Thread by @MaitreMo

Hier, premier dossier de l'audience, demande de mise en liberté en visio depuis une maison d'arrêt. Je ne comprendrai jamais comment on a pu laisser passer ça, déjà, parce que "plaider" sa liberté à distance et depuis une cellule aménagée en lieu de communication (=une table),...

on pourra me dire tout ce qu'on voudra ça n'a RIEN à voir avec venir se défendre à la barre. Passons. Passons aussi sur les problèmes de connexions, et notamment, hier, le fait que le micro du gars, un black avec un accent à couper au couteau, ait été connecté dix minutes avant..

l'image et sa "prise d'antenne", ce qui permettait à la salle d'entendre son engueulade avec les gardiens et ses mots doux pour qualifier la "mascarade" - il ne savait manifestement pas qu'il était branché, très bonne ambiance conviviale respectueuse du bonhomme, passons donc...

Et soudain le voilà sur l'écran, gros accent africain donc, et un son qui "mange" trois ou quatre mots tous les six qu'il prononce ; la Présidente met dix minutes rien qu'à vérifier son identité et pour cause, les patronymes de ses père et mère son durs à comprendre, son accent..

complique encore, les sautes de son transforment l'exercice en reportage live sur une scène de guerre, formidable. La Présidente fait son rapport, j'espère qu'il entend mieux que nous l'entendons ; il était sous contrôle judiciaire et l'a violé, en tentant de contacter la...

victime ce qui lui était interdit, le JLD a donc révoqué son CJ, il a fait appel, et tiens à ce propos il l'a fait par lettre écrite dans les délais mais adressée au greffe du TGI et non pas celui de la détention ; a-t-il un avocat ? Parce que donc ça semble un poil irrecevable..

tout ça, le greffe a transmis mais du coup l'appel a été enregistré 11 jours après, donc hors délais légaux... Oui il en a un comprend-on entre deux sautes de son mais il n'a pas de nouvelles, et effectivement personne n'est là pour lui dans la salle.
Ah, interlude, arrive à...

cet instant dans la salle une consœur essoufflée qui s'enrobe à la hâte devant la Cour en voyant l'homme sur l'écran, mais indique qu'elle n'est pas du tout son avocate, mais celle de la partie civile, et qu'elle est surprise de ne pas avoir été convoquée... Gène des magistrats..

qui se regardent rapidement, la Présidente l’interrompt et lui explique que oui c'est normal puisqu'elle n'est pas concernée par l'audience qui ne porte que sur la détention provisoire, pouf-pouf la consœur s’assoit loin dans la salle, fin de l'interlude, on reprend, et notre...

homme n'a toujours pas d'avocat alors que l'irrecevabilité de son appel est soulevée, bon, on va avancer, la Présidente rapporte les faits et les éléments prouvant la violation de CJ ayant conduit à l'incarcérer et lui demande de réagir, et là on ne, en tout cas moi, comprend...

strictement rien ; non seulement les sautes de son continuent mais désormais le son résonne, c'est inaudible, sauf de temps en temps un "Madame Présidente", pas essentiel pour décrypter les moyens de défense du gars, on peut juste supposer qu'il conteste, et encore, au doigt...

mouillé, il a préparé une feuille avec plein d'arguments c'est bien dommage, beaux grains de blé peut-être mais bouillie incompréhensible à l'arrivée malgré les efforts de la Cour qui fait répéter et tente de traduire, deux ou trois éléments de temps en temps, "FaceBook",...

"divorce", "femme", avec entre deux de jolies "boing-boing" de modem hors d'âge, des roulements de "r" et des mots qui manquent, j'ai beau être surnommé "le Champollion du son" (radars hautes fréquences included), je ne comprends pas, la Cour a le dossier donc comprends un peu..

mais à peine, j'hésite à me lever et me commettre d'office pour que cette scène délirante prenne fin et voilà que tout à coup survient celle que l'on n'attendait plus, j'ai nommé "La Défense" ! Lui porte sa robe et interrompt donc l'audience, désolé il était dans l'ancienne...

salle (c'est vrai ça a changé tout le monde s'est planté, il est juste un peu tard mais bon), la Présidente lui indique que rien au dossier ne disait son intervention il en convient, veut-il un délai pour parler à son client qui est sur l'écran et regarde son avocat comme je...

regarde un huissier qui vient me délivrer une contrainte de l'URSSAF ? Non, inutile, il connaît le dossier et a de quoi plaider, ça ira... Flottement, mais la Présidente prend acte, et lui résume ce qui a été fait avant et notamment lui apprend qu'un petit (ahaha) problème...

d'irrecevabilité de l'appel a été soulevé, en fait - et on poursuit, pendant que le confrère plonge dans son dossier et à en voir sa mimique (j'ai eu la même en trouvant un cadavre séché de souris aux archives au cabinet) y découvre effectivement le petit problème de date qui...

a priori fait que tout le monde est venu pour rien...
Ça se termine, l'homme essaye toujours de dire qu'il n'a rien violé du tout, on ne comprend pas trop ses arguments mais l'idée générale ; parole à l'Avocat Général qui n'avait pas vu le souci je pense, mais saute évidemment..

dessus pour requérir l'irrecevabilité de l'appel en moins d'une minute (en même temps faut pas plus), et parole à la défense, qui va plaider et permettre qu'on comprenne à peu près ce que le demandeur a voulu dire un instant avant, c'est déjà héroïque, mais, avant, attaque...

comme il peut le problème de la recevabilité, en demandant à la Cour d'aller au-delà du formalisme, et de retenir en tout cas "l'intention clairement manifestée" par l'homme d'interjeter appel de son incarcération !
Je ne sais vraiment pas ce que j'aurais trouvé, ou pas, à la...

place de mon confrère, mais le coup de l"intention d'appel", je ne l'avais pas vu venir, et sur le coup je m'incline mentalement, c'est très beau.
Là-dessus la Cour se retire pour délibérer immédiatement, en laissant notre homme à l'écran mais cette fois sans le son, c'est...

sans doute mieux qu'il n'entende pas les quelques commentaires des gens présents, je le regarde tout seul là-bas assis à sa table, avec je suppose un ou deux surveillants hors champ devant lui, et je me redemande comment tout ce sketch est simplement possible, et s'il ne serait..

pas décent que nous mourrions tous de honte à l'instant ; trop tard, la Cour revient déjà, et oui : l'appel est bien sûr déclaré irrecevable, l'homme ne dit rien, pas sûr qu'il comprenne vraiment, "Au revoir Monsieur".
L'écran redevient noir-miroir. Tiens ? On se voit dedans...

[PS évident : je ne juge personne, surtout. On travaille, et de plus en plus, dans des conditions de merde et à flux tendu actuellement, notamment sur ce contentieux pourtant majeur de la Liberté ; chacun a fait comme il a pu... Avec ce qu'il avait, c'est bien là le souci.]