Thread by @_songxisto

En projet ce semestre je ne fais pas de plans ni de maquettes, l'atelier a pour principe d'utiliser la vidéo comme média de représentation de l'architecture, avec une démarche prospective.

Pour moi qui commençait à douter de la pertinence de l'utopie dans le débat politique, ça me fait beaucoup sortir de ma zone de confort, puisque nous avons comme consigne de s'intéresser de manière optimiste à ce que pourrait être l'avenir.

Évidemment demander ça à une génération comme la nôtre, ça n'est vraiment pas choisir la facilité. On est baigné dans un monde de récits apocalyptiques fictifs/sincères. Rester dans cette attitude est confortable et permet d'éviter de se faire taxer d'idéaliste à moindre coût.

Nous avions le choix entre plusieurs "prémisses" comme point de départ. J'ai choisi la prémisse "système" (la société "décentralisée, auto-suffisante, donnant à chacun le minimum nécessaire pour vivre)

mais il y en avait d'autres pas mal, genre "la nature devient agent de la société à part entière". Il fallait les exploiter, utiliser des exemples de propositions du passé, du présent, confronter ce que l'on souhaite pour l'avenir, et ce que l'on pense qu'il va réellement arriver

Partant de cette prémisse, j'ai décidé de m'intéresser à la question du transport et de l'infrastructure, en réfléchissant au rôle capital qu'il joue pour le capitalisme, tout en essayant d'esquisser un avant projet de ce que pourrait être les transports dans une société décentr.

Je me suis rendu compte assez vite que ce qui était intéressant n'était pas tellement la fin mais le moyen de parvenir à cette société, en développant un nouveau rapport à l'infrastructure sans faire abstraction que tout commence avec ce qui est à notre disposition ajd.

Moi et mes profs avons commencé à nous poser tout un tas de questions :
- Quel type de réseau construire, à quelle échelle ?
- Quelle variété en fonction des usages et des espaces ?
- Comment un réseau homogène interagit avec les conditions locales d'un territoire ?

- Comment le financer ?
- Comment développer un tel réseau en partant de celui qui existe ajd, avec la structure du territoire qui est la nôtre ?
- Un bon réseau est-il un réseau fréquent, régulier, massif ?
- Comment alimenter un réseau avec des sources d'énergie décentralisées?

- Quelle est la différence entre les réseaux très denses qui ont existé en Europe avant la seconde guerre mondiale et la proposition d'un réseau décentralisé post-capitaliste ?
- Comment construire et équiper un réseau avec des ressources non-mondialisées et "durables" ?

Évidemment avant de me poser ces questions j'avais déjà quelques idées et convictions. La première étant que ce transport serait collectif. La seconde étant qu'à différentes échelles/usage correspondent différents moyens de transport.

Je pense m'intéresser plus précisément au rail, pour plusieurs raisons :
- j'aime les trains
- je pense qu'il très nettement sous-utilisé
- il est très efficace énergétiquement
- il serait peu difficile à mettre en place et à viabiliser dans un monde post-automobile.

Bon jusqu'ici rien de révolutionnaire

Ça devient plus intéressant lorsqu'on réinterroge le train (ou toute forme de transport collectif sur voie dédiée) à partir des questions posées plus haut.

(désolé si le ton est très sérieux et surtout centré sur ce que je pense, je sais pas faire des threads rigolos ET ce thread est plus là pour tenter de communiquer des idées que pour les idées elles-mêmes)

Je pense qu'utiliser le train pour construire une société décentralisée (bon j'utilise pas communiste ou anarchiste mais vous pigez le délire) remet en cause une bonne partie de la façon dont il est utilisé ajd, je vais tenter de dire pk dans les tweets suivants

Le train est actuellement utilisé dans une forme de synergie ville - territoire relativement fonctionnaliste, majoritairement pour des trajets quotidiens dans le cadre du travail, vers un centre-ville donc.

Cette utilisation du train n'est donc absolument pas pertinente pour développer et faire fonctionner une société ou les richesses ne sont plus concentrées et où chacun à de quoi vivre.

Alors comment l'utiliser ? Peut être s'agit-il en premier lieu d'inverser son usage : Si on tente de redistribuer les richesses matérielles et culturelles depuis les villes où elles étaient concentrées vers les territoires, peut être peut on réorienter le transport dans ce but.

