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3ème droite @3emeDroite
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[Thread 15] Comment c’est la fin.
Le message était en français en fait ! Mais lu par une voix synthétique avec un mode de déchiffrage allemand :

“Attention. Elle ne vit plus au premier étage. Elle vit au troisième droite.”
Je ne pouvais pas savoir que c’était Mia! Elle était cachée derrière la porte. Et surtout ! On aurait dit une vieille je vous jure !
Mr K m’a dit qu’elle était malade et que quand ces gens sont malades ou mal nourris je sais pas…ils finissent salement.

Mais là, elle a pris super cher quand même !
Mais le pire, c’est que je lui ai tout dit. Sur le plan. Sur les couches. Sur Mr K.

J’ai tout fait foirer.
Quant à la personne qui m’a envoyé le message, elle a utilisé un procédé bien compliqué ce qui montre une totale parano.

Ou une peur justifiée d’être espionnée de partout.
Du coup, je pense savoir qui c’est. Mais je préfère ne pas le dire.

Pour sa sécurité.
L’Inspecteur Équerre m’a rappelé quelques jours après.

« On a retrouvé les couches dans des poubelles en face de l’immeuble. Mia nous a grillé. »
Je lui explique comment j’ai merdé mais que tout partait d’un bon sentiment.

Lui: L’Enfer est pavé de bons sentiments.
Moi: C’est physiquement impossible.
Lui : Vous ne comprenez pas comment ça marche. On ne peut pas sauver une personne à la fois. Sinon on l’aurait fait avant. Pour vous.
Moi : Heu...Ok…Sympa...
Lui : C’est un réseau. Si on veut les atteindre, il faut remonter en haut. Sinon on ne fait que montrer qu’on est sur leur trace. Et c’est EXACTEMENT ce que vous venez de faire.
Moi : Je suis désolé. Encore une fois. Mais qu’est-ce que vous allez faire du coup ?

Lui : Nous ? Rien. Et vous non plus d’ailleurs !
Moi : Je crois que j’ai mis en danger Mr K.
Lui : Complètement oui.
Moi : On doit faire quelque chose. Pour lui. Non ?
Lui : Non.
Lui : Les suiveurs sont comme des junkies. On ne peut pas leur faire confiance. Surtout à quelqu’un comme Mr K. Il est relié à son Supérieur depuis trop longtemps.
« Il n’y a pas de remède pour ce qu’ils ont. Ils sont condamnés à être des esclaves. La meilleure chose qui peut leur arriver, c’est de mourir. »
J’essaie de contenir ma colère.

Moi : J’ai pas l’impression que vous servez à grand chose en fait.
Lui : Nos activités sont nombreuses et si vous n’entendez pas parler de nous, c’est qu’on fait bien notre boulot.
Moi : C’est pratique.
Lui : C’est comme ça.
Moi : Vous arrêtez pas de dire « nous ». Mais c’est qui « nous » ?

Lui : Moi et mes collègues.

Moi : Je n’ai vu que vous.

Lui : Et vous ne verrez pas les autres.
Moi : Si je vais au poste de police et que je demande à vous voir, est-ce qu’ils sauront de qui je parle ?

Il y a un silence. Puis.

Lui : Non.
Moi : Pourquoi ?
Lui : Parce qu’ils sont formés pour ne pas révéler que je travaille avec eux.
Moi : C’est pratique.
Lui : C’est comme ça.
Moi: Ok et à quoi il sert le bonnet ? Celui que j’ai dû mettre dans votre caisse.

Lui: Si vous n’avez pas compris le bonnet, c’est que vous n’avez rien compris.
Je commence à en avoir marre de lui. Et il commence à en avoir marre de moi.

Il est temps de rompre.
Mais je veux avoir le dernier mot. Question d’honneur.

Moi : Est-ce qu’on s’est tout dit ?
Lui : Oui.

Je vais pour raccrocher...
Moi : J’espère ne plus avoir affaire à vous.
Lui : C’est dans votre intérêt.

Et il raccroche en premier le bâtard !
Les jours suivants, j’envoie des messages à Mr K.

