Début du procès de Bilal Taghi à la cour d’assises spéciale. L’homme de 27 ans aujourd’hui est jugé pour avoir agressé deux surveillants le 4 septembre 2016. Il était incarcéré depuis 5 mois dans un quartier spécial de la prison d’Osny pour détenus radicalisés. @France3Paris
En 2015, une semaine après les attentats de Charlie Hebdo, Montrouge et l’hypercasher, Bilal Taghi avait tenté de rejoindre la Syrie avec sa femme et son fils de 2 mois. Il voulait rejoindre ses deux frères, morts depuis. @France3Paris
En détention, Bilal Taghi ne semblait pas poser de problèmes. Mais le 4 septembre 2016, au moment de sortir en promenade, il a agressé avec un couteau artisanal deux surveillants. L’un d’eux a eu la gorge transpercée. Le 2e a été blessé après avoir tenté de s’interposer.
Un geste revendiqué devant les enquêteurs et le juge d’instruction au nom de l’Etat Islamique. A l’époque, Bilal Taghi, originaire de Trappes, avait même affirmé que si c’était à refaire, il le referait. Il a depuis entrepris un travail de réflexion selon ses avocats.
Autour des deux surveillants, dont l’un a depuis été muté, beaucoup de collègues de la pénitentiaire. A l’époque, cette agression avait provoqué un vif emoi et des manifestations. Le manque de moyens dans la prise en charge des détenus radicalisés était notamment pointé du doigt.
Cet épisode a sonné le glas des unités dédiées. Elles ont depuis été remplacées par les quartiers de prise en charge de la radicalisation au nombre de 4 aujourd’hui. Dont celui de la prison de la Santé (15 places actuellement + 33 places au printemps prochain). @France3Paris
Bilal Taghi lui est dans un box vitré. Jean, basket, veste, lunette et petite barbe. L’air juvénile. Et très attentif à ce qui se dit dans la salle d’audience. @France3Paris
La présidente fait la lecture des faits. Rappelés plus haut. En fin de matinée, on devrait aborder l’enquête de personnalité de Bilal Taghi. Cet après-midi, sa famille, son ex femme (avec laquelle il avait tenté de rejoindre la Syrie) seront entendus. @France3Paris
Détail macabre : Bilal Taghi avait dessiné un cœur sur une vitre avec le sang des surveillants. Il pensait tuer depuis quelques jours un surveillant. « Peut importe qui ». @France3Paris
Interrogé sur la violence de son acte, Bilal Taghi avait dit devant les enquêteurs que la France était l’ennemi de l’islam. Avait parlé du burkini et de la Syrie. Se souvient d’avoir crié Allah Akbar pour se donner du courage au moment de l’intervention des Éris. @France3Paris
Bilal Taghi est debout pour répondre à la juge. Vous le voyez souvent votre père ? « Pas souvent mais ça arrive. » Il a vu son père 3 ou 4 fois depuis son incarcération. Bilal Taghi s’exprime avec une petite voix. « On va revenir sur votre histoire familiale monsieur. »
Ses parents sont séparés. Sa mère vient trois fois par mois voir son fils. Ils ont un lien très fort. Bilal Taghi a eu peur qu’elle le renie après son acte. « Elle a mal vécu les choses que j’ai fait et au départ, elle voulait pas venir en prison. Elle s’est résignée. »
Son père frappait sa mère « toutes les semaines ». Bilal Taghi a grandit dans un contexte de violence. Le père pouvait également frapper ses enfants. « J’ai pas le souvenir qu’elle ait porté plainte (sa mère). Elle était pas libre de faire ce qu’elle voulait. » @France3Paris
Après la séparation des ses parents, Bilal Taghi n’a quasiment plus vu son père. Il le voyait « en cachette » chez son frère aîné. A noter que sa mère a eu 6 enfants mais qu’en tout, Bilal Taghi a 10 frères et sœurs. @France3Paris
Bilal Taghi dit avoir reçu une éducation traditionnelle : « le respect des parents, ne pas voler, ne pas faire de bêtises.» Était-ce une bonne éducation demande la juge ? Il ne sait pas «m’exprimer la dessus, j’aurais l’impression de dénigrer ma famille.» L’accusé semble pleurer.
