1406, Padoue : le notaire Galvano rédige plusieurs reconnaissances de dette pour des prostituées qui ont contracté un crédit. Ces documents sont une précieuse porte d'entrée pour étudier le statut des travailleuses du sexe dans l'Italie de la fin du Moyen Âge. Un thread ⬇️ ! 
Ce qui frappe d'abord, c'est l'origine de ces prostituées. Les quatre en question viennent de grandes villes d'Italie du nord. Ailleurs, on croise de nombreuses Croates, pas étonnant vu les liens commerciaux étroits entre Venise (qui domine alors Padoue) et les Balkans
Les prostituées sont donc majoritairement des immigrées, des étrangères (à l'époque, quand on vient de Florence et qu'on s'installe à Padoue, on est étranger !) De ce point de vue, la situation n'a guère changé puisque ajd plus de 90% des prostituées en France sont des immigrées
En arrivant en ville, les prostituées, venues de loin, reçoivent le soutien financier d'un ou d'une proxénète, désigné dans les sources comme "patronus (ou patrona) meretricum", littéralement « protecteur/protectrice des prostituées »
Cette personne leur prête de l'argent, des vêtements, payent parfois le loyer. Les prostituées s'installent en ville - la prostitution est un phénomène urbain - et se concentrent dans certains quartiers, le plus souvent en périphérie du centre-ville
A travers les documents, on voit que ces proxénètes servent de plaque tournante entre une immigration venue des Balkans et les réseaux de prostitution dans les grandes villes du nord de la péninsule Italique
Bien sûr, cette aide n'est qu'un prêt, que l'immigrée doit rembourser. L'aide du « protecteur » permet donc de s'attacher – et donc aussi de soumettre – une main d'oeuvre sexuelle
En effet, les prêts consentis par les proxénètes sont très élevés : dans les documents de Galvano, ils vont de 26 à 92 ducats, sachant qu'à l'époque pour un ducat on peut acheter une paire de bottes ! Ils sont donc très durs à rembourser
Sans surprise, les prostituées s'enferrent donc dans des prêts à répétition. Ici, nos quatre prostituées de Padoue - Margherita, Bianca, Giacomella et Isabetta - empruntent pour rembourser leur patronus. Et elles empruntent au même homme, Nicollo Malatacca...
Un personnage qui semble s'être spécialisé dans le prêt à des prostituées déjà endettées. Evidemment, il prête avec intérêt. Du coup les prostituées sont prises dans une spirale de crédits de plus en plus élevés et de plus en plus difficiles à rembourser...
Il y a évidemment des différences massives entre la prostitution médiévale et la situation d'ajd. Par exemple, il n'existe plus aujourd'hui de bordels municipaux, gérés par la commune, comme une piscine ou un stade... C'est devenu socialement et politiquement inacceptable.
Autre différence : il est très difficile de déceler dans les sources médiévales les prostitués masculins et les transgenres, qui constituent aujourd’hui environ 10 % des 30 000 prostitué.es de France.
Pourtant, entre réseaux internationaux, proxénétisme et endettement, les caractères de la prostitution à la fin du Moyen Âge sonnent bien familiers aux oreilles contemporaines... Un article de Solène Milnier à retrouver sur notre blog :
actuelmoyenage.wordpress.com/2020/03/12/les…
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