Pour les 20 ans de la sortie française de #FightClub (le 10 novembre 1999), j'ai sélectionné 20 plans du film. Des plans qui montrent tous Edward Norton et qui mettent chronologiquement en valeur la force visuelle et narrative de cette oeuvre majeure signée David Fincher. #Thread 
Voici le premier plan du film sur le visage d'Edward Norton. Les yeux du personnage, habités par la peur, semblent indiquer qu'il a vu des choses terribles. Choses que le public sera amené à découvrir à travers un récit en flash-back où la notion de regard va s'avérer centrale.
De nombreux regards caméra parsèment Fight Club. Celui-ci intervient quand la voix off nous apprend que le narrateur a enfin vaincu ses insomnies grâce à la fréquentation d'un groupe de cancéreux. Une confusion entre soulagement et culpabilité est déjà perceptible chez lui.
J'aime beaucoup cette image furtive du personnage qui cherche des groupes de soutien alors qu'il se trouve sur son lieu de travail. Son goût du secret et sa propension à mener une double vie commencent à se manifester et l'éclairage donne au plan une dimension hallucinatoire.
L'arrivée du personnage de Marla Singer (Helena Bonham Carter) trouble profondément le narrateur et le renvoie à sa propre imposture. Une des premières apparitions de Marla la montre en arrière-plan à gauche, une figure de style que David Fincher utilisera beaucoup dans le film.
Autre moment fort de Fight Club : l'apparition de Tyler Durden (Brad Pitt) sur un tapis roulant d'aéroport au moment précis où le narrateur ferme les yeux. Quatre images subliminales avaient auparavant montré Tyler mais il prend ici une forme concrète. Ou n'est-ce là qu'un rêve ?
Le temps a fait son effet et le Fight Club vient d'être créé par Tyler Durden et le narrateur. Un employé de bureau membre du Fight Club salue discrètement le narrateur près de la photocopieuse. Est-on en train de regarder le timide cocréateur du Fight Club ou quelqu'un d'autre ?
Dans la foulée, un serveur de restaurant qui a lui aussi combattu la veille au Fight Club vient servir le narrateur. Le regard que lui adresse Edward Norton derrière ses lunettes de soleil paraît dur et autoritaire. Comme celui d'un leader en herbe exerçant une certaine emprise.
Dans les tréfonds obscurs du Fight Club, le narrateur a tout de l'homme de l'ombre qui agit en bras droit de Tyler Durden. Mais les plans montrant Edward Norton au Fight Club prennent une nouvelle signification lors du revisionnage. Et j'aime bien les non-dits de ce plan-ci.
Parmi les différentes séquences du film montrant Tyler Durden en arrière-plan à gauche du narrateur, mention spéciale à celle-ci. Le discours politique que prononce Tyler fait directement écho à la conversation téléphonique qu'a le narrateur, telle une partie cachée de sa pensée.
Fight Club est aussi une histoire sentimentale qui s'ignore. Nombreux sont les moments où Marla Singer tente de communiquer son affection au narrateur, qui ignore la réalité de leur relation et rejette brutalement Marla. Comme lors de cet intense rapprochement au bord d'un évier.
Autre séquence de cette "comédie romantique" (genre revendiqué par le scénariste de Fight Club, Jim Uhls) : la visite que le narrateur rend à Marla Singer pour vérifier la santé de sa poitrine. Il croit juste venir en ami mais le miroir brisé renvoie l'image d'un possible couple.
En sortant de chez Marla, le narrateur croise Bob (Meat Loaf) qui lui dit être membre du Fight Club et lui parle du légendaire Tyler Durden qu'il qualifie de "grand homme". Amusé, le narrateur (encore en plein déni identitaire) sourit et ce sera bien une des seules fois du film.
Et soudain, Tyler s'en alla. Ce plan d'Edward Norton seul en robe de chambre à l'étage de sa maison fait penser à un mari qui vient d'être quitté par son épouse. En réalité, le cerveau du narrateur commence à prendre conscience qu'il est sans doute préférable de vivre sans Tyler.
Tyler Durden est peut-être en train de se dissoudre mais les conséquences de ses actes se font plus que jamais sentir. La partie où le narrateur esseulé observe les activités des Space Monkeys en croyant en être exclu offre des plans stupéfiants qui incarnent sa crise psychique.
Recherchant Tyler Durden aux quatre coins de l'Amérique, le narrateur prend des avions et court partout. Une course contre la montre filmée avec virtuosité qui rappelle l'ancien travail du personnage. Sauf qu'il n'est plus en cravate mais au coeur d'un angoissant thriller mental.
Le moment de révélation aura lieu dans une chambre d'hôtel où Tyler fait avouer au narrateur sa véritable identité. Plusieurs images d'explication défilent et celle qui montre Edward Norton en génie du mal paraît irréelle et surjouée, comme si la vérité était encore inconcevable.
À l'inverse, un des plans suivants fait mieux prendre conscience de l'invraisemblable vérité : le narrateur y apparaît nu en train de copuler avec Marla et son regard effrayé trahit autant sa peur de la relation physique que son dénuement face à la découverte de la réalité.
Le périple du narrateur n'est pas fini. Avant d'aller se dénoncer à la police, il avoue enfin à Marla qu'il nourrit des sentiments pour elle. Si le narrateur est conscient de l'inexistence de Tyler Durden, le titre "Sept ans au Tibet" à droite indique que Brad Pitt rôde encore.
Après diverses péripéties qui prouvent que le Projet Chaos a même infiltré la police, retour au début : le narrateur a de nouveau un pistolet dans la bouche et l'on sait désormais que c'est une menace qu'il brandit contre lui-même. L'autodestruction serait-elle une solution ?
Et voici venu le plan final. Tyler est parti, les Pixies ont retenti et le narrateur amoureux peut regarder Marla dans les yeux avant une ultime image subliminale. Comme l'avait dit la voix off au début : "all of this has got something to do with a girl named Marla Singer".
