Savez-vous qu’après Tchernobyl, la centrale #nucléaire soviétique de Kozloduy (#Bulgarie) affole les experts, politiques et industriels des « pays de l’Ouest » ?
1/ Le 26 avril 1986, l’accident de Tchernobyl (réacteur soviétique type RBMK (Reaktor Bolshoy Moshchnosti Kanalnyi, en FR réacteur de grande puissance à tube de force) choque le monde entier et devient rapidement un symbole du déclin de l’URSS.
2/ Après des années très mouvementées, le 25 décembre 1991, le président soviétique Mikhaïl Gorbatchev, huitième et dernier dirigeant de l'URSS, démissionne. Cet évènement marque la fin de l’URSS, qui existait depuis 1922.
3/ L’effondrement des régimes communistes des pays d’Europe centrale et orientale entraine des troubles socio-politiques et une crise économique majeure dans les 90’s. Les regards se tournent alors vers les nombreux réacteurs soviétiques en exploitation dans ces pays.
4/ Publié en septembre 1986 par l’AIEA avec les 1ères données de l’URSS, un rapport (INSAG-1) pointe de nombreuses erreurs humaines ayant entrainé l’accident. 7 ans plus tard, le rapport INSAG-7 met en avant les défaillances intrinsèques des réacteurs soviétiques RBMK.
5/ Mais, outre les réacteurs de type RBMK (même type que Tchernobyl), d’ancien réacteurs de type VVER (Vodo-Vodianoï Energuetitcheski Reaktor), un réacteur à eau pressurisée soviétique, inquiètent les experts du nucléaire.
6/ Les experts occidentaux jugent que les VVER 230, situés par exemple en Arménie ou en Bulgarie, présentent des failles importantes (système de refroidissement et enceinte de confinement notamment).
7/ Au début des années 1990, la situation économique et l’instabilité politique et social dans les anciens pays de l’URSS sont autant de facteurs de risques supplémentaires, qui s’ajoutent à une conception qui présente de nombreuses failles (vidéo de 1994).
8/ Pour l’anecdote, en 1992, Alexei Vladimirovich Yablokov, membre de l’académie des sciences russes déclare « II nous est impossible d’envoyer nos anciennes centrales soviétiques par missiles à d’autres pays mais elles ne sont pas moins dangereuses que des armes nucléaires ».
9/ Au tournant des années 1980-1990, l’AIEA lance une série d’audits sur les réacteurs VVER 230 des pays de l’ex-URSS pour évaluer la sûreté de ces installations, notamment à Bohunice en Tchécoslovaquie, à Kozloduy en Bulgarie et à Kola et Novovoronezh en Russie.
10/ Intéressons-nous à la mission d’audit à Kozloduy en Bulgarie en juin 1991. Kozloduy est une centrale nucléaire soviétique comprenant 4 réacteurs VVER 230 et 2 VVER 1000. Les 4 VVER 230 ont été mis en service entre 1974 et 1982 (vidéo de la construction).
11/ Pendant sa construction, en 1977, la centrale subie un séisme (magnitude 7,6, 1500 morts) dont l’épicentre est situé dans la région de Vrancea. Le séisme dépasse alors le séisme de référence de la centrale et cause de multiples dysfonctionnements.
12/ Les années 1990-1991 sont marquées par une dizaine d’incidents sur le site. Ce que vont découvrir les experts de l’AIEA lors de la mission d’audit à Kozloduy au mois de juin 1991 fait froid dans le dos….
13/ Après plusieurs audits, en plus des défaillances connues des réacteurs VVER 230, l’état de sûreté de la centrale est considéré comme déplorable, notamment au regard des standards de l’AIEA : Problèmes de résistances aux séismes, aux incendies, d’exploitation de la centrale…
14/ Les experts présents sur place sont choqués de la situation. On imagine la centrale de Kozloduy comme un « Tchernobyl » en puissance. Le directeur de l’AIEA écrit au gouvernement Bulgare pour tenter de remédier à la situation.