Un des frères de Bilal Taghi issu de ses deux parents a été expulsé au Maroc. Un autre serait décédé en avril 2015 en Syrie. Un fils de son père serait également mort en décembre 2014 en Syrie. « J’ai parlé avec sa femme via Skype ». @France3Paris
Un des autres frères de Bilal Taghi est détenu à Bois d’Arcy. Sinon, il y a un coiffeur, une assistante maternelle, un étudiant... « Je créais le lien dans cette famille. Je suis restée proche de mes deux grands frères. » @France3Paris
Une des sœurs va dire que ses parents n’ont pas assuré leur parentalité. Et que Bilal Taghi dont la sœur aînée était handicapée a du s’occuper de la fratrie. @France3Paris
Bilal Taghi a grandi à Trappes. Puis dans le 16e lorsqu’il travaillait dans des restaurants. Il a notamment été deux mois au Fouquet’s. On en vient à sa femme, avec laquelle il s’est marié religieusement un mois après l’avoir rencontré par le biais d’une de ses belles-sœurs.
Ils ne se connaissaient pas. « J’avais dit à mon frère en plaisantant de me trouver une femme religieuse. Le lendemain, sa femme avait quelqu’un. C’est parti d’une blague. » Bilal Taghi dit que c’était conforme à ce qu’il voulait. « Ça m’a convenu. » @France3Paris
Ils ne sont plus en couple. « Après ce que j’ai fais à Osny, elle a décidé d’en rester là. » Bilal Taghi ne voit plus les deux enfants qu’ils ont eu ensemble. Il attend des visites médiatisées à la prison. @France3Paris
L’un de ses enfants a 5 ans, l’autre 2 ans, conçu après sa première condamnation. Bilal Taghi dit qu’il « souhaitait ses enfants et ne les souhaitait pas. Je prenais les choses comme elles venaient. » @France3Paris
Quelle importance avait a vos yeux votre famille ? Passaient-Ils après vos convictions religieuses ? « C’est vrai...J’avais l’intention de partir seul (en Syrie) à la base mais ma femme s’est résignée à me suivre car elle ne voulait pas que l’on se sépare. » Bilal Taghi marmonne.
Après sa première condamnation : « J’avais qu’une idée c’était de sortir le plus vite possible pour partir en Syrie et voir si mon frère était mort. » Bilal Taghi a des sanglots dans la voix. « J’étais bien ancré dans l’idéologie de Daech à l’époque. » @France3Paris
On repart sur sa scolarité chaotique. Bilal Taghi raconte qu’avant d’aller à l’école, en CM2, en 6e qu’il redouble, il va « faire des marchés ». Il a un caractère irascible. Très violent a l’école, perturbateur... « Fruit de la violence vécue chez lui ». @France3Paris
Bilal Taghi obtient un CAP cuisine malgré tout. Et travaille comme commis dans des restaurants gastronomiques. Mais il arrête car il ne supporte pas le contact avec le porc et l’alcool. En 2012, il quitte son dernier poste. C’est le moment où il se « questionne religieusement. »
Est-ce que ça correspond au moment de votre radicalisation ? « Plus ou moins ». Bilal Taghi reste ensuite au chômage jusqu’à sa tentative de départ en Syrie (il est arrêté en Turquie). Sa famille a une pratique « modérée » de la religion, voir pas pratiquante. @France3Paris
Bilal Taghi : « Je me demandais à quoi rimait la vie. J’essayais de mettre un sens à tout ça. Et je trouvais que tout était superficiel. Profiter... » « Je trouvais que ça avait plus de sens de faire partie d’un tout, l’Etat Islamique, que c’était plus grand que moi. »
Bilal Taghi s’est formé à la religion avec ses frères. Il se rendait aussi à la grande mosquée de Trappes. Une issue « modérée voir laxiste ». « Pour Charlie Hebdo, l’imam avait fait un prêche pour condamner. Certaines personnes se sont levées et ont été choqué...» @France3Paris
Et vous, vous en avez pensé quoi ? « Charlie, fallait faire quelque chose pour répondre. Ils nous caricaturaient. Mais en fonction de leurs actions, de manière plus intellectuelle. Charlie n’a rien à voir avec mon départ. » Bilal Taghi répète que son départ n’a rien à voir.
