[THREAD] Choses vues et entendues à Milipol, le showroom sécuritaire qui se tient tous les deux ans à Villepinte, où je suis encore parti traquer les marchands de surveillance au milieu d'agents borgnes du Mossad et de flics en civil 👇
Evidemment, je commence ma déambulation par une visite aux vieilles connaissances hexagonales. Amesys, devenu Nexa, toujours visé par deux enquêtes judiciaires pour ses activités en Libye puis en Egypte, expose désormais sous le nom... d'Intellexa. Faut suivre.
"Cerebro (le produit-phare que j'évoquais ici : telerama.fr/monde/amesys-l…) n'intéresse plus personne", m'explique une source. Trop cher. Aujourd'hui, ce qui tape dans l'oeil des acheteurs potentiels, c'est ce van à 5M€ capable d'infecter un téléphone à 500m de distance. 
Commercialisé par Wispear, une entreprise chypriote fondée par un ancien de Tsahal et désormais partenaire de Nexa, c'est un peu le Rafale de Milipol : on en vend un par-ci, un par-là, à Singapour ou à l'Indonésie. "Les Français en rêvent", me dit encore ma source.
Direction le stand d'Ercom, dont j'avais dévoilé les affaires en cours avec le maréchal Sissi (telerama.fr/monde/on-a-enc…). Ou plutôt celui de Thales, qui a racheté l'entreprise début 2019. La justice ne ne s'est jamais intéressée au business égyptien de cette protégée de la DGSE.
Au passage, alors que je n'ai rien demandé, une caméra détecte automatiquement mon visage et l'affiche sur un écran. "Toutes les photos et vidéos seront effacées à la fin du salon", promet un panneau. Comment m'en assurer ?
Quelques dizaines de mètres plus loin, je tombe finalement sur Suneris, la très discrète filiale d'Ercom (et donc de Thales) chargée d'écouler les systèmes d'écoute auprès de régimes autoritaires. Cachée sous quelques feuillages artificiels, elle n'a rien à déclarer. Next.
J'arrive chez NSO, ce marchand d'armes numériques israélien, soupçonné d'avoir infecté 1400 journalistes, activistes et politiciens dans 20 pays grâce à son logiciel-espion Pegasus, et poursuivi par WhatsApp (pour le récap, voir mon interminable thread : )
Il y a deux ans, Q Technologies (un autre nom de NSO) était le seul stand du salon caché par 4 cloisons. J'avais demandé ce qu'ils vendaient. "Des trucs", m'avait-on rétorqué. Cette année, j'ai reposé la question, et on m'a répondu : "du cyber". Les progrès sont éblouissants.
"A cause de la nature de nos produits, nous ne pouvons pas les exposer, et nous ne recevons que sur RDV", finit par lâcher un démonstrateur. Seule certitude : c'est un business juteux. NSO, qui vend ses infections par 10 ou par 100, fait 250M€ de CA. Et 50M€ de bénefice.
D'autres entreprises, toute israéliennes, occupent également ce créneau, mais NSO y règne en maître. C'est un marché d'avenir : à Milipol, 3 ou 4 services de renseignement occidentaux sont venus prendre des renseignements sur ces redoutables armes offensives.
On continue : vous vous souvenez de Cellebrite, cette entreprise israélienne (encore) qui avait fini par aider le FBI lorsque Apple refusait de déverrouiller l'iPhone du tueur de San Bernardino (cf. forbes.com/sites/thomasbr…) ? Et bien ils équipent désormais la police française.
Accessible à n'importe quel officier de police judiciaire (la formation dure un jour), ce kiosque permet d'accéder aux photos, aux appels, aux mails, aux SMS et aux données de géolocalisation d'un téléphone, mais aussi à certains messages privés échangés sur les réseaux sociaux.
Pour l'instant, le système, déployé en test dans le Nord, a été utilisé pour éplucher les téléphones de passeurs de Coquelles, à l'entrée du tunnel sous la Manche. S'il est efficace, il sera ensuite installé à la préfecture de police de Paris.
Grosse tendance cette année : la safe city pilotée par ordinateur. Lors d'une conférence sur le sujet, un ponte de Thales donne le ton : "Aujourd'hui, 50% de la population vit en ville, 75% en 2050. L'insécurité va augmenter". Une bonne raison pour installer des capteurs partout.
J'aurai l'occasion de revenir plus longuement sur ce sujet, ainsi que sur celui, voisin, de la reconnaissance faciale. En attendant, rompez.
Un dernier addendum concernant Milipol : en 2017, un stand chinois avait été fermé parce qu’il exposait du matériel de torture liberation.fr/france/2017/11…
En revanche, aucun problème pour les entreprises dont les outils peuvent mener des opposants en prison citizenlab.ca/2016/08/millio…
En revanche, aucun problème pour les entreprises dont les outils peuvent mener des opposants en prison citizenlab.ca/2016/08/millio…
