Thread by @nourrirlemonde

#Pesticides
Malgré les discours et affirmations solennelles de nombreux agriculteurs, l'utilisation de pesticides a encore augmenté de 24% en 2018 en France.
C'est un résultat préoccupant sur le fond, et pour l'hypocrisie qu'il révèle de la part de la FNSEA.
Un thread.
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En 2008, le "Grenelle de l'environnement" a lancé un plan de réduction de 50% des pesticides agricoles en France sur 10 ans, le plan Écophyto. Non seulement il s'inscrit dans la co-gestion institutionnelle de l'agriculture française entre le ministère de l'agriculture et /
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... la FNSEA (syndicat majoritaire, qui co-décide des politiques agricoles au CSO, dans les bureaux du ministre et dans les Chambres d'Agriculture... puis qui les critique avec démagogie et hypocrisie quand les paysan·ne·s râlent), mais en outre il est fondamentalement /
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... basé sur la "bonne volonté" et la confiance totale dans les initiatives paysannes. Écophyto est totalement et profondément basé sur le dogme selon lequel les agriculteurs sont victimes et gentils, selon lequel toute contrainte est malveillante et néfaste, et selon /
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... lequel seule la bonne volonté des agriculteurs est susceptible de permettre des changements. Il mythifie l'agriculteur bienveillant et altruiste, il rejette toute idée de contrainte sociale collective pour le bien commun (oui, ça dégouline le néolibéralisme dogmatique).
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En parallèle, la FNSEA communique depuis 10 ans sur les "efforts formidables" réalisés par les agriculteurs, et (oh, comme c'est étonnant !) toutes les figures de ce syndicat et de ses nombreuses annexes (JA, partisans du "sans-labour", coopératives, etc.) ne cessent de /
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... marteler "les agriculteurs ont réalisé d'énormes progrès ces dernières années", "ils optimisent et donc réduisent fortement l'utilisation des pesticides", "chez moi j'ai réduit énormément depuis 10 ans" (en général avec le bon vieux corolaire : "OK autrefois on a fait /
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... des erreurs mais maintenant on fait bien plus attention"), etc.
Nous avons pu constater, hélas, que ces déclarations ont fait mouche : la majorité des journalistes sont convaincus que "les agriculteurs utilisent bcp moins de pesticides maintenant", qu'ils "font des /
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... efforts", que "les environnementalistes exagèrent". C'est puissant, c'est profond : la propagande a pénétré même des journalistes de bonne foi. Les médias en sont *convaincus*, et celleux qui contestent ce discours sont présenté·e·s comme des ultra.
[Énorme soupir]
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Je suis fils de paysan. J'ai été conseiller agricole en Chambre d'Agriculture. J'ai participé à des concertations nationales avec les syndicats dans les bureaux du ministère de l'agriculture ou de Bruxelles. Je connais très bien ce que ces discours signifient : de la comm.
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Depuis des décennies, la FNSEA instrumentalise le "complexe citadin" des politiciens, des écolos et des journalistes, via deux méthodes :
- la main sur le coeur (avec référence au "dur travail paysan"),
- l'intimidation (discours technique et grosse voix).
Mais quand on /
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... vient "du sérail" comme moi, ça ne marche pas. Je ne suis pas dupe, je ne me laisse pas intimider. Je n'ai pas attendu les dernières données pour expliquer que ces déclarations étaient fumeuses et que la réalité du terrain est un usage toujours massif des pesticides.
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Aujourd'hui, aucun des "agriculteurs de Twitter" (dont la plupart ne sont pas agriculteurs mais salariés de l'agro-industrie, d'ailleurs) ne peut décemment me contredire. Leur propagande vient de s'effondrer. Ce sont des menteurs. Oui, des menteurs, éhontés.
La réalité, /
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... elle vient d'éclater clairement :
- le premier plan Écophyto (réduction de 50% avant 2018) s'est révélé un échec, mais "oh là là c'est juste que c'était mal calibré, on va recadrer tout ça et ça va marcher" ;
- le 2e plan Écophyto (25% de réduction avant 2020 puis /
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... 50% en 2025) ne marche pas (stagnation depuis 2008 et même légère augmentation) ;
- l'année 2018 marque une explosion à la hausse (+24%).

