Thread by @TristanKamin

Je viens de finir. J'ai un peu mal. Mais au moins ça me sort la tête des polémiques virales, si j'ose dire.

https://twitter.com/lolorenzolamas/status/1246126884217409536

#thread @EspritSorcier 🤒

Je ne vais pas vous faire le résumé de la vidéo, allez quand même la voir avant tout.



Moi je vais vous lister, dans l'ordre, 10 gros problèmes que j'ai relevés, et 3 trucs qu'on pourra qualifier de « détail ».

1. Il y a une « variabilisation » du vocabulaire.
J'entends par là que « énergie intermittente », aujourd'hui, tout le monde comprend, sait qu'on parle sous ce nom de l'éolien et du solaire (et d'autres éventuellement, mais surtout ces deux-là).

L'Esprit Sorcier essaye un peu de forcer l'usage de « variable » à la place.
Mais, non en fait. Tous les moyens de production sont variables, à plus ou moins grande échelle, vitesse, à la demande ou non, mais tous sont variables.

Alors si vous avez un problème avec le terme « intermittent », ce que je peux comprendre concernant l'éolien (il est tout à fait valable pour le solaire par contre, déconnons pas), le terme technique c'est « fatal ». Moyens de production fatals.

C'est pas vendeur, hein ? Alors restons-en à intermittent ? C'est quand même très proche de la réalité et tout le monde comprend de quoi on parle.

2. Il n'y aurait pas besoin de centrale à gaz supplémentaires si on développe l'éolien/solaire, rapport de RTE à l'appui.
Alors oui... Mais sous une condition soigneusement tue.

Le rapport de RTE en question nous projette à 2025. À une centrale alsacienne près, on est sur un parc nucléaire inchangé. Alors oui, on peut développer le solaire et l'éolien sans trop de gaz supplémentaire, si on touche pas au nucléaire.

Quand on dit, sur les RS, que « + d'éolien c'est + de gaz », c'est en considérant qu'on utilise l'éolien (et donc le gaz) pour remplacer autre chose. Du charbon (c'est cool), ou du nucléaire (en France ou en Allemagne). Et c'est ça, le problème.

3. Les parcs éoliens ne seraient jamais tous à l'arrêt en même temps.

Si. Suffit de regarder les courbes de production, on arrive fréquemment en France, je dirais 2 fois par mois en moyenne, à l'estime, à avoir une production éolienne quasiment nulle.

Alors oui, même à 0,5% de facteur de charge, les parcs éoliens ne sont pas TOUS à l'arrêt, y'a vraisemblablement quelque part 50 éoliennes qui tournent encore mollement... Mais en pratique, si, ça signifie bien que le vent est complètement tombé à peu près partout.

Foisonnement?

Non. Le foisonnement, à l'échelle national, c'est un mythe. Et à l'échelle internationale, c'est... Une légende ? Disons qu'il y a un fond de vérité, la production éolienne n'est pas lissée, loin de là, mais est quand même très très rarement à moins de 10% de sa capacité 🇪🇺.

4. « Il est rare que l'ensemble du territoire soit privé de soleil »

No comment.

5. L'éolien et le solaire seraient complémentaires

Oui, c'est vrai, comme expliqué dans la vidéo, à l'échelle inter-saisonnière. C'est à dire que la production solaire est surtout l'été, et la production éolienne surtout l'hiver.

Par contre, le début de la vidéo expliquait que l'équilibre production-consommation devait être assuré À CHAQUE INSTANT.
Ça nous fait une belle jambe, la complémentarité été/hiver, pour équilibrer le réseau le 03/04/2020 à 21:07:07.

« Ça nous fait donc un approvisionnement constant toute l'année », c'est une conclusion mensongère, qui conclut à une constance en... Omettant les variations intra-saisonnières voire intra-journalières. Oups.

Conclusion partielle.

Tout le premier tiers de la vidéo, en gros, sert à expliquer que l'intermittence n'est pas un problème, que les choses se résolvent par elles-mêmes.

Puis on attaque la partie sur le stockage pour résoudre le problème d'intermittence. Qui n'existe pas.

Mon impression, c'est que @EspritSorcier fait un grand écart entre, d'une part, le cahier des charges de leur sponsor @ekWateur qui demande à servir ces éléments de langage sur l'absence de problème de l'intermittence.

Et, d'autre part, la volonté de très bons vulgarisateurs de parler des moyens de stockage, pleins de promesses et de technique intéressante !