Sans réponse.
J’ai du mal à dormir la nuit. Je me sens tellement coupable. J’hésite à retourner dans l’immeuble. Une dernière fois.

Une vraie dernière fois.
Mais Cisco me le déconseille. « Si tu y retournes encore, tu ne reviendras pas. »

Et Cisco a souvent raison. Alors je l’écoute. Pour une fois.
Du coup, je me retrouve comme un con. Frustré de voir toute cette histoire finir comme ça.

Ça aurait pu être pire…mais ça aurait dû être mieux.

Ce sera mon épitaphe.
Et puis le divorce de mes parents n’aide pas à me faire sentir mieux. Ma mère paraît de plus en plus détachée de tout et mon père de plus en plus con.
Il veut même que je vienne dîner un soir avec lui et sa nouvelle copine. (Oui, celle que j’ai insultée par erreur.)
On dirait une blague. Sauf que les blagues de mon père sont souvent sexistes et occasionnellement racistes.

Mon père, c’est OSS 117 mais sans l’excuse de vivre dans les années 50.
Lui : Tu dois rattraper ce que tu as fait. C’est ça être un homme.

J’ai envie de lui dire qu’être un homme c’est aussi rester auprès de sa femme.
Sauf que là, mon père me sort la phrase la plus perturbante que j’ai jamais entendu de sa bouche. Et Dieu sait qu’il en a sorti des saloperies.

Lui : «  Je suis amoureux. »
Moi : Est-ce qu’au moins tu sais de quoi tu parles ?
Mon père : Je sais toujours de quoi je parle. Sinon je ne parle pas.
Moi : C’est pas parce que tu couches avec une fille plus jeune que c’est de l’amour.
Mon père : Justement. Je n’ai pas couché avec elle alors je sais que c’est vraiment de l’amour.

Une logique approximative.
J’accepte de venir au dîner. Comme un homme. Ou comme un gars qui en a marre de discuter avec son père.

Mais avant, je dois régler quelque chose d’important.
J’appelle Aude.
Je m’attends à ce qu’elle me bloque vu comment je l’ai mis à l’écart ces derniers temps.

Mais elle accepte qu’on se voit. Cela me rend heureux.
On se retrouve dans un café.

Elle arrive. Elle est trop belle. Trop belle pour moi. Je le sais.
Mais quelque chose a changé chez elle. Dans son attitude. Elle semble plus vigilante. Elle regarde partout autour de nous.
Et puis, elle a commencé à fumer. Ça fait trop bizarre de la voir faire ça. C’est comme voir un ami qu’on a connu au collège avoir un enfant.

C’est normal et pas normal.
Je pensais être le seul à avoir perdu ma naïveté dans toute cette histoire. Mais elle aussi a pris un virage violent.

Et je ne sais pas si c’est pour le mieux.
On échange quelques banalités. Puis on parle boulot. Elle me dit qu’elle a trouvé un job. Cool.

A Montréal. Moins cool.
Je lui demande si c’est volontaire d’aller aussi loin. Si elle ne cherche pas à fuir quelque chose.

Elle : Je ne cherche pas à t’éviter si c’est ce que tu crois. C’est même plutôt l’inverse, j’ai l’impression.
Moi : Je parlais pas de moi. Je parlais de…bref…tu sais…

Elle me fixe. Et elle me dit quelque chose qui confirme mes peurs.

« On ne peut pas les fuir, tu sais. »
Et c’est là que je remarque un truc dans sa main. Une sorte de tatouage ou un dessin au feutre.

Un rond avec un point. Comme un œil.
Je lui demande ce que c’est et si je peux le prendre en photo. Elle m’autorise à partir du moment où on ne voit pas son visage.
Puis elle m’explique ce que c’est.

Et c’est là qu’elle m’a un peu perdu.
Depuis qu’elle a déménagé en Décembre, elle s’est beaucoup renseignée sur les gens comme Mia ou Mr K.