Mes followers journalistes ont sans doute déjà entendu des agriculteurs affirmer que les *volumes* de ventes de pesticides ont /
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... baissé. Attention entourloupe ! Les produits sont de plus en plus rémanents (longue durée de vie) et ont une efficacité (donc toxicité !) à plus faible dose. Que les volumes baissent n'est qu'un ajustement mécanique à cette évolution, qui ne signifie *absolument pas* /
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... que l'usage et l'impact environnemental baisserait ! Le seul indicateur qui ait un sens ici est le NODU, c'est-à-dire le nombre de doses-utiles (certaines en volume plus faible... et alors ?). C'est l'indicateur principal d'Écophyto (heureusement), et il est /
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... sans appel : 24% d'augmentation en 2018, 25% d'augmentation depuis 2008 (donc aucune baisse entre 2008 et 2018... là où 50% de baisse était prévue).
Ah, c'est vrai, je rencontre souvent des agriculteurs qui m'affirment que "eux et leurs voisins" ont nettement baissé /
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... leur usage des pesticides. Comme je leur répond toujours, je ne demande qu'à les croire... mais alors tous les autres agriculteurs doivent être vraiment affreux, puisqu'ils augmentent encore plus (au point de compenser en négatif les efforts de ceux que je croise).
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Quand un agriculteur affirme que lui et ses connaissances utilisent moins de pesticides, il diffame tous les autres agriculteurs (par définition... car il faut bien que la hausse vienne de quelque part). Comme *tous* les agriculteurs conventionnels que je rencontre /
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... l'affirment systématiquement, il faut croire que j'ai la chance de ne rencontrer que la fleur des agriculteurs les plus vertueux de France...
Blague à part, ces discours de la FNSEA et de ses cadres sont exactement l'équivalent en matière d'agriculture de ce que sont /
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... les discours des polémistes réactionnaires en matière de sciences sociales. D'un côté, nous avons des "cas particuliers" de type micro-trottoir idéologiquement orienté, de l'autre des statistiques générales irréfutables : + 24% d'usage des pesticides en 2018.
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Quoi qu'il en soit, l'édifice propagandiste construit depuis 10 ans par la FNSEA s'effondre : les déclarations vertueuses et la "confiance aveugle dans la vertu formidable des agriculteurs pour changer par magie" sont de la foutaise. Il faut en tirer les conséquences.
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1) Il faut réellement accompagner les paysan·ne·s dans les changements de pratiques qui leur sont demandés. Le système leur impose ces pratiques pour dégager un revenu, ils ne peuvent donc pas changer "par magie" toutes choses égales par ailleurs ! Les pouvoirs publics /
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... (et les citoyen·ne·s) doivent changer le cadre : Politique Agricole Commune, assiette des prélèvements sociaux (qui actuellement pénalise l'emploi et encourage le recours au pétrole et à la chimie, aides aux investissements écologiques, etc.
2) Mais ces aides doivent /
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... être conditionnées à un vrai changement profond, *imposé* par étapes. C'est une nécessité vitale (climat, effondrement de la biodiversité, santé), non-négociable.
3) La co-gestion par la FNSEA est la pire sclérose de l'agriculture française, elle doit être stoppée.
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Pour finir sur une note positive... bien qu'encore très hypothétique : jusqu'ici, le discours des gouvernements successifs était de dire (poussés par la FNSEA) : "on va améliorer le dispositif". Pour une fois, une ministre (de l'écologie, pas celui de l'agriculture) dit /
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... tout haut que l'échec est patent et qu'il faut tout changer de fond en comble. Je dirai donc : "Chiche !, madame la ministre. Nous sommes disponibles pour vous aider à élaborer une autre politique. Vite."
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https://twitter.com/Elisabeth_Borne/status/1214619086681989120

Addendum :
Il faut préciser que le NODU mesure les *ventes* de pesticides, et non pas leur utilisation finale. L'utilisation est impossible à mesurer, et n'est "estimée" que par des mesures indirectes et partielles, qui permettent aux propagandistes d'affirmer ce qu'ils /
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... veulent. Mais la vente des pesticides est soumise à déclaration obligatoire, ce qui permet de disposer de données indiscutables (ce qui est rare en matière agricole, surtout d'agro-industrie). Le NODU 2018 mesure donc 1 augmentation de 24% de la vente de pesticides, /
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... ce qui inclut le fait de stocker des produits en vue de leur prochaine interdiction. Cette explication (stockage) dérange aussi la FNSEA et le ministère, car elle invalide catégoriquement leur mythe néolibéral délirant du prétendu "acteur économique (agriculteur ici) /
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... qui régulerait ses pratiques par vertu magique sans besoin de règles collectives". En 2018, les agriculteurs ont donc stocké des produits, notamment du glyphosate, en prévision de leur interdiction : pas de quoi se vanter, bien au contraire !
Quoi qu'il en soit, il y /
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... aura donc forcément une petite baisse du NODU en 2020 (sans doute pas en 2019 où le stockage cynique a continué). C'est pourquoi, outre cet "effet stockage cynique" visible sur 2018, il faut surtout regarder les données glissantes sur 10 ans (car les produits stockés /
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... finissent forcément par être utilisés vu leur prix, ils finiront forcément par se retrouver dans l'environnement). Donc : "produit acheté" = "produit qui sera forcément balancé dans les champs", et "évolution sur 10 ans = +25%" donc utilisation en hausse indiscutable.
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[Et merci à @Re_Mi_La de m'avoir incité à ajouter cet addendum, car dans le feu de l'action j'avais repris la formule (de la majo des médias) "augmentation de l'utilisation" alors que je ne cesse habituellement de rappeler que l'on mesure les *ventes*, et ça devait être précisé]