15/ Des experts de l'Association mondiales des exploitants de l'énergie nucléaire (WANO), dont EDF est un membre actif, sont envoyés en Bulgarie dès 1991. Dans le même temps, des contre-experts se mobilisent sous l’égide du Commandant Cousteau !
16/ On y trouve notamment Raymond Sené (photo), du Groupement de Scientifiques pour l'Information sur l'Energie Nucléaire (GSIEN), et Robert D. Pollard, de l'Union of Concerned Scientists (présidée par Henry Kendall, prix Nobel de Physique).
17/ Ces contre-experts demandent alors l’arrêt de l’ensemble de la centrale nucléaire, au moins provisoirement. Problème : la centrale fournit 34% de la production d’électricité de la Bulgarie en 1991 ! Que faire de Kozloduy ?
18/ Évidemment, a cœur d’une crise économique, sociale et politique majeure, le gouvernement Bulgare ne veut pas fermer la centrale, mais, en même temps, ne peut pas financer de couteux travaux de remise à niveau…
19/ Sous la pression de la « communauté internationale », les réacteurs 1 et 2 (photos des constructions) sont arrêtés, mais il y a une contrepartie !
20/ C’est la commission européenne qui va prendre en charge le coût d’une « opération de sauvetage » de la centrale. Une aide d'urgence est élaborée et financée dans le cadre du programme PHARE.
21/ La WANO, et notamment EDF va s’occuper de ce travail de remise à niveau. Enfin, l'institut de protection et de sûreté nucléaire (ancêtre de l’IRSN) et d’autres homologues européens viennent en soutien des experts et contrôleurs Bulgares. L’AIEA va aussi proposer son aide.
22/ Pour les industriels du nucléaire engagés dans la remise à niveau de l’installation, l’idée est de pouvoir un jour faire fonctionner cette centrale normalement, sans l’arrêter. Les responsables européens restent tout de même très inquiets.
23/ EDF va donc être mandaté par WANO et devient l'opérateur principal de l'assistance technique mise en œuvre à Kozloduy. La centrale Bulgare est « jumelée » à celle du Bugey (photo). Ce type de jumelage sera pratiqué pour d’autres centrales.
24/ Pendant plusieurs années, des experts d’EDF viennent à Kozloduy et des ingénieurs Bulgares sont formés en France. Les échanges concernent la plupart des domaines de la sûreté nucléaire : procédures, managements, retour d’expérience…
25/ L’opération est complexe. Les pratiques et la culture en matière de sûreté apparaissent très différentes entre la France et la Bulgarie et les incompréhensions sont donc nombreuses (photo d’experts au travail à Kozloduy).
26/ Pour EDF, l’objectif est double : éviter un nouvel accident nucléaire (un « coup de grâce » pour l’industrie nucléaire) mais également développer de nouveaux partenariats en Europe de l’Est dans un contexte où la chute de l’URSS laisse un vide et des opportunités !
27/ Le bilan de cette assistance est mitigé. On note tout de même quelques progrès réalisés à Kozloduy vis-à-vis de la sûreté, ce qui permet le redémarrage des réacteurs 1 et 2 en 1992 et 1993. D’un point de vue de la communication, l’opération semble plutôt être une réussite…
28/ … même si les opposants restent nombreux, notamment le Commandant Cousteau qui considère que les aides européennes servent à étendre le marché du lobby nucléaire occidental.
29/ Dans le détail, les inquiétudes concernant Kozloduy ne sont pas encore levées. En 1993, un accord conclu entre l’UE et la Bulgarie prévoit la fermeture des unités 1 à 4 de la centrale nucléaire de Kozloduy dès que d'autres sources d'énergie seront disponibles.
