(Petit thread sur les classiques) J'ai beau parler principalement de littérature "classique" sur ma chaîne (pour le moment), je ne comprendrais jamais ce qu'on peut entendre parfois, à savoir qu'il faut lire impérativement certains classiques dans sa vie.
On peut très bien vivre sans avoir lu "Les Misérables" ou Racine. Ces textes sont profonds, beaux, riches, mais rien ne justifie de les lire obligatoirement. Il ne faut pas se laisser intimider par ces monstres sacrés. On peut aller au Louvre sans visiter la Joconde.
Sur ma chaîne je parle principalement d’œuvres anciennes car il s'agit de celles que je connais le mieux pour le moment, car je fais mes études et je n'ai pas la possibilité de lire à côté autant que je le voudrai.
Mais je ne comprendrais jamais cette folie qu'on a tous autour des classiques - qui est assez récente d'ailleurs, elle a été construite par l'école républicaine - et qui consiste à sacraliser des oeuvres qui mériteraient au contraire de vivre davantage dans la société.
Mais les faire vivre dans la société, cela ne sous-entend pas les imposer à elle, en prétendant que la société aurait quelque chose à y gagner. Peut-être qu'elle y gagnera quelque chose, nul ne le sait, d'où l'intérêt d'en parler, d'essayer de les diffuser un peu.
Toutefois, faire vivre réellement les classiques dans la société, cela aura un prix à mes yeux, que peu de gens serait capable d'accepter: accepter qu'un classique puisse disparaître, parce qu'il ne parle plus à notre époque.
Les époques passées se posaient moins de questions que la nôtre. Elles acceptaient cette vie des textes où des pièces, des romans, ayant eu du succès, disparaissent parce qu'elles sont trop datées. A mes yeux, le véritable jeu littéraire est là.
En réalité cette vie des textes existe encore (elle existera toujours). Un bel exemple en ce moment, c'est la relecture de textes marginaux par la critique féministe, qui fait revivre des textes parfois perdus et forts intéressants.
On peut apprécier ou non cette attitude, beaucoup la critiquent, mais il faut reconnaître qu'il y a dans cette redécouverte une véritable vie littéraire, qui en dit long sur notre société, ses intérêts, ses passions, ses rêves.
Si le texte ne nous parle plus, il ne faut pas avoir de scrupules à l'ignorer. En réalité nous le faisons tous les jours. Qui lit encore "Les Tragiques" d'Agrippa d'Aubigné, livre bourré de références chrétiennes très techniques, que nous ne sommes plus en mesure de bien saisir?
Comment réussir à se passionner pour une pièce comme Esther de Racine, dont les références nous sont si éloignées qu'elles ne provoquent plus d'émotions, ou de passions? J'ai du mal.
La question est bien entendu plus complexe. L'argument selon lequel certains textes, bien qu'éloignés de nous, nous permettent d'apprendre, de se cultiver, de voir le fonctionnement d'autres époques, est bien entendu légitime.
Fort heureusement, il existe dans la société des personnes très doctes capables de nous passionner pour des livres pourtant si éloignés de nous. L'école réussit en partie ce travail, en nous ouvrant de nouveaux horizons.
Mais la littérature est vaste, et cette pression sociale autour des classiques n'a vraiment pas lieu d'être. Nous les avons trop sacralisés, par un processus subtil. Nous en avons fait des objets sacrés que l'on redoute trop, et que l'on n'ose plus toucher.
