Thread by @cle_perronnet

#AFS2019

La dernière session du congrès est lancée !

Je suis avec les RT4 Éducation et formation et RT50 Socialisations, pour une séance sur les classements enfantins et les instances de socialisation.

Nous écoutons d'abord Julien Vitores : « Les animaux sont-ils “bons à penser” ? La socialisation des enfants de 3-6 ans aux opérations élémentaires de catégorisation ».

Comment les enfants en âge d'aller à l'école maternelle apprennent-ils à catégoriser les animaux ?

À ces âges, les animaux sont des figures omniprésentes dans les univers enfantins. En existe-il des catégorisations socialement différenciées ?

J. Vitores commence par rappeler deux approches psychologiques pour penser le développement de la catégorisation enfantine :

1) L' approche classique (Piaget et Inhelder, Vygotski, Nelson, Sloutsky...)

2) L'approche pluraliste (Lautrey, Bonthoux)

La sociologie pense pour sa part la différenciation des modes de catégorisation enfantins.

Le dispositif d'enquête de J. Vitores :

Travail auprès des enfants à l'aide d'un jeu de cartes avec 14 photos d'animaux, associables 2 à 2 selon des catégories classiques (2 rongeurs, 2 insectes, 2 reptiles...).

Les enfants passaient un par un et l'enquêteur leur présentait les cartes, toujours dans le même ordre, puis posait des questions :

Quel animaux reconnaissent-ils ? Leur nom ? Les préférés/les moins aimés ?
Des animaux de la même famille ? Lesquels ? etc.

Échantillon de 68 enfants issus de 2 écoles socialement variées (école privé favorisée/école REP).
+ des données sur les enfants obtenues par questionnaires.

Quels résultats ?

Les enfants de 5 ans ont des modes de catégorisations des animaux socialement différenciés.

Les observations attestent que l'école maternelle donne les moyens de classifier précisément les animaux – mais tous les enfants ne se les approprient pas.

Les enfants des classes populaires se trompent plus souvent que leurs camarades des classes favorisées, par exemple en désignant comme « vache » un poney tacheté noir et blanc.

À l'inverse, les enfants des classes supérieures mobilisent parfois des catégorisations plus précises ou approfondies que celles qu'attendent les enseignantes. Par ex : ara pour un perroquet, « les araignées ne sont pas des insectes », etc.

Dans les classes supérieures, il y a de nombreuses occasions familiales de s'exercer à classer et de développer ces aptitudes de catégorisation = un entraînement socio-cognitif intense via des sorties au zoo, des livres éducatifs sur les animaux...

Pour conclure, ce travail vise à sociologiser l'affirmation de L. Strauss selon laquelle « les animaux sont bon à penser ».

Nous passons à présent à l'intervention de Julie Pagis :

« Gilet jaune ou CRS ? Les effets socialisateurs des catégorisations médiatiques du mouvement des Gilets jaunes dans la cour de récréation »

Premiers résultats d'une enquête menée au printemps 2019, qui a eu lieu dans la même école que celle de l'ouvrage _La Prézizidentielle_ ; une école très populaire

Entretiens de 40-60 mn avec des petits groupes + une centaine de questionnaires auprès d'élèves de CM1-CM2

Quels effets socialisateurs du mouvement des gilets jaunes (GJ) pour les enfants ?

Première partie : les vecteurs d'exposition enfantine au mouvement des GJ.

Les résultats semblent inversés par rapport à ceux des enquêtes précédentes sur le rapport au politique des enfants...

30 % des enfants déclarent s'intéresser bcp aux GJ alors que 10 % disaient s'intéresser à la politique en 2012

Les 2/3 sont issus des fractions inférieures des classes populaires
alors que les 3/4 venaient des classes favorisées en 2012.

Le premier vecteur d'info est toujours la télé, mais depuis 2012 progression ++ de Snapchat, Instagram, YouTube...

Notamment via youtubeurs suivis par les enfants, qui ont par ex presque tous vu et chantent la chanson « Gilet jaune eh » de Kopp Johnson

bit.ly/2rIITXU

Youtube est maintenant un vecteur d'exposition central pour les enfants.

L'enquête montre donc une compétence politique enfantine liée aux GJ chez les enfants des classes populaires, liée aussi à l'implication de leurs proches.

Enfin, les pairs sont vecteurs d'exposition aux GJ

En effet, les enfants jouent aux GJ et importent la terminologie du mouvement social dans leurs interactions.

L'enquête montre que « l'amour » pour les GJ est inversement proportionnel au niveau scolaire ; des préférences politiques très chargées sur le plan des affects.

Les enfants manifestent un rapport mobilisé à leur condition sociale.

Pour finir l'intervention, J. Pagis évoque le « jeu des gilets jaunes » qui a lieu dans la cours de récrée.

Les filles sont moins enclines à jouer, mais celles qui le font jouent + souvent le rôle des GJ

Nous écoutons maintenant Alice Simon, sur « L’usage des catégories ethno-raciales et religieuses dans les jugements enfantins de la politique ».

Travail tiré d'une thèse sur le rapport des enfants à la politique : qu'en connaissent-ils ? Comment se construisent leurs opinions ?

Cette communication porte sur la fabrique des jugements politiques, et sur le poids des catégories religieuses et ethno-raciales dans ces jugements.

La méthodo : enquête de 2 ans auprès d'élèves de CE2-CM2 de 8 écoles.

* Un volet quantitatif : 538 questionnaires, avec des questions comme « Que penses-tu de F. Hollande/N. Sarkozy/Marine LePen » --> « Je l'adore/je le déteste/je ne connais pas... »

* un volet qualitatif : ±30 entretiens avec des binômes et quelques groupes de 4 enfants.

La compétences politique des enfants est corrélée à l'âge, au genre et au milieu social.

📑À lire : l'article récent d'A. Simon, « Les catégorisations enfantines de la politique » (2008).
bit.ly/2Lgic6k

Certains enfants ont des systèmes de justifications de leurs classements peu élaborés : ils distinguent des « gentils »/« méchants » chez les personnalités politiques

D'autres enfants ont une + grande compétence politique et développent en utilisant par ex « gauche »/« droite »

Dans tous les cas, les enfants ne répètent pas des opinions politiques adultes sans les comprendre, mais se les réapproprient toujours.

Par ailleurs, le racisme est une des principales catégories mobilisées pour former ses opinions politiques.

Les personnalités politiques connues sont ainsi classées en « raciste » ou « pas raciste ».

Tous les enfants mobilisent ces catégories, mais les usages varient selon le statut des enfants et s'ils se considèrent comme potentielles victimes du racisme en question.

Les enfants racisés rapportent leurs opinions politiques à leur groupe d'appartenance --> saillance d'un « nous » ethno-racial et religieux

Les attentats contre Charlie Hedbo (2015) ont renvoyé tous les enfants à leur identité religieuse et accentué le sentiment d'altérité.

Les catégories ethno-raciales et religieuses sont donc centrales dans la perception de soi de certains enfants, en particulier dans les milieux les plus ségrégés.

Mais elles ne sont jamais exclusives, et sont activées ou non selon les contextes.

Suite à ces trois intervention, quelques questions de la salle.

Après cela, on passera au second bloc de 3 interventions. Comme j'y prends moi-même la parole, je transmets la *lourde* responsabilité du LT à @SocioTonyo 😬

No pressure!

⚠️l'article est de 2018, non 2008.

@SocioTonyo Vous pouvez donc retrouver la suite de la session ici :

https://twitter.com/SocioTonyo/status/1167426606681534470

Merci beaucoup @SocioTonyo d'avoir si bien pris la relève !