Thread by @GlmMrt

La goélette en arrière plan consomme environ 60 tonnes de fioul par jour soit 215 tCO2e/jour (sans compter les impacts sur la qualité de l'air).

On nous propose une transition énergétique à base de GNL. Est-ce compatible avec un objectif de neutralité carbone ? Thread ⤵️

Quelques mots sur le fioul actuellement utilisé. A 3,6 kgCO2/kg de combustible, on atteint environ 215 tCO2e/jour soit le budget carbone de 215 français sur une année en 2050 si on veut atteindre la neutralité carbone.

Budget carbone par français = 1 tCO2e/an (Source SNBC)

Admettons que vous viviez à l'année sur un tel bateau qui peut accueillir 5000 passagers.

Cet exemple n'a pas de sens dans la mesure où ces bateaux sont surtout occupés par rotation de nombreux passagers sur l'année mais ce détail ne change pas le raisonnement qui va suivre.

Le budget carbone du bateau serait de 5000p x 1 tCO2/p/j = 5 000 tCO2e.

A l'année, le bilan carbone du bateau est égal à 215 tCO2/j x 365 j = 73 000 tCO2e.

Le budget CO2 d'une croisière est 15 fois plus élevé que celui de ses passagers dans un scénario de neutralité carbone.

En comptant uniquement le carburant du navire. Il faudrait compter en plus sa fabrication, la nourriture, le fonctionnement des infrastructures à terre qui vous permettent de vous la couler douce en Mer... etc.

Bilan : La croisière n'est pas compatible avec la neutralité carbone

Dans un scénario de neutralité carbone, cette activité de méga croisière ne peut exister que dans un scénario avec des égalités monstrueuses où certains peuvent se permettre de polluer 15 fois plus que d'autres. Il faut mesurer les conséquences sociales d'une telle société.

Et avec le GNL ? Car c'est la promesse de tous les croisiéristes : "Nous sommes en train de changer grâce au GNL!".

Voyons ce que ça change avec quelques nouveaux ordres de grandeurs. Spoilers : pas grand chose sans remettre en question le principe même de ces méga croisières.

L'avantage du GNL c'est son contenu énergétique supérieur de 15% par rapport au fioul :
Fioul : 1 tonne = 12 MWh
GNL : 1 tonne = 14 MWh

Donc avec le GNL on peut faire des bateaux un peu plus légers ou faire des distances plus importantes entre 2 pleins.

Et ça c'est bien d'un point de vue énergétique ! Les facteurs déterminants de la consommation d'énergie d'un bateau sont sa masse et sa vitesse. Un bateau plus léger a en théorie besoin d'un peu moins de carburant pour parcourir la même distance.

Première interrogation, verra t-on une baisse la consommation d'énergie des bateaux ou un effet rebond. Au choix :
moins de pleins = un bateau aussi lourd = consommation totale qui ne baisse pas
Un plein plus gros = on peut aller plus vite = consommation totale qui ne baisse pas

Regardons maintenant ce que ça change sur les émissions. A énergie constante il produit 5% de gaz à effet de serre de moins : 3,5 kgCO2/kg contre 3,65 kgCO2/kg pour le fioul.

A consommation constante, notre super-paquebot au GNL consommerait 180 tCO2/jour.

Soit 65 700 tCO2/an par an.
Soit 13 fois plus que le budget carbone de ses passagers dans un scénario de neutralité carbone socialement juste.

Admettons que sans effets rebonds sur la consommation et grâce à d'éventuels progrès en termes d'efficacité énergétique, on parvienne à faire baisser le bilan carbone de la croisière de 30% (ça serait déjà énorme).

On arrive à environ 50 000 tCO2/an.
Soit 10 fois plus que le budget carbone de ses passagers dans un scénario de neutralité carbone socialement juste.

Conclusion : La neutralité carbone et la justice sociale nous imposent de revoir l’existence même de ces super-paquebots. Il nous faut nous questionner notre rapport au temps, à la vitesse et au gigantisme. Ce n'est pas la fin des croisières pour autant.

Des croisières longues (sur plusieurs mois voire des années !) restent tout à fait envisageables. A la voile, sur de plus petits navires qui parcourent de plus petites distances chaque jour.

Dès lors c'est notre modèle du travail et des vacances qu'il faut aussi interroger. Quels modes d'organisation permettraient de libérer un salarié pendant 1 an pour un tour du monde à la voile ?

FIN.