Thread by @LigneOrange

Fiona Kolbinger est sur le point de remporter la @transconrace, course de vélo en autonomie de plus de 4000 km à travers l'Europe. Ce n'est pas la première femme à réussir une telle performance dans le monde de l'ultra-endurance. Thread ⬇️⬇️⬇️
📷 @transconrace

Début 2019, @susborne publie un article intitulé "Pourquoi les femmes font mieux que les hommes aux extrêmes de l'endurance" dans le @FinancialTimes, dont voici un résumé en 🇫🇷. Si la photo qui accompagne l'article ne vous donne pas envie de lire...
ft.com/content/0ead55…

Nous sommes au checkpoint 4 de la Spine Race, course de trail de 431 km dans les Pennines (nord-ouest de l'Angleterre), en hiver. L'équivalent de plus de 10 marathons, avec un dénivelé positif équivalent à 1,5x l'Everest, c'est une des courses les plus difficiles au monde.

Les deux leaders, Jasmine Paris (♀️) & Eugeni Roselló Solé (♂️) arrivent ensemble. A cet avant-dernier checkpoint, les coureurs ont l'opportunité de manger & dormir autant qu'ils se l'autorisent. Paris, qui allaite encore sa fille Rowan, doit aussi tirer du lait.

Ça fait 54 heures qu'ils sont partis. Paris en a dormi moins de 3. Elle souffre déjà d'hallucinations. Des animaux apparaissent dans la bruyère et les arbres prennent vie. Mais à ce moment précis, elle voit une opportunité.

"J'avais mangé et tiré mon lait, mais Eugeni a traité des ampoules, s'est fait masser et a dormi. Quand on court avec quelqu'un, c'est très difficile de suffisamment accélérer pour le lâcher sans se mettre dans le rouge. Alors j'ai rien dit… et je suis partie" explique Paris.

119 km et 30 heures plus tard, le 16 janvier 2019, Paris franchit la ligne d'arrivée en 83 heures, battant ainsi le record de l'épreuve de plus de 12 heures.

📷 Bob Smith/Grough

Solé, qui avait gagné l'épreuve en 2013, s'est désespérément jeté à ses trousses après sa sieste. Mais souffrant de froid et d'épuisement, il a dû être secouru alors qu'il n'était qu'à 6 km de l'arrivée.

📷 Bob Smith/Grough

Dans le laps de temps avant que le concurrent suivant – et 1er homme – arrive, soit 15 heures après Paris, celle-ci avait déjà eu le temps de faire la tournée des interviews sur les matinales depuis chez elle à Édimbourg.

Quand l'organisateur de la course Scott Gilmour lui présente sa médaille, il explique qu'il s'agit là "d'une victoire épique et écrasante sur tous les hommes du monde". Il plaisantait à moitié, mais avait-il finalement un peu raison?

A mesure qu'on allonge les distances, les chances ne deviennent-elles pas non seulement plus équitables, mais pencheraient-elles même en faveur des femmes? Quand on atteint les limites de l'endurance, les femmes seraient-elles non seulement plus rapides, mais plus résistantes?

Paris n'est pas seule. Courtney Dauwalter a gagné plusieurs ultra-marathons, y compris le Moab 240, trail de 370 km à travers le désert de l'Utah en 2017 (le 1er homme est arrivé 10 heures plus tard). Nicky Spinks, Pam Reed et Lizzy Hawker ont toutes également battues des hommes.

En natation, les quatre plus longues distances sans assistance des courants ont été parcourues par des femmes (le record de 168,3 km parcourus par Sarah Thomas en 2017 est près de 63 km plus long que le record masculin selon la Marathon Swimmers Federation).

📷 Ken Classen

Et en 2016, la cycliste américaine Lael Wilcox surprend tout le monde en remportant la @TransAmBikeRace à travers les Etats-Unis.

"Mon objectif n'est jamais vraiment de battre les hommes, mais je pense que l'écart est en train de se resserrer," explique Nicky Spinks, qui en 2016 a battu le record du double "Bob Graham Round", légendaire circuit de trail dans le Lake District.
📷 @inov_8

Comment la science explique-t-elle ces performances? Le problème de la recherche scientifique à ce sujet est le minuscule échantillon d'études. A la Spine Race par exemple, il y avait 11 femmes sur 126 partants. La recherche sur le sujet est rare.

