Chose promise, chose due. Vous avez votés, comme des votants, pour le manuel de "sabre" du XVe siècle. Donc en avant, pour un premier fil sur une épée sous-estimée de l'époque médiévale et pré-moderne, l'épée à un seul tranchant et demi.
J'avais déjà quelque peu mentionné ce type de pratique dans ce vieux fil, n'hésitez pas à le relire pour vous introduire à la question.
Parce que là, je vais rentrer un peu dans le détail.
Parce que là, je vais rentrer un peu dans le détail.
Parlons d'abord du type d'outils employés. Je parle de "sabre", ou de coutelas, mais on devrait parler, conformément aux sources françaises de l'époque, de braquet (mentionné dans le dictionnaire de M.-A. Michaux) ou de braquemart. 
Moins qu'un type d'armes, c'est une famille assez vague d'outils, possédant quelques caractéristiques assez invariables dans le temps. On peut grossièrement en distinguer deux types différents
Le premier type est constitué de lames moyennes et parfois longues, parfois un peu courbes sur le quart supérieur, aiguisées totalement d'un côté et seulement sur le tiers supérieur de l'autre côté. On peut appeler ça un "contre tranchant". Rouge ça coupe pas, Bleu ça coupe.
Les gens attentifs verront, sans aucun doute, ou pas, une forte ressemblance avec les sabres hongrois ou, dans une certaines mesure, les sabres polonais plus récents.
Le second type est doté de lames de mêmes tailles, mais quasiment toujours droites et toujours aiguisées d'un seul côté. En rouge ça coupe pas, en bleu ça coupe.
Les gens versés dans la métallurgie scandinave ancienne verront peut être des liens avec les épées à un seul tranchant qu'on trouve dans en Norvège et au Danemark.
A titre personnel, j'emploie de plus en plus le terme "coutelas", d'abord parce que j'aime ne rien faire comme tout le monde, et surtout parce que le terme employé dans les documents d'époque en langue allemande, c'est "messer"="couteau". Mais comme c'est gros, je dis coutelas.
Accessoirement, et je sais que je me répète, l'arme coupe. Beaucoup. Bien. Je vous mets un petit GIF assez graphique d'un test réalisé sur cible en gel balistique.
ATTENTION, vous pouvez être choqué par l'image. Je préviens amicalement. N'oubliez jamais que nous parlons d'armes
ATTENTION, vous pouvez être choqué par l'image. Je préviens amicalement. N'oubliez jamais que nous parlons d'armes
Donc, ne venez pas hurler :
Voici l'effet d'une arme blanche sur une SIMULATION de corps. C'est littéralement horrible.
Ne jouez JAMAIS avec une arme, on ne le dira jamais assez.
Voici l'effet d'une arme blanche sur une SIMULATION de corps. C'est littéralement horrible.
Ne jouez JAMAIS avec une arme, on ne le dira jamais assez.
Si on voulait dresser une typologie graphique des coutelas utilisés dans les manuels d'arts martiaux aux XVe et XVIe siècles, on aurait ce genre de tableau, dressé avec talent par Grzegorz Zabinski, Russell Mitchell et Falko Fritz en 2012. Que des types I.
Là encore, pour leur fabrication, je renvoie à ce petit fil sur l'épée "de saint pierre", montrant que les armes ne sont pas "en acier", mais en aciers composites. Pas des armes au rabais, donc, pour ce qu'on en sait.
Maintenant que vous avez une idée plus claire du type d'outils dont on parle, à savoir des gros couteaux un peu courbés avec un tranchant et demi, pesant autour du kilogramme (souvent un peu moins), parlons de l'utilisation de tout ça.
Je ne ferais pas de liste interminable de documents traitant du sujet du maniement de cette arme. Il suffira de dire que dès l'apparition des premiers manuels médiévaux dédiés aux arts martiaux, on parle de coutelas.
Parfois, ce sont de brefs conseils, des textes courts et succincts donnant des conseils généraux. Comme ici, dans le Ms.3227a de Nuremberg, que je date de la mi XVe siècle et dont je vous fait une traduction au débotté, parce que je ne suis pas un grand germaniste
Parfois on a droit à de jolis passages illustrés dans des manuels généralistes, avec des séries iconographiques + explicites qu’un texte abscons. Comme ici, dans le manuscrit coté Cgm 1507 à Munich.
