[FIL] Comment faire émerger des War Studies à la française? Dans "Défense" (@UNION_IHEDN), je réponds aux questions suivantes : définition des War Studies, raisons du retard français, situation actuelle, pistes pour l'avenir, débouchés pour les étudiants : tinyurl.com/y4269rcp 
DEFINITION - Les "études sur la guerre" peuvent être définies comme le domaine de recherche pluridisciplinaire ayant la guerre au sens large pour objet. La guerre est un "fait social total" touchant en même temps à la politique, l’éco, l’histoire, la socio, le droit, etc.
Reconnues comme discipline académique dans le monde anglophone depuis un demi-siècle (War Studies KCL 1962), les études sur la guerre sont bien développées dans les univ. britanniques. Le Danemark se distingue aussi avec le CMS de @breitenbauch et le CWS de @Olivier1Schmitt.
L'@IRSEM1 que j'ai l’honneur de diriger est le 1er centre de recherche dans le monde francophone, en nombre de chercheurs permanents (une trentaine) se consacrant exclusivement à l’étude des conflits armés sous toutes ses formes, mais il n'est pas un département universitaire.
RETARD FRANCAIS - En France, le champ a longtemps souffert de 2 maux : marginalisation et fragmentation. 1) La marginalisation était en partie due à la persistance (minoritaire mais tenace) d’un certain antimilitarisme de l’université française, mais aussi à la nature de l'objet.
En effet, travailler sur la guerre implique (en tout cas pour ceux qui veulent le faire sérieusement) d’échanger avec les politiques qui la décident et les militaires qui la conduisent. Or, certains estiment que cette posture menace l’indépendance de la recherche.
2) Quant à la fragmentation, elle est d’abord disciplinaire, puisqu’en France les sciences "phares" qui étudient la guerre, comme l’histoire, le droit ou la science politique, défendent leur pré carré et ne dialoguent que très peu mutuellement.
La fragmentation est aussi institutionnelle : on réfléchit sur les conflits armés à de nombreux endroits – dans les universités, les instituts de recherche, au sein des ministères et même dans les grandes entreprises – mais généralement pas ensemble. Chacun reste dans son monde.
DES PROGRES - Depuis quelques années, la donne a changé pour plusieurs raisons. 1) Le renouvellement générationnel : les bourses doctorales du ministère de la Défense/des Armées ont contribué à faire émerger des jeunes chercheurs, une "relève stratégique".
2) Un autre facteur de changement est le contexte sécuritaire international et national. La multiplication des opérations militaires et le risque terroriste accru ont contribué à une prise de conscience, parfois brutale, de l’importance sociale du sujet.
3) Il faut insister sur le rôle du ministère des Armées. Jamais la recherche stratégique n’aura été autant promue qu’au cours des dernières années, grâce aux efforts consentis par la DGRIS et en particulier à la détermination de @nicolasbronard.
4) Il y a aussi l’espoir d’une fécondation croisée entre militaires et chercheurs : de + en + de chercheurs civils s’engagent dans la réserve opérationnelle ou citoyenne ; et réciproquement nous constatons que de plus en plus de militaires de carrières entreprennent un doctorat.
Conclusion : la France a pris le train en marche mais elle l’a pris. L’accélération des dernières années est évidente et, tant que l’avenir sera gros de menaces, étudier la guerre restera une priorité.
DEBOUCHES - Aux étudiants, les War Studies offrent des perspectives diversifiées, dans trois directions : la recherche (univ, CNRS, instituts, think tanks), la fonction publique (ministères et agences de l’État) et le privé (de la start-up à la grande entreprise).
Ma recommandation : restez polyvalents et curieux pour maintenir plusieurs portes ouvertes. Développez non seulement les expériences mais aussi une capacité à vous exprimer dans une grande variété de formats...
...du tweet à l’ouvrage scientifique en passant par la note administrative pour le décideur, l’interview, la tribune dans la presse et l’article dans une revue évaluée par les pairs en double aveugle. Ici comme ailleurs, la faculté d’adaptation est souvent une clé de la réussite.
