Vous êtes vous rasés ce matin ? Ou arborez-vous une #barbe - négligée ou soigneusement entretenue 🧔 ? Au Moyen Âge, ces poils peuvent avoir une importance politique majeure... La preuve avec Richard Cœur de Lion. Un thread ⬇️ ! #histoire #medievaltwitter 
En 1191, Richard, roi d'Angleterre, conquiert l'île de Chypre pendant qu'il est en croisade. Pour soumettre les barons chypriotes, des grecs, le roi ordonne alors... qu'on leur rase la barbe
Pourquoi un tel geste ? Le roi Richard a très bien compris que la barbe était un marqueur identitaire. A cette époque, les Latins sont souvent glabres, alors que la barbe est associée à l'Orient – Byzantins, juifs, chrétiens d'Orient, musulmans sont barbus...
Le chroniqueur latin Guillaume de Tyr écrit ainsi que « les Orientaux laissent pousser leur barbe et en prennent grand soin. A leurs yeux, c'est une terrible offense d'enlever un seul poil de barbe à un homme... »
Richard sait donc que la barbe est, en Orient, un symbole d'honneur auquel on attache un grand prix. En faisant raser les barons grecs, il vise probablement d'abord à les humilier #hypersympa #merciRichard
Mais ce rasage forcé sert aussi à symboliser le passage de l'île sous la domination des Latins. Comme le dit explicitement un chroniqueur : « le roi fit raser leurs barbes, qu'ils avaient longues et touffues, pour montrer qu'ils avaient changé de seigneur »
Bref : il les force à devenir des seigneurs latins en les rasant. A peu près au même moment, le roi d'Arménie Lewon Ier cherche à obtenir l'alliance des Latins (et une couronne) : pour cela... il se rase. Quand on vous dit que la barbe est politique... !
Cela n'a rien de surprenant, car le Moyen Âge occidental fait du poil un marqueur de civilisation. Les Latins, à la suite des Romains, sont fiers d'être glabres, et considèrent au contraire que plus on est barbu, moins on est civilisé
Même si, comme souvent quand on parle de culture, rien n'est univoque ni simple, puisque la barbe est aussi un symbole de sagesse, attribuée notamment aux patriarches de l'Ancien Testament, ou à Charlemagne, l'empereur « à la barbe fleurie ».
Mais, le plus souvent, la barbe est négative. Dans les romans de chevalerie, le héros rencontre souvent un « homme sauvage », vivant dans la forêt, entièrement poilu, à mi-chemin entre l'homme et la bête. Le poil tire l'homme vers l'animal
Evidemment, ce reproche est symétrique : au XIIe siècle, l'émir syrien Usama ibn Munqidh critique les Francs qui se rasent la barbe mais ne s'épilent pas les jambes ou le pubis. Les poils, sur les joues ou...ailleurs, sont un symbole de culture et donc d'identité
Du coup, on peut penser que Richard Coeur de Lion, en forçant les seigneurs chypriotes à se raser, tient aussi un discours symbolique : grâce à sa conquête, l'île est civilisée, arrachée à la bestialité des Grecs. La peau lisse remplace les barbes touffues
Aujourd'hui comme hier, les poils ont ainsi un sens, et s'inscrivent toujours au carrefour de rapports de pouvoir (l'épilation féminine...) et d'identité (la barbe pour appartenir à la communauté des hipsters)
Et en même temps, il ne faut pas non plus exagérer. Pour symbolique qu'elle puisse être au Moyen Âge, la barbe reste alors, comme ajd, une question de choix individuel. On croise donc des Latins barbus et des grecs glabres (répétez ça dix fois très vite)
Et d'ailleurs les modes changent assez vite : probablement glabre durant sa jeunesse, Richard est représenté barbu sur son gisant. 70 ans après, les barbes sont re-passées de mode. Au début du XVIe siècle, elles redeviennent à la mode parmi les papes et les rois
La barbe médiévale, entre pouvoir et identité, entre mode et choix individuel, entre symbole et pratique : retrouvez notre article du jour ! Et, en attendant, pensez à Richard Cœur de Lion la prochaine que vous vous raserez 😉😋😘
actuelmoyenage.wordpress.com/2019/11/07/mai…
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