Parce que plot twist il ne suffit pas de donner le même salaire à tout le monde pour assurer l'égalité et la liberté de tous. Et comme on pourra pas abolir l'argent TDS on risque d'avoir affaire à cette question.

Quelle forme pourrait-donc prendre ce train "inversé" ? Est-ce juste un train qui part de la ville le matin et qui y rentre le soir, contrairement au train des territoires capitalistes ?

Rappelons que dans le futur que nous proposons, il n'est peut être pas nécessaire de transporter des millions de personnes puisque :
- il n'y a plus de salariat (a priori)
- pour des raisons écologiques on privilégiera l'activité locale
- on produira moins d'énergie

Je m'arrête sur ce troisième point. Produire de éolienne, solaire ou hydraulique sera nécessaire puisque les autres sources reposent sur des systèmes centralisés. plus efficaces énergétiquement si décentralisées, elles ont cependant :

- un cout en ressources important, y compris d'un pdv environnemental
- elles fonctionnent par intermittence (sauf hydraulique) et ne sont pas disponibles en tout lieu.

dès lors qu'on commence à envisager la construction d'une société décentralisée, on comprend vite ce que l'on ne pourra pas faire: un système de transports public massif, cadencé, régulé. L'intermittence et la faible energie produite par des sources décentralisées l'empêche.

Alors comment utiliser le peu de "sillons" à notre disposition? Chaque véhicule, chaque trajet devient précieux, nécessite intérêt et justification. Ça pose la question de ce que ce système doit réellement transporter.

Par ailleurs, on a toujours pas éclairé la façon dont ce système serait capable d'effacer, ou d'altérer le rapport entre ville et territoire. Comment avec le peu d'énergie qu'on aura, utiliser ces transports comme vecteurs de fédéralisation ?

Qu'y a-t-il dans la ville, qu'il n'y a pas dans les territoires, et qui constitue l'essence même du déséquilibre des rapports capitalistes ? L'argent ? Des gens ? des marchandises ? de la culture ? des événements ? des institutions ? des échanges ? (c'est pas ds quest° rhétoriq.)

Poser ces questions revient à remettre en cause l'usage fonctionnaliste des transports, en tout cas telle qu'elle a été élaborée pour le capitalisme...

...mais aussi à interroger des stratégies de décentralisation du type "Louvre-Lens", où l'on "exporte" le centre de façon "brute", en se disant que ce qu'il manque à la périphérie ou aux villes pauvres ce sont des institutions similaire à celle de la ville-centre.

Une stratégie qui marche à une certaine échelle, et je pense que bcp de lensois apprécient leur nouveau musée. Sauf que c'est un stade très léger de décentralisation.

On aura jamais de louvre à la campagne, et on ne pourra plus prendre la bagnole ni même le train (pour les raisons citées plus haut) dans le but de rejoindre une grande institution. Faut-il de grandes institutions ? Pas toujours mais je pense que parfois c'est nécessaire.

Ça m'amène à suggérer ceci : Pourrions nous envisager les transports comme des espaces mobiles, hôtes d'institutions fédéralisées ? Innerver le territoire de bibliothèques, salles de concert, restaurants éphémères, instituts, sociétés, partagés par les communautés chacun son tour

Qu'est-ce qu'un tel usage implique ? Je pense qu'il remet à plat la question de l'interface entre infrastructure et espace public, plus simplement : celle de la voie, et celle de la gare. Quels impact ont ces équipements ajd et comment les utiliser pour développer l'idée proposée

Je pense qu'en tant qu'étudiant architecte c'est l'espace du train et l'espace de la gare qui vont concentrer la majeur partie du taff.

Même si évidemment nous sommes poussés à travailler sur la question politique et programmatique.

Bon voilà je crois que c'est à peu près tout ce que je voulais dire. J'aime pas bcp les threads, en particulier les miens, je pense écrire un truc sur une page de blog quand tout ça sera plus structuré. Et je pense supprimer ceci dans quelques heures. Retours bienvenus ceci dit !

petite précision sur l'intérêt de l'institution mobile: pourquoi mettre des bibliothèques (exemple à la con) dans un train? Ça ne veut pas dire qu'il ne doit pas y en avoir en agglomération, mais la bibliothèque pourrait se spécialiser tout en demeurant accessible à tous (par ex)