Thread by @GingerForce1

Du coup on me demande (et c'est pas la première fois) ce que je pense de "Red pill", le documentaire censé décrypter le mouvement masculiniste, réalisé en 2016 par la réalisatrice Cassie Jay, dont voici le trailer.
Je vais faire court (j'espère).

Bon alors c'est pas une surprise si je vous dis que c'est full bullshit et que si mon cul ressemblait aux visages des intervenants du documentaire, croyez-moi, j'aurais honte de chier

"Red pill" est une référence à "Matrix", dans lequel Neo a le choix entre prendre la pilule bleue, et continuer sa vie pépouze, et prendre la pilule rouge, et voir le monde tel qu'il est. L'expression est souvent utilisée par les milieux féministes

pcq elle résume TB le fait que son univers est transformé lorsqu'on prend conscience de l'omniprésence du patriarcat et des violences sexistes.

Donc déjà, l'appropriation de cette expression issue d'un film des soeurs Wachowski et utilisée à la base par des féministes, ça grince

Ensuite, le docu part du principe que youpi l'égalité des sexes/genres a été atteinte, que le patriarcat n'existe plus, et que le militantisme féministe n'est donc plus que de l'acharnement

Or je rappelle que les fameux "men's rights" ont fait leur apparition en gros au début des années 70, une période hyper chargée pour les fameux agendas féministes, à savoir durant la période charnière entre ce qu'on appelle la 2nde et 3ème vagues féministes

Commercialisation de la pilule contraceptive, publication de "Sexual politics", de Kate Millett (qui défend l'idée que la sexualité est dominée par des questions de pouvoir politique et de domination masculine), publication de "Ms Magazine", ça bouge dans tous les sens

Le documentaire se penche en gros sur les arguments bateaux des masculinistes (les SDF sont majoritairement des hommes, les garçons sont + souvent en échec scolaire que les filles...) et tente d'y répondre et de les analyser... sans prendre en compte les études de genre

Le postulat des MRA que la réalisatrice interroge (de tous les MRA, en fait), c que les études de genre sont menées par des féministes acharnées qui ne prennent pas en compte la souffrance des hommes, et ne sont pas sourcées. Et si c le cas, MAGIE, les sources seraient biaisées

Alors déjà de base je me méfie d'un mouvement qui part du principe que l'égalité a été atteinte alors qu'il suffit de regarder les multiples données chiffrées et sourcées sur les violences conjugales, le viol, le travail domestique etc, pour voir que c loin d'être le cas

J'ajoute que si le mouvement MRA à peu près tel qu'on le connait aujourd'hui est né dans les années 1970, des hommes avaient déjà largement fait savoir qu'ils étaient menacés par les femmes qui demandaient bah... des droits

Comme l'ami Théodore Joran, qui avait publié en 1910 son livre "La trouée féministe" où il mettait le monde en garde contre ces extrémistes qui menaçaient la sphère familiale et la société toute entière.

(Il est aussi très connu pour son antisémitisme mais c'est un autre sujet)

Je trouve donc curieux (et un peu drôle, aussi) qu'un mouvement organisé pour défendre les droits des hommes (sic) soit apparu au moment où les femmes bénéficiaient d'avancées dans ≠ domaines et qu'elles étaient à un tournant de leur histoire

"Red pill" a été kickstarté (financement participatif en ligne), mais était chapeauté (et pour bcp financé) par des membres actifs et influents des associations MRA aux États-Unis et au Canada.

C'est comme un docu pour débunker l'agroalimentaire sponsorisé par Nestlé.

Ahem.

De plus, s'il se présente comme un docu 100% objectif sur la réalité des mouvements MRA, c'est en fait un docu à charge contre le féminisme et ses militantes.

Par exemple : il est à un moment question d'argent et du fait que c'est compliqué de lever des fonds pour une cause

Et au lieu de mettre en scène le fait que les MRA ont besoin de + d'argent, le docu fait passer un message selon lequel le problème vient du fait que les assos féministes devraient en recevoir moins

Parmi deux exemples de SDF hommes et de souffrance masculine pas prise au sérieux, on a droit au couplet sur les hommes qui partent à la guerre et en meurent alors que les femmes elles sont peinardes.

Boi have you heard about les biais sexistes ?

Peut-être que les femmes s'engagent moins dans l'armée pcq nous sommes tou.te.s éduqué.e.s à croire que les femmes sont faibles physiquement ? Que la hiérarchie fait silence sur les viols / agressions sexuelles au sein des rangs sans soutenir les victimes (dont le ratio je crois

est de 90% de femmes victimes pour 10% d'hommes victimes ; c'est ce que j'avais trouvé pour la France, je suppose que c'est peu ou prou la même chose aux États-Unis mais faudrait checker)

Bref, "Red pill" c'est deux heures de réflexions genrées sur la société... sans prendre en compte la sociologie et les études de genre, une narration bien ficelée, des témoignages ciblés pour se centrer sur des personnes et non sur des analyses sociétales

Le storytelling habituel du documentaire qui ne peut qu'être objectif puisque portant sur le masculinisme et réalisé par une femme féministe.
I MEAN

Voilà.

Maintenant si vous voulez bien m'excuser je vais prendre une douche et trépigner en attendant la finale de #TopChef