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Et soudain, un matin, tu te lèves, et partout où tu regardes, une absente : la Terre !
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Durant les Trente Glorieuses, le transport aérien de passagers prit son envol et devint monopolistique dès qu’il s’agit d’aller loin. Après les pionniers, héros et rêveurs, vint l’ère du transport de masse et le formidable rêve d’Icare se transforma en brouette à bonshommes.
Ce fût un incroyable progrès, un extraordinaire accélérateur de rencontres, de découvertes, d’échanges…
On ne mesure pas à quel point l’ordre des choses s’en trouverait pourtant bouleversé, d’au-moins trois façons.
Le premier bouleversement est pratique : on peut mettre un aéroport où on veut. Il n’y a plus besoin de se rendre sur la côte pour s’embarquer. On ne sent en partant que l’odeur de la clim et des magasins de parfum en duty free.
Ainsi, avec quelques bagages, on va vite, en sécurité, à des horaires fiables. Tout devient sûr, assuré. Le touriste choisira son hôtel en fonction du menu prévu le jour de l’arrivée, le businessman pourra prévoir son premier rendez-vous deux heures après son atterrissage.
L’aéroport de départ est le plus souvent à côté de chez soi, de telle sorte que l’on ne voit plus le monde que l’on quitte avant de découvrir un autre monde.
Le deuxième bouleversement fut la matrice, comme celle du film. Nous vivons dans une illusion. Nous vivons dans un monde où chacun est persuadé que tout vole et va vite.
Nous voyons le monde comme ça :
Nous oublions que toutes les marchandises, les matières premières, tout ce à quoi nous sommes dépendant, tout ce sans quoi nous ne pourrions vivre est quasi-uniquement transporté sur l’eau.
Le monde, hors de la matrice, ressemble à ça :
Nous avons donc une vision erronée des choses, d’un point de vue du temps et de l’espace. Un temps plus court, un espace plus sec, et c’est le troisième bouleversement : nous ne prenons donc plus les mêmes décisions.
J’ai l’intime conviction qu’alors que l’on est « bloqué » sur un bateau, on réfléchit différemment. Je l’ai ressenti, souvent, longtemps, profondément.
Notre rythme habituel, à terre, est, sans qu’on s’en rende compte, calée sur l’heure comme unité de mesure. Les choses prennent à peu près une heure, on arrive « dans une heure », le trajet dure 2h.
En mer, l’unité de temps est quasiment toujours exprimée en jours. On a donc du temps. On prend plus de temps pour arriver, mais surtout, on prend le temps de partir.
Car le voyage, ce n’est pas aller, c’est partir. Partir en mer, c’est ne plus avoir de réseau, c'est avoir pris congé. C’est voir le port, connaitre le quai, puis s’installer à bord et finalement voir ce port devenir petit, lointain, brumeux. Puis rien.
Puis se rendre compte de la merveille qu’est ce rien. Il est plein, ce rien. Des copains de jeu, des bateaux du monde entier, du plastique, aussi, partout. Et croyez-moi j’en ai vu.
Ce rien c’est aussi les levers et couchers de soleil, le temps de coller son nez dans les étoiles, la nuit, sans la moindre pollution lumineuse autre qu’un feu rouge et feu truc vert.
C’est observer la lumière de l’écume produite par l’étrave, et se dire que si la vague est bioluminescente, c’est que la vie est partout.
Ce rien, c’est écouter la répétition du bruit des vagues, le son des machines du bateau, ou du sifflement du vent dans les drisses. C’est connaitre les craquements de la coque et y discerner les vraies alarmes.
C’est bien sûr éprouver le mal de mer, le pilonnement, qui plus que le roulis vous bousille le bide, c’est en avoir marre d’avoir les mains humides et salées, c’est manquer de repères, subir la cohabitation sans échappatoires, le confort rudimentaire, la toilette sommaire.
Partir en mer, c’est apprendre à se connaitre mieux soi-même.
C’est inévitablement, quand on ne voit plus la terre, s’interroger sur les kilomètres d’eau sous nos pieds, les centaines de kilomètres qui nous séparent des côtes, et se situer dans l’immensité de ces espaces.
(Savez-vous qu’au milieu du Pacifique sud, il existe un endroit où il n’y a aucune terre à moins de 1600 km ? Les humains qui habitent le plus près de ce point vivent à bord de l’ISS ! Ce point est appelé le point Némo. Les géographes appellent ça un « pôle d’inaccessibilité »).
C’est enfin, forcément, se dire que dans cette immensité, s’il arrive quelque chose d’imprévu, si je dois survivre, alors je devrais compter sur mon bateau, je devrai compter sur mon équipage, et peut être n’aurai-je plus ni l’un ni l’autre.
Je suis certain que tout ça modifie grandement notre vision du monde, notre façon de réfléchir, et donc les décisions que nous prenons, les avis et opinions que nous avons.
Le saviez-vous ? Lorsqu’avec une certaine excitation, d’abord aux jumelles, ou au radar, puis à l’œil nu, on distingue les premiers pointillés d’une côte, et que l’on y cherche quelque chose à reconnaitre, une falaise, une montagne, on dit qu’on « atterrit ».