Bilal Taghi avait a l’époque déclaré : « Le djihâd ça veut dire combat, s’il le faut, il le faut. » Il parle aussi de l’intervention de la France en Syrie qui entraîne la loi du Talion. « C’était pour pas donner l’impression de trahir mes frères dans l’adhésion. »
Il a adhéré à l’Etat Islamique en 2013. A l’époque où il était proche de ses frères. « Dans la famille, personne n’était au courant. C’était nous 3 c’est tout. » Bilal Taghi s’est laissé pousser la barbe. Il n’a rien dit à ma mère.« Sinon, je suis sûr qu’elle m’aurait dénoncé. »
Petite pause dans ce LT pour préparer un papier pour ce midi.
C’est désormais un expert qui s’exprime. Entre temps, Bilal Taghi a présenté ses excuses aux deux surveillants. @France3Paris
L’expert psy parle de la volonté de départ en Syrie. A l’époque de leur entretien, Bilal Taghi lui avait dit que c’était pour rejoindre ses frères. Et que c’était un jeune impulsif, qui ne réfléchissait pas avant de passer à l’acte. @France3Paris
Expert : « Quand nous nous sommes rencontrés, il ne pouvait pas vivre sa religion en France. Il rejette tout mouvement spirituel de l’islam. Il est dans une pratique rigoriste de la religion. » Bilal Taghi ne parle pas de ses amis, anciennes petites amies, etc... @France3Paris
Bilal Taghi ne parle pas de la violence chez lui. Selon sa mère, les enfants n’ont jamais été témoins de ces violences. @France3Paris
Bilal Taghi a récolté d’une plainte au civil dès la 6e. « Mme Taghi semble dépassée, elle arrive du Maroc, c’est un 2nd mariage. Elle ne maîtrise pas le français au début. Elle s’investit par la suite. Mais lors des conseils de classe, elle n’est pas présente. »
La mère de Bilal Taghi ne comprend pas ce qu’il se passe à l’école et le comportement de son fils selon l’expert. « La barrière de la langue ». @France3Paris
Concernant sa démarche religieuse, « Bilal Taghi se questionnait, s’était interrogé sur le christianisme, le judaisme, le bouddhisme. Mais pour lui, le Coran est vérité. Il s’appuie sur des théories scientifiques dans son discours. Que l’homme n’a rien créé. »
A propos de ses conditions de détention : « la prison, c’est un mode de vie comme un autre. Y a la télé, un frigo... n’évoque pas de difficulté avec les surveillants. » L’entretien de Bilal Taghi avec le psy s’est fait à l’automne 2017. @France3Paris
Quelle est l’importance symbolique de ces grands frères ? « Il s’épanche peu sur ces relations avec eux... Selon sa jeune sœur, ils se voyaient peu. Une fois par an. Sur son départ en Syrie, il dit que l’un des deux n’était pas au courant et que l’autre lui a dit de pas venir. »
Sur son couple, que dit Bilal Taghi ? « Il s’épanche peu sur ses relations affectives, amicales. Au contraire de sa femme. Le départ en Syrie, elle l’a suivi malgré elle. Il confirme. Elle voulait avoir une vie familiale lambda, normale. Lui se confie pas. »
« Il parait comme quelqu’un d’intelligent, ouvert au dialogue même si au moment de l’entretien, il est très arrêté. Peu ouvert. Il demande qu’on lui démontre que Dieu n’existe pas. » Difficile de dire si Bilal Taghi est influençable selon l’expert. @France3Paris
