pour la gauche socialiste. Et de fait, Kyriakos, 51 ans, est bien un «descendant».
18/ Son père Konstantinos fut premier ministre de 1990 à 1993. Kyriakos est aussi le descendant d’Eleftherios Venizélos (1864-1936), considéré comme le père de la Grèce moderne.
19/ Sa sœur Dora Bakoyannis a été elle-même ancienne cheffe de cabinet de son père, maire d’Athènes de 2003 et 2006 et ministre des Affaires étrangères de 2006 à 2009. Le neveu de Kyriakos, Kostas Bakoyannis vient quant à lui d’être élu maire d’Athènes.
20/ Le nouveau premier ministre grec, surnommé le "Macron grec", est pourtant parvenu à se créer un prénom. Diplômé d’Harvard et de Stanford, ancien banquier et ancien consultant de McKinsey, Kyriakos n’était pas destiné à faire de la politique.
21/ Même s’il fut ministre de la fonction publique dans le gouvernement Samaras (2013-2014), c’était plutôt sa soeur Dora, plus charismatique, qui était attendue. Kyriakos a toutefois réussi sa campagne de proximité, avec humilité, sans chercher à s’abriter derrière son patronyme
22/ Plus ouvert sur les sujets sociétaux que les anciens du parti, il a joué la carte jeune et a mis l’accent sur la relance économique indispensable, relance qu’il compte initier grâce à une baisse de la fiscalité considérée comme étouffante par les Grecs.
23/ Son programme est ambitieux : il veut encourager l’investissement, sortir de l’étatisme, moderniser (enfin) l’administration, privatiser et favoriser le retour des milliers de jeunes Grecs qui ont fui le pays au cours des dernières années pour aller chercher un emploi.
24/ La tâche est immense. Les responsables politiques grecs ont souvent déçu et Kyriakos Mitsotakis a sans doute été élu plus par rejet de Syriza et par raison que par adhésion. Au moins, les Grecs montrent qu’il est possible de sortir du populisme démocratiquement.
25/ Il faut d'ailleurs noter que l'extrême-droite d'Aube Dorée disparaitrait du parlement. Une fois encore.... merci la Grèce !
I❤️🇬🇷
FIN
Missing some Tweet in this thread?
You can try to force a refresh.

Like this thread? Get email updates or save it to PDF!

Subscribe to Alexis Karklins-Marchay 🇪🇺🇫🇷🇺🇸🇬🇧🇬🇷
Profile picture

Get real-time email alerts when new unrolls are available from this author!

This content may be removed anytime!

Twitter may remove this content at anytime, convert it as a PDF, save and print for later use!

Try unrolling a thread yourself!

how to unroll video

1) Follow Thread Reader App on Twitter so you can easily mention us!

2) Go to a Twitter thread (series of Tweets by the same owner) and mention us with a keyword "unroll" @threadreaderapp unroll

You can practice here first or read more on our help page!

Follow Us on Twitter!

Did Thread Reader help you today?

Support us! We are indie developers!


This site is made by just three indie developers on a laptop doing marketing, support and development! Read more about the story.

Become a Premium Member ($3.00/month or $30.00/year) and get exclusive features!

Become Premium

Too expensive? Make a small donation by buying us coffee ($5) or help with server cost ($10)

Donate via Paypal Become our Patreon

Thank you for your support!