30/ Les doutes concernent notamment la tenue de la cuve du réacteur n°1. Après un arrêt pour rechargement en 1994, les experts occidentaux souhaitent ne pas redémarrer le réacteur avant de nouveaux essais et vérifications.
31/ Mais, en 1995 c’est le coup de théâtre…
32/ Le gouvernement Bulgare décide de redémarrer le réacteur numéro 1 contre l’avis de l’AIEA, de la WANO et des experts européens. C’est une crise diplomatique d’envergure ! L’avenir de Kozloduy va devenir au centre d’un jeu politique au niveau Européen.
33/ En effet, les Européens ont du mal à comprendre la réaction Bulgare alors que l’UE a dépensé des centaines de millions de Francs pour aider Kozloduy. Mais ce coup de force n’est pas le seul car les pays de l’ex-URSS se trouvent dans des situations économiques complexes
34/ En 1988 par exemple, à la suite d’un séisme, la centrale de Métasmor (photo salle de commande) en Arménie (2 VVER 230) est arrêtée. Dans les années suivantes, devant la crise énergétique dans le pays, les nouvelles autorités redémarrent le réacteur n°2 en 1995.
35/ Enfin, à la suite de l’accident du réacteur n°4 de Tchernobyl (Ukraine), les 3 autres réacteurs de Tchernobyl poursuivent leur exploitation malgré les critiques des experts occidentaux ! Le dernier ne sera fermé qu’en 2000 sous la pression des pays européens.
36/ Revenons à Kozloduy. Après des années d’échanges, à la suite d’autres pays de l’ex URSS, en 1995, Jan Videnov, alors Premier ministre de la Bulgarie, dépose officiellement la candidature de son pays à l'Union européenne (caricature retour à l’Europe des pays de l’Est, 1990).
37/ L’idée de conditionner l’entrée de la Bulgarie dans l’UE à la fermeture des plus vieux réacteurs de Kozloduy prend forme. Le réacteur n°1 est à nouveau arrêté en 1996 pour des essais, en parties financés par l’UE.
38/ En novembre 1999, un protocole d'accord entre la Commission et le gouvernement bulgare établit un calendrier « réaliste » concernant la fermeture anticipée des unités 1 à 4 de la centrale nucléaire de Kozloduy.
39/ En appui de cette idée, en 2000, le premier rapport de l’association européenne des autorités de sûreté du nucléaire (WENRA) précise que malgré des améliorations, les réacteurs 1 à 4 de Kozloduy ne répondent pas aux standards de sûreté européens.
40/ Après des années de tractations, les réacteurs 1 et 2 de Kozloduy sont fermés en 2002. Puis, en 2006 c’est au tour des réacteurs 3 et 4, après des débats houleux en Bulgarie.
41/ L’UE va aider à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros la Bulgarie pour le démantèlement. Ayant rempli « ses obligations », la Bulgarie rejoint finalement l’Union Européenne le 1er janvier 2007.
42/ Tout est bien qui finit bien donc ? L’histoire n’est pas encore terminée puisque le démantèlement des réacteurs va faire l’objet d’une « guerre » entre industriels. C’est également le cas pour la remise à niveau des réacteurs VVER 1000 de la centrale.
43/ Enfin, le gouvernement Bulgare souhaite, dès 2007, construire une nouvelle centrale nucléaire ! En vérité, l’idée date du début des années 1980 et le site de Bénélé est déjà choisi. Mais, la fermeture de Kozloduy relance le projet.
44/ Depuis 2007, cette nouvelle centrale va devenir un « serpent de mer » et le gouvernement Bulgare va revenir plusieurs fois sur sa décision. Aujourd’hui, il semble acté que cette centrale sera construite un jour mais quand ?
45/ Le nucléaire en Bulgarie n’a pas fini de faire parler. En 2018, dix ans après son adhésion à l’UE, comme un pied de nez à cette histoire tumultueuse, la Bulgarie assure pour la première fois la présidence du Conseil de l'UE.