Grâce à son ancienne activité de streameuse, Aude connaît des personnes qui connaissent des personnes qui ont un pied dans le Darknet.
Du coup, Aude est tombée sur tout un forum de témoignages et d’informations qui parle d’eux.

Les Supérieurs.
Aude : « On est baisé. Et depuis très longtemps. »

L’entendre parler comme ça tout en fumant des clopes, ça me fend le cœur. (Et ça m’excite un petit peu. Mais c’est pas le sujet.)
Moi : Du coup, ce truc sur ta main ?
Elle : C’est un répulsif, on va dire.
Elle m’explique que le symbole est un dérivé de la main de Fatima. Ou Fatma. Bref, je sais que si j’explique trop, je vais me planter et on va me reprendre. (C’est Twitter après tout.)
En gros, c’est un signe qui permettait d’éloigner le mauvais œil ou un truc dans le genre.

Et d’après Aude, il a été aussi utilisé pendant longtemps contre les Supérieurs. Pour les repousser.
Elle : Techniquement, ça ne les repousse pas. Pas au sens magique du terme.
Moi : Dommage.
Elle : Mais ça a une autre signification. Et c’est ça qu’il faut retenir.

Elle se rapproche de moi. Près. Très près. Elle sent la clope et la rage.
« Ça montre qu’on sait qu’ils existent et qu’on n’a pas peur d’eux. »
Je ne comprends pas. Mais je n’ose pas lui avouer. Alors je dis :
« Intéressant… » En plissant les yeux.
Aude : T’as mal aux yeux ?
Moi : Non.
Aude : Tu veux un exemple concret ?
Moi : Ouais.
Elle : Quand je vais dans un bar et qu’un gars m’accoste… 
Moi: Ça t’arrive souvent ça ?
Elle: Le fait que tu poses cette question prouve que t’es un mec.

Je vais arrêter de parler un peu.
« Bref, le gars qui m'accoste peut être l’un d’entre eux. Ils essaient souvent de trouver des nouveaux suiveurs dans les bars. Alors je lui montre discrètement ma main. Et là, j’observe leur réaction. »
« Un gars normal va être étonné et me demander ce que c’est. Et essayé de me pécho. Et puis il va être lassé et se barrer. Ou pas si j’ai envie.»

Damn Aude…
« Mais si c’est un gars… pas normal. Il va comprendre que je sais qu’ils existent. Et ils n’aiment pas ça. Oh putain, ils n’aiment pas ça. »
« Et je le vois dans leurs yeux ! Et là, ils partent sans rien demander. Et crois-moi, c’est à la fois terrifiant et satisfaisant. »
J’essaie de comprendre la logique. Mais j’ai du mal.

Moi : Non mais qu’est-ce qui les empêche de prétendre qu’ils ne connaissent pas ce symbole ?
Elle : Oh ils essaient de la jouer cool. Mais ils abandonnent vite. Ils ne veulent pas prendre le risque de se faire griller.
Moi : Oui mais c’est pas aussi une façon de te mettre une cible sur le dos ? S’ils savent que tu sais, ils peuvent s’en prendre à toi après, non ?
Elle hausse les épaules.

Aude : Comme je t’ai dit. J’ai pas peur d’eux.

Putain. Est-ce qu’elle la joue cool ? Ou est-ce qu’elle est inconsciente ?
Moi : Je trouve ça dangereux.

Elle : Plus il y aura de gens qui utiliseront ce signe, moins ils feront les malins.

Moi : Et en attendant, c’est dangereux. Voire stupide.

Elle m’énerve tellement.
Elle : Tu as fait des choses bien plus dangereuses et stupides dans l’immeuble.

C’est de la provoc.

Moi : Oui mais c’était pas pareil. C’était moi que je mettais en danger.
Elle : Et pourquoi c’est différent quand c’est moi ?
Moi : PARCE QUE JE T’AIME ET TU LE SAIS !
C’est sorti tout seul. Je suis le premier surpris. C’est comme si je m’étais entendu le dire sans pouvoir rien faire.