Les moyens de stockage.

Je ne l'inclus pas dans mon top 10 parce que je pense que c'est plutôt un problème d'écriture ou montage que d'information.
Après avoir expliqué les STEP, @EspritSorcier explique que les STEP françaises ../..

../.. cumulent « l'équivalent en puissance de 4,2 GW.
- Mais c'est quoi un gigowatt ? », répond Marty.

« et bien c'est la capacité de production de 4 réacteurs nucléaires ou 2000 éoliennes ! » répond Fred.

Du coup, c'pas clair... 4 réacteurs nucléaires, c'est 1 gigAwatt ?
Ou c'est pour les 4,2 GW ?

C'est cette seconde option la bonne.

6. « On peut très bien imaginer coupler une STEP à un parc éolien. »

Alors oui... Mais pas les STEP existantes. Elles sont déjà bien utilisées, donc le service qu'elles rendraient d'un côté (à l'éolien), elles ne le rendraient plus de l'autre !

Faire des centrales hydro-éoliennes, OK donc, mais à condition de construire de nouvelles STEP pour ça... Où ? À quel prix ? Sous quelles conditions ? C'est loin d'être simple !

Après les STEP, on passe aux batteries. J'aurais intercalé le stockage de gaz comprimé, 2è moyen de stockage dans le monde loin derrière les STEP. Mais c'est un choix d'auteur, donc -> détail.

7. En illustration est donné le parc de batteries de Hornsdale. Les fameuses batteries de Tesla, en Australie, vraie prouesse technique et industrielle (le délai de réalisation de fou qui a été respecté).

Les batteries de Hornsdale, c'est 100 MW, 30 000 foyers selon la vidéo.
Ok, mais ça représente quelle quantité d'énergie ?
30 000 foyers pendant combien de temps ? De quoi tenir le passage d'un anticyclone ? D'une nuit ? D'une heure ?

Pas un détail, ça !

8. Même chose pour la batterie, en France, d'Azur. 6 MW de puissance, mais quid de la capacité en énergie ?
Le silence sur ce point serait-il lié à une capacité dérisoire ?
Laquelle serait elle-même la conséquence de la fonction de cette batterie ../..

../.. qui n'est pas de stocker en quantité, mais de faire de la régulation de fréquence par sa très haute vélocité ? Peut-être bien ! Mais alors, et si c'était aussi le rôle de la batterie australienne ? Au moins en (grosse) partie ?

9. Vient le stockage par hydrogène, avec une illustration d'une petite maison, couverte de panneaux solaires (j'ai l'air malin dans mon appartement), avec son électrolyseur dans le jardin (un jardin ? Keske?) et sa bonbonne d'hydrogène à côté.

Et est vendue la capacité de l'hydrogène à se stocker d'une saison à une autre, notamment à être produit l'été, et consommé l'hiver.
Sauf qu'une quantité d'hydrogène correspondant à plusieurs semaines de consommation d'électricité en hiver, c'est pas rien !

On va vite côtoyer le classement en ICPE du jardin, là : on parle d'une grosse quantité d'un gaz sous haute pression, très volatil, inflammable, explosif.

Alors le stocker dans des grandes cavernes sous la montagne comme on stocke aujourd'hui le gaz naturel, ou même dans les gazoducs de GRDF, je veux bien qu'on en parle.
Mais stocker des grosses quantités d'H2 dans le jardin, euuuuuh... C'est vendeur si on ne pense pas aux risques.

10. Une conclusion bienveillante sur « le meilleur moyen d'éviter de faire sauter le réseau » : en éteignant nos appareils électriques quand on ne s'en sert pas !

Eh bien... Pas vraiment. Éviter de gâcher, c'est toujours bon à prendre, hein !

Mais pour vraiment préserver le réseau, c'est pas particulièrement quand on n'en a pas l'usage (creux de consommation) qu'il faut éteindre nos appareils.
Mais avant tout lors des pics. Juste au moment où on en a le plus besoin.

Le chauffage en rentrant du travail, les plaques de cuisson à 19h, les fers à lisser/friser et sèche-cheveux à 8h30, la machine à café ou le toaster à 8h... Bref, nos petits conforts qu'on pratique tous - et qui font les pics de consommation dangereux pour le réseau.

Une telle vidéo sur le site de @ademe, ça m'aurait énervé mais pas attristé, car je n'en n'attends plus rien. Idem pour les sites de l'éducation nationale.

Mais là... C'était gênant. Fort gênant.