Pendant longtemps, les femmes étaient quasiment absentes des études sur la science de l'activité physique avant qu'une loi américaine rende la parité dans la recherche obligatoire en 1993. Certaines études maladroites ont également freinées la crédibilité de cette recherche.

En moyenne, les hommes auront toujours des cœurs plus performants, avec une meilleure capacité à transporter l'oxygène vers les muscles, qui sont également plus secs. Ces avantages ne disparaissent pas avec des distances plus élevées, mais sont tempérés par d'autres facteurs.

"Si on veut prédire qui va gagner une course de 5 km, on peut faire ça en labo avec des résultats fiables", explique Alex Hutchinson (@sweatscience), auteur du blog sweatscience.com. "Mais sur une course de 320 km, les résultats en labo seront beaucoup moins fiables."

Une meilleure capacité à stocker le glycogène pourrait légèrement avantager les femmes. Un centre de gravité plus bas peut aider sur des terrains accidentés.

Guillaume Millet, chercheur à l'université Jean Monnet, a étudié les participants de l'Ultra-Trail du Mont-Blanc avant et après la course. Il a découvert que les mollets et les cuisses des hommes étaient plus fatigués que ceux des femmes. libm.univ-st-etienne.fr/fr/les-membres…

"Cela suggère que les femmes sont plus résistantes à la fatigue" explique Millet. "Mais une autre explication possible est que les femmes ont une tendance plus importante à l'auto-protection. Elle décident de moins s’endommager."

Nous voici donc dans le domaine de la psychologie, qui comprend l’ego et la personnalité, et qui compte peut-être beaucoup plus que les jambes et les poumons dans les courses extrêmes. Certains suggèrent qu'un instinct de préservation - et d'organisation - peut avantager les ♀️.

"C'est savoir quand enfiler un gilet avant que les mains soient trop frigorifiées pour utiliser la fermeture éclair" avance Claire Maxted (@WildGingerRuns) coureuse & ancienne éditrice de @TrailRunningMag.

Spinks est d'accord, et se souvient d'avoir vu Paris préparer son sac pour la Spine Race avec une méticulosité extrême. "Vous regardez les hommes tout balancer au hasard se disant qu'ils régleront ça plus tard. Mais après 30h de course, on n'a plus toute sa tête".

L'ego peut aussi entrer en jeu. Spinks commence souvent doucement avant de dépasser des hommes à la pelle plus tard dans la course. Pendant les 10 premières heures de la Spine Race, Paris était derrière Solé.

Une étude sur plus de 92 000 marathoniens a montré que tout les deux sexes ralentissaient dans la deuxième moitié, mais les hommes plus que les femmes.

Hutchinson suspecte que des facteurs sociaux peuvent expliquer cela: "On a tendance à moins récompenser la compétitivité chez les filles que chez les garçons."

Spinks a sa propre explication, pas entièrement scientifique, pour expliquer la potentielle meilleure résistance des femmes: "On râle peut-être moins" dit-elle dans un éclat de rire.

Si le taux de participation augmente dans les courses d'ultra-endurance, l'écart se resserrera peut-être encore plus, comme avec le marathon. Mais le niveau général augmentera aussi si la participation générale augmente.

Personne ne s'aventure à prédire que les résultats moyens vont s'équilibrer, voire même tourner à l'avantage des femmes. "Je crois que personne n'a encore la réponse" explique Millet.

Et personne ne suggère qu'il faille arrêter les classements par sexe, surtout si cela pouvait décourager la participation féminine. "J'espère que tout cela ne va pas décourager les femmes, car pas la peine d'avoir le niveau de Jasmin pour aller courir" selon Maxted.

Paris reste modeste suite à sa victoire et le tourbillon médiatique qui a suivi. Elle est probablement la 1ère coureuse de trail à être félicitée par une Clinton. "J'ai gagné des milliers de followers. Ils vont être déçus, je tweet pas grand chose."

https://twitter.com/ChelseaClinton/status/1085880872790777862?s=20

Paris espère que sa performance saura inspirer plus de femmes à courir, et combattre les stéréotypes: "Tenter de redéfinir les frontières, c'est vraiment enthousiasmant".

[Fin de l'article]

Si le sujet vous intéresse, je vous encourage à acheter le dernier numéro de @200magvelo, qui a un article qui tombe particulièrement bien alors que le suivi en direct montre Fiona Kolbinger très proche de rajouter son nom à ceux des légendes citées par @susborne.
#TCRNo7cap66