Une magistrate interroge Bilal Taghi sur des propos qu’il a tenu ce matin « sur la démocratie française inefficace au contraire de la charria radicale et dissuasive» Mais aussi sur l’injustice ressentie dans sa détention. @France3Paris
Bilal Taghi : « Pour moi, ce qui permettait de justifier mon passage à l’acte c’est que je me victimisais et pourtant c’est pas la France qui m’a trahi mais moi qui ait trahi la France. Je me trouvais des excuses bidons. » @France3Paris
Bilal Taghi dit qu’il s’est rendu compte que la charria était appliquée sur les plus pauvres, en Arabie Saoudite mais aussi par l’Etat Islamique. @France3Paris
Autre question : comment avez-vous exercé une pression sur votre épouse pour partir en Syrie ? Bilal Taghi : « Elle pensait que j’allais la quitter. » Lui pensait partir seul, sans femme et enfant. « Je voulais partir. J’ai fais mon sac. Et le soir du départ, elle s’est résignée.
Au moment de son premier procès, Bilal Taghi avait fait acte de repentance. Et pourtant, il est passé à l’acte après. « Le fait d’avoir menti, je perds toute crédibilité aujourd’hui. » @France3Paris
Avocat PC : « Mr Taghi, condamnez-vous aujourd’hui le courant religieux qui appelle à tuer des gens parce qu’ils ne sont pas croyants ? » « Oui, totalement. » @France3Paris
L’avocat général, qui était présent lors du premier procès, rappelle à Bilal Taghi qu’il avait beaucoup pleuré lors de ce procès. « Comment avez-vous pu pleurer et mentir en même temps ? » « Je pleurais sur mes frères. »@France3Paris
Ça va être toute la difficulté de ce procès, démêler le vrai du faux. Les vrais remords de la dissimulation. Bilal Taghi en a conscience. @France3Paris
Bilal Taghi a raconté devant le juge d’instruction que la fête, les filles ça ne lui convenait pas. La religion était cadrante. « J’ai pu devenir meilleur Grace a ça. Après libre à chacun de savoir ce qu’est le meilleur. » @France3Paris
Bilal Taghi : « J’ai menti, j’ai continué à mentir en détention. C’est difficile aujourd’hui d’être cru. J’essaye juste de m’expliquer, d’être le plus clair. Sans vouloir me défendre, me débiner, me défausser ne serait-ce que pour ces messieurs. (Parle des surveillants)... »
Bilal Taghi : « Ce que j’ai fais, c’est impardonnable. Je ne peux pas espérer aujourd’hui sortir comme si j’avais rien fait. J’ai fais une introspection avec le psy que j’ai vu pendant deux ans... J’aimerais avoir les mots mais c’est difficile. » @France3Paris
Son avocat : il y a beaucoup d’émotion quand vous parlez de vos demi-frères (Bilal Taghi ne fait pas cette distinction). Ils sont l’une des causes de votre départ ? « Oui, j’ai pas d’amis. Enfin j’en ai un. Mes amis c’est ma famille, mes frères... » @France3Paris
Avocat défense : « quand vous parlez de vos frères, il y a de l’émotion. Mais vous comparaissez pour avoir attenté à la vie de quelqu’un, c’est déshumanisé ? » Bilal Taghi : « Je la vois plus comme une personne mais un représentant de quelque chose. Un surveillant, l’un d’eux. »
« Mais quand je vois ses yeux, je peux pas... » Bilal Taghi pleure en désignant un surveillant. L’audience est suspendue jusqu’à 14h15. Bilal Taghi encourt la reclusion criminelle à perpétuité. @France3Paris
