[FIL] Merci à @m_debos pour sa contribution à un débat important sur les War Studies. J’y vois toutefois une série de confusions, voire un sophisme dit de l’épouvantail puisque la position que vous réfutez n’est pas celle que j’ai défendue.
1/ Parler d’un "retard français" des études sur la guerre n’est pas dire qu’il n’y a pas, en France, des travaux nombreux, importants, reconnus sur ce sujet, a fortiori sur des concepts plus larges tels que "conflits" et "violence". Evidemment qu'il y en a, et depuis longtemps.
C’est dire que ces travaux ne constituent pas un ensemble disciplinaire reconnu : c’est un fait objectif qu’il n’y a pas, en France, de département de War Studies (WS), délivrant des diplômes de WS, produisant des docteurs en WS, comme ça se fait ailleurs (idem pour les RI).
Les études sur la guerre en France sont éclatées dans des silos disciplinaires (on fait de la sc. po., de l’histoire, du droit, etc.) et même dans des chapelles idéologiques : cette fragmentation n’est pas un gage de pluralisme, mais d’aveuglement puisqu’il y a peu de dialogue.
Quelle chance y a-t-il, par exemple, que vous et moi travaillions ensemble ? Au RU, au Danemark ou ailleurs, nous pourrions appartenir au même département de WS, car ce sont précisément des endroits intégrant des approches différentes d’un même objet kcl.ac.uk/warstudies
2/ Etre financé par le ministère des Armées n’est pas "travailler pour les militaires". Passons sur la confusion entre le tout et la partie (il n’y a pas que des militaires au ministère, en l’occurrence toute ma chaîne hiérarchique est civile). C’est travailler avec eux.
C’est avantageux pour la recherche car on apprend davantage en travaillant avec eux au quotidien, dans une relation de confiance, qu’en leur parlant occasionnellement. La question est de savoir si cette relation menace l’indépendance de la recherche.
Vous opposez d’ailleurs expertise stratégique et recherche en sciences sociales, dans une dichotomie très française (qui vise à distinguer les "vrais" des "faux" chercheurs) : l’IRSEM est au contraire la preuve qu’il est possible de faire les deux en même temps.
Nos chercheurs sont docteurs, HDR pour certains, publient dans les meilleures revues et presses universitaires, enseignent à l’université, et plusieurs d’entre eux ont d’ailleurs été recrutés sur des postes de maîtres de conf et professeurs des univ.
La question - qui est tout à fait légitime - est de savoir si le fait d’être employé et/ou financé par le ministère est nécessairement un obstacle à l’indépendance de la recherche. Ma réponse est non, avec trois exemples :
a) la différence entre dépendance financière et indépendance éditoriale : les productions de l’IRSEM ne sont pas relues par d’autres – et donc pas censurées – avant d’être diffusées (et elles n’engagent d’ailleurs pas le ministère) ;
b) le fait que l’@AEGEStrategie bénéficie d’une subvention pour 2
collections d’ouvrages chez CNRS et Armand Colin n’oriente aucunement les choix éditoriaux, le ministère ne s’ingérant pas dans la programmation, comme pourront le confirmer @julio_fz et @Olivier1Schmitt ;
c) considérez-vous par exemple que la recherche produite par vos excellents collègues @denis_tull et @charbonneau_b n’est pas indépendante donc crédible, du seul fait qu’ils appartiennent respectivement à l'IRSEM et au Collège royal militaire de St-Jean ?
Ce qui me gêne est moins la posture de la pureté (ne pas se salir les mains avec les financements du ministère), respectable dans l’absolu, que l’hypocrisie qui consiste à la défendre publiquement tout en allant, par derrière, chercher l’argent du ministère.
Comment comprendre, par exemple, qu'en juin 2018, en même temps qu'il publiait cette fameuse tribune contre les financements défense, l'un des signataires ait soutenu la candidature de son doctorant à l'un de ces financements – le plaçant d’ailleurs dans une position délicate ?
(financement qu’il a obtenu, car il était excellent, ce qui témoigne de l’ouverture d’esprit du jury et du pluralisme au sein de cette "relève stratégique" que sont les jeunes chercheurs financés par le ministère)
3/ Personne n’a nié la contribution du féminisme aux War Studies (c’est vous
qui introduisez ce point) : c’est d’ailleurs l’un des axes de recherche de
l’IRSEM, avec Camille Boutron qui travaille sur les questions de genre dans les
conflits irsem.fr/agenda-enhance…
Bref, la question que soulevez (l’indépendance de la recherche) est cruciale et pas moins importante pour nous que pour vous. Elle est aussi complexe et mériterait davantage que quelques tweets. Je serais heureux de vous rencontrer pour en discuter.
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