1/ Leona Harriet Woods est née dans une ferme de l'Illinois (USA), le 9 août 1919. Après des études de chimie, elle réalise une thèse de doctorat sur la spectroscopie des molécules d'oxyde de silicium auprès du futur prix Nobel de Chimie Robert Mulliken et de Stanisław Mrozowski.
2/ A partir de 1942, elle travaille seule car ses jeunes collègues étudiants hommes sont réquisitionnés pour l’effort de guerre. Elle rencontre alors Herbert Anderson (à gauche) qui travaille avec un certain Enrico Fermi (à droite) sur la réaction en chaine…
1/ Avant-propos : Nous ne sommes sismologues, mais nous avons étudié la façon dont les experts du nucléaire évaluent les risques et élaborent la réglementation. Si vous voulez plus de détails techniques, vous pouvez vous référer aux rapports de l'AIEA (@iaeaorg, voir sources).
2/ Après les bombardements atomiques d’Hiroshima et Nagazaki (1945) et la fin de l’occupation US du Japon (1952), les Japonais se lancent dans le nucléaire civil dans le cadre du programme US « Atoms for peace » lancé par le président Eisenhower en 1953 aux Nations unies (photo).
Tournant 1960-1970, la France vend sa 1ère et unique centrale #nucléaire de la filière « uranium naturel graphite gaz » à l’Espagne.
Un réacteur au cœur d’un projet d’une bombe atomique espagnole qui va connaitre une fin tragique…
Thread : La grande histoire de Vandellòs 1
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1/ Après les premiers réacteurs de recherche fin 40’s et 50’s, le réacteur militaire G1 du CEA Marcoule produit en 1956 les premiers kilowatts-heures d’électricité et entrouvre la porte au #nucléaire civil en #France.
2/ C’est à Chinon, au début des années 1960, que débute réellement l’ère industrielle de la filière CEA - EDF « Uranium Naturel Graphite Gaz » (UNGG) avec 3 réacteurs, modérés au graphite et refroidis au CO2.
Un épisode de #neige impressionnant est en cours en #Espagne ! La neige peut aussi créer des problèmes sur une installation #nucléaire.
C’est déjà arrivé…
Mini thread « Neige et sûreté nucléaire ».
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1/ Sur la Hague, un épisode de neige marquant se déroule en février 1970. Le site est coupé en électricité du 13 au 17 février et fonctionne via des groupes électrogènes de secours, alimentés au fuel domestique. Un second épisode se déroule en février 1979 (photo).
2/ L’épisode récent le plus marquant sur la Hague a lieu en mars 2013. L’accès au site est rendu très compliqué par une tempête de neige historique. De nombreuses congères se forment et entravent la circulation.
Je suis tombé par hasard sur cette photo du couple Joliot-Curie avec un de leur élève, le physicien chinois, « Qian Sanqiang ».
Pourquoi ? Comment ? J’ai mené ma petite enquête.
Thread : Qian Sanqiang, le père de la bombe #nucléaire chinoise.
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1/ Avant-propos : Ce thread n’a pas vocation à faire un récit historique du programme nucléaire Chinois mais se concentre sur le parcours et le rôle de quelques scientifiques Chinois et leurs liens avec les pionniers du nucléaire français.
2/ Qian Sanqiang est né à Shaoxing, dans la province du Zhejiang. Il obtient son diplôme de physique de l'université de Qinghua en 1936 (Sur la photo, il pose non loin de la scientifique He Zehui) puis étudie la physique à l'Academia sinica (Taiwan).
Le 27 décembre 1999, à la suite de la #tempête Martin, la centrale #nucléaire du Blayais est inondée.
L’histoire longue cet incident fut au centre de mon travail de thèse pendant 4 ans.
Un jour, je vous proposerai un thread sur la genèse de cet événement.
En attendant...
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1/ ...Voici quelques sources pour vous faire une idée de l’évènement :