Je suis mort de honte. Je veux revenir en arrière. Juste 10 secondes. Pas plus. Allez putain ! Contrôle Z ! Là maintenant !
Aude n’a pas réagi. Il y a un lourd silence. Dans le café, les gens font semblant de ne pas avoir entendu. Mais ils ont entendu.
Puis, au bout de 3000 ans environ.

Aude : Oui. Je le sais.
Elle me sourit. Rien de plus.

C’est sincère. Mais c’est tout. C’est tout ce que je pourrais avoir d’elle.
Je ne sais pas à quel moment j’ai perdu Aude.

Peut-être que je n’aurais jamais pu l’avoir en fait.

Peut-être que c’est ça mon problème. J’ai cherché à l’avoir…au lieu de chercher à la connaître.
Alors, on se dit au revoir. On se fait la bise la plus awkward du monde.
Mais juste avant de partir, elle prend ma main et sort un stylo. Elle écrit un truc dessus. Je devine que c’est pas son numéro.

Aude : Montre leur que tu n’as pas peur.
Aude s’en va.

C’est peut-être la dernière fois que je la vois. J’essaie de garder en tête l’image de ses derniers pas. Elle, de dos, qui s'allume une clope.

La dernière fois que je la vois sûrement.
Mon père m’appelle et me demande si j’ai pas oublié le dîner. Je lui mens. « Pas du tout, je suis en chemin ».
J’arrive au dîner. C’est dans un lieu plutôt classe avec des maîtres d’hôtel et tout.

Et j’ai le plus beau sweat capuche du resto.
Et comme je montre que je m’en bats la race de ma dégaine de dealer, les gens sont sympas avec moi. Ils doivent penser que je suis un rappeur connu.
Je vois la nouvelle copine de mon père. On va l’appeler Nathalie. Je refuse de lui demander son âge. Je refuse même de trop lui parler.

On commande à manger. Elle ne prend une salade. Au moins, elle ne coûte pas cher à mon père. Pour l'instant.
Et puis bon, j’avoue, la fille est sympa. Elle fait beaucoup s’intéresser à ma vie nulle.

Elle sourit tout le temps. Elle rit beaucoup. Trop, je dirais.
Bizarrement, ça la rend touchante. Je vois que c’est compliqué pour elle aussi. Elle sait qu’elle est jugée.
C’est une situation embarrassante pour tout le monde et tout le monde surjoue la bonne humeur.

Comme dans une émission de télé.
Au final, je n’en veux pas à mon père. Je n’en veux pas à cette fille. Je veux juste rentrer à la maison et dormir.
Sauf que…
Je croise le regard de Nathalie.

Et son regard bloque sur ma main.
Elle devient étrangement silencieuse. Juste avant, elle riait à n’importe quelle phrase que sortait mon père.

Et là… elle ne dit plus rien.
Puis mon père va aux toilettes. Je reste seul avec elle.

Elle mange les yeux baissés.
Et je réalise qu’elle ne mange pas en fait. Elle ne fait que jouer avec sa nourriture.

Elle n’a rien mangé de tout le repas.
J’ouvre grand ma main. Je lui montre le symbole qu’Aude m’a dessiné.

Nathalie arrête de faire semblant de manger. Puis elle me lance un petit sourire faussement aimable.
Elle sait.
Je sais.
Je sais qu’elle sait.
Elle sait que je sais.
A la fin du repas, Nathalie se souvient qu’elle doit accueillir un membre de sa famille chez elle. Elle doit vite rentrer.

Elle part et promet de rappeler mon père.
Mon père : Tu lui as dit quoi ?
Moi : Rien.

Il ne me croit pas. Et pourtant, c’est vrai.
Quelques jours plus tard, mon père me dit que Nathalie a rompu avec lui.

Il me soupçonne toujours. Il m’en veut. Tant pis. Je lui ai sauvé la vie à ce con.
Je ne sais pas ce que je vais faire. Dans la vie, j’entends.
Mais je sais comment je vais la vivre.

Je vais être vigilant. Mais pas effrayé.
Aude, je sais que tu lis ça.

Merci.

Pour tout.
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