Cet atterrissage prend des heures, des jours parfois. Les pointillés grossissent, les reliefs se forment, et les couleurs apparaissent. Souvent, la couleur de l’eau change, sa fréquentation aussi.
Les ondes s’encombrent, on reçoit des conversations dans une nouvelle langue, on croise des pêcheurs, on aperçoit une faune différente.
Puis viennent les odeurs. Je me rappellerai toujours de cette sensation avant d’embouquer le Mahury ou j’ai repris en plein museau la transpiration de la canopée après 2 mois d’absence de la Guyane. #Selva
Je sais aussi que tous ceux qui ont déjà passé Gorée, puis viré à gauche pour arriver au grand Wharf de Dakar savent que c’est l’odorat qui est le sens le plus sollicité.
La mer est le lieu de tous les enjeux modernes. Tous nos approvisionnements y passent, toutes nos communications aussi, par câbles. Ce sera la plus grande source de protéines, le plus grand stockage de CO².
« La mer par où les pires dangers peuvent menacer les États, mais sans laquelle il n'y a pas de grandeur » disait le général de Gaulle, lors du lancement le 11 mai 1960 du France.
fresques.ina.fr/jalons/fiche-m…
Il y a 40 ans jour pour jour, après avoir moisi des années, le France appareillait en catimini pour devenir le Norway. De Gaulle n’était plus au pouvoir. Son fils sera amiral, mais ses successeurs à la présidence n’auront plus d’expérience maritime.
De Gaulle fut le dernier président français à se rendre en visite officielle par la mer. Rappelez-vous, l’époque était à l’autodétermination des peuples, et le sentiment francophile était au plus fort au Québec.
Le 15 juillet 1967, il s’embarque à Brest, en compagnie de son épouse et du ministre des affaires étrangères, à bord du Colbert, croiseur de la marine nationale. Le 23 juillet, il embouque triomphalement le Saint Laurent.
fresques.ina.fr/de-gaulle/fich…
Si son arrivée par la mer a incontestablement marqué les esprits, ce qui est outil de communication utile lorsqu’on entend influer sur le cours de l’histoire, ne croyez-vous pas que le voyage a également marqué le général ?
« Vive le Québec libre » lancera-t-il, non sans provoquer une certaine houle diplomatique. Ce voyage était important. Le faire en bateau y contribuait grandement, au-delà du symbole.
charles-de-gaulle.org/wp-content/upl…
Peu importe qu’il fût logé, à l’arrivée, dans un hôtel, qu’il rentrât en avion, ou que d’autres contraintes logistiques ne dépendit pas de la mer : la mer et son tempo avait donné un tout autre sens au voyage.
Rappelons-nous du plus illustres de nos français, connu dit-on jusque sur la Lune : Jacques-Yves Cousteau. Une époque où la Thalassa balançait ses poubelles par-dessus bord, où l’on faisait des découvertes dans le corail à la dynamite.
lexpress.fr/actualite/soci…
Pourtant ne serait-ce pas totalement anachronique de juger les actions de l’époque à l’aune de la morale d’aujourd’hui ? Ne perdrions-nous pas tout le message de Cousteau, qui a organisé pour la première fois le rendez-vous entre l’humanité et les fonds marins en couleur à la tv?
Une génération de scientifiques, d’observateurs, de découvreurs a été inspirée par Cousteau, comme d’autres par beaucoup de marins avant lui. Y-aurait-il eu un « Océans » sans « Le monde du silence » ?
Aujourd’hui, alors que si peu de monde s’embarque encore, que nos dirigeants et leaders d’opinions vivent et se montrent pressés, multipliant les apparitions au bord de l’ubiquité, alors que la prise de conscience du rôle des océans dans le futur de l’humanité est une urgence, …
… et alors que @GretaThunberg est sans conteste une personnalité observée, écoutée, un voyage en mer aussi médiatisé est un événement dont je me réjouis.
Comme les autres vieux dont je fais déjà partie, je ne comprends pas toujours tout ce qui se passe autour de cette adolescente. Certaines de ses apparitions m’inspirent de l’admiration, d’autre une moquerie mécanique… « vaudrait mieux en rire plutôt qu’elle ait raison »…
Mais cette transatlantique me fait mettre le doigt dessus : il est urgent que, comme elle, et sans que ça n’ait été forcément le but initial, chaque décideur découvre la mer, et avec elle le meilleur cadeau qu’elle nous offre : le temps de réfléchir.
Devrai*
Dépendirent*
Tiens, j'ai laissé "truc"... j'ai finalement choisi "feu", mais j'aimais bien mon idée initiale de truc rouge et truc vert.
@theotiste77185 Je n'imaginais pas un tel succès pour cette partie spécifique du thread ...
Vous trouverez plus d'infos sur ce point de l'océan, qui n'est particulier que par sa banalité, ici : fr.wikipedia.org/wiki/Point_Nemo
Ce qui est moins connu concernant Némo, c'est que comme c'est l'endroit "le plus inhabité" du monde, c'est là où on peut faire des choses dangereuses, à distance, ... comme y benner les très gros satellites en fin de vie. Némo, c'est le cimetière de Mir !
lepoint.fr/astronomie/le-…
Vous retrouverez le thread initial ici :
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