Parfois, enfin, et c’est ce qui va m’intéresser aujourd’hui, il existe des manuels et des textes techniques intégralement dédiés à cette arme. Comme les Cgm.582 et le Cod 430, l’un à Munich, l’autre à Heidelberg.
Ces ouvrages sont reliés à un certain Johannes Leckuchner, un universitaire de la seconde moitiée du XVe siècle, prêtre de son état dans la paroisse d’Herzogenaurach en Bavière
Et quand je dis intégralement dédié, je pèse mes mots : le manuscrit de Munich fait 216 feuillets, soit presque 450 pages. Et compte 416 techniques uniques de combat au coutelas. C’est VRAIMENT énorme. 416 c'est marqué à la fin, ici.
Le texte Cod.430 rajoute même 23 techniques au texte du Cgm 582, ce qui porte le corpus du coutelas selon Johannes Leckuchner à 439 techniques.
A titre de comparaison, l’école traditionnelle japonaise de Iaijutsu Tamiya compte 49 katas. L’école Katori, qui remonte plus ou moins au XVe siècle, compte, pour toutes ses armes, 64 kata.
Ce n’est bien sûr PAS DU TOUT un concours du plus gros sac. Les deux modes de transmissions sont totalement différents. Mais cela permet de prendre une mesure : 439 techniques, c’est énorme. C’est même un peu trop énorme.
En fait, quand on décortique le texte de ces deux manuscrits allemands, on se rend compte de deux choses : d’abord, ils sont organisés, c’est-à-dire qu’il n’y a pas forcément une technique par page.
Souvent, les arts martiaux du Moyen Age sont des situations problématisées, avec une stratégie/technique, puis une contre stratégie et une contre/contre stratégie. Comme en dessous. D’où le volume.
Ensuite, ils ont été rédigés en plusieurs fois. Ce qui crée un foisonnement parfois artificiel et surtout, surtout, du CHAOS.
Petite explication : au début des manuscrits, tout va bien : chapitres numérotés, ordre logique qui respecte l’introduction. On est clairement dans un projet de mise par écrit organisée d’un savoir.
Ainsi les 6 premiers chapitres sont dédiés à 6 frappes types. Le 7 aux gardes. Le 8 aux parades. Le 9 à la poursuite, le 10 à l’usage de la force.
Et puis ça part en sucette
A partir de là, plus de numérotation, c’est au lecteur de se démerder. Le 11 parle de nouveau d’un mode de parade, le 12 au dégagement de lame, le 13 au regroupement du corps sur lui-même. Le 14 sur le corps à corps.
Et puis le chaos s’installe de plus en plus. Le ch.15 cause de quatre types d’attaques différentes, le 16 des frappes aux mains, en faisant des rappels sur le 15. LE 17 sur la fuite du corps, le 18 de nvx sur les gardes.
Le 19 de retour sur la force, le 20 introduit une notion de garde/manœuvre qui déboule comme ça, sans introduction.
Le chapitre 21 gagne la palme du plus gros bordel avec plus de 100 techniques de désarmement.
Je répète
UNE CENTAINE DE TECHNIQUES DE DÉSARMEMENT.
Je répète
UNE CENTAINE DE TECHNIQUES DE DÉSARMEMENT.
Le chapitre 22 est retour au chapitre 18 (WTF) en plus compliqué. Et enfin, le 23 cause des enveloppements de lame.
C’est un merdier sans nom, d’une richesse technique rare, mais d’une complexité de lecture et d’indexation à vous donner la migraine.
J’ai essayé de proposer en 8 ans une tentative de reconstruction de l’ordre, et franchement, j’ai des trous énormes dans ma proposition.
J’ai essayé de proposer en 8 ans une tentative de reconstruction de l’ordre, et franchement, j’ai des trous énormes dans ma proposition.
Si vous voulez essayer, n'hésitez pas, j'ai récemment posé, en amateur, une traduction du manuscrit de Munich.
lecarousseldesamhe.files.wordpress.com/2019/10/transc…
lecarousseldesamhe.files.wordpress.com/2019/10/transc…
Bref, c'était le plus gros manuel d'arts martiaux dédié à une seule et unique arme.
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