Thread by @nxnou

Un thread sur ce qu'il m'est arrivé hier au taff.
Je crois que ça mérite d'être partagé, parce que c'est le reflet de la société dans laquelle on évolue....

Comme chaque cycle, le centre de loisirs bosse sur un thème, et là c'est le thème "Sport et mode"... Un thème avec un clivage, de prime abord, bien sexiste.
Ba oui les garçons au sport et les filles au maquillage. Bref

Donc, on présente le thème aux enfants (6-12 ans) et, évidemment, quand ils se répartissent : les garçons préfèrent le sport et les filles le maquillage/Coiffure/Manucure. Jusque là, on peut se dire que c'est "normal".

Je m'occupe de la manucure qui consiste essentiellement à mettre du vernis sur les ongles et des stickers hein. Au fils des minutes, et des ongles faits, je vois certains garçons qui me tournent autour, intrigués.

Je les regarde et les invite si ce n'est à le faire, au moins à s'asseoir et regarder, pour qu'on discute.
Deux garçon de 10 ans acceptent et je leur demande s'il veulent essayer le vernis. Ils sont d'abord rebutés parce que, vous comprenez, le vernis "c'est pour les filles"

On discute alors et je leur dis que ce n'est pas forcément vrai : que des garçons mettent du vernis, portent des robes/jupes. Ils me parlent alors des kilt, des gothics. Je leur dis qu'il y a pleins de garçons qui prennent soin d'eux....

.... Qu'ils passent parfois plus de temps dans la salle de bain que les femmes, mais simplement parce qu'ils prennent soin d'eux, de leur apparence. Au contraire, beaucoup de filles/femmes ne mettent pas forcément de vernis...

... Qu'elles ne mettent pas forcément de maquillage ou ne portent pas systématiquement des robes/jupes... Ca ne fait pas d'elles pour autant moins des femmes. Ils acquiessent, commencent à comprendre. Et l'un d'eux finit par sourire ...

... Et me dit "Ouais je veux bien du vernis, mais genre aux couleurs du PSG !" J'accepte et lui en met, il est content. Et son pote le regarde d'yeux ronds en disant "T'es sérieux ?", le jeune garçon répond "Bah quoi ? C'est que du vernis."

Voyant qu'après l'applicaiton, il est content et le rendu est pas mal, son pote décide de faire pareil... Et tandis qu'ils se pavanent avec leur vernis, d'autres garçons arrivent et finissent par s'asseoir en me disant "Bah moi j'en mets chez moi des fois."

Je leur dis qu'il n'y a rien de mal, que ça reste du vernis sur des ongles, mais que ça ne change en rien le fait qu s'ils veulent retourner au foot, c'est de leurs pieds dont ils se servent. Et finalement, j'ai fini par faire les ongles d'environ 5-6 garçons

Certains ont même mis des stickers sans pression, en disant que, de toute manière "Demain y'a pas école, on s'en fout".
Ca finit par déboucher sur uen discussion sur les genres, le sexisme, sur le fait qu'on est bien d'accord pour dire qu'on fait ce qu'on veut, si ça nous plait

Qu'a partir du moment où on est heureux et serein avec ce qu'on est et ressent, on se fout de ce que les autres pensent. Du vernis sur les ongles, du gel dans les cheveux, une boucle d'oreille... Tant d'exemples qui prouvent que le clivage = The fuck !

La morale de cette histoire aurait pu être positive... Car après la manucure, certains garçon ont même tenté la coiffure et même le maquillage sans pression !
Comme quoi ls enfants sont bien plus ouverts que leurs parents car, évidemment...

... Ca aurait été trop beau pour être vrai. L'heure du départ sonne et les parents arrivent peu à peu. Les filles sont contentes de montrer leurs ongles et leur coiffure. Nous avons quand même du les démaquiller car certains mères kiffaient pas trop.

Mais c'était encore "gentillet". Par contre, certains garçons sont venus me voir en me disant "Hey, tu peux m'enlever le vernis parce que mon père il va pas aimer, en plus c'est la semaine de mon père, il a surement pas de dissolvant".

Je m'exécute (bah oui le but c'est pas non plus de marquer les esprits de leurs parents en pensant que dans 10 ans, ils seront sur un char avec une plume dans le cul hein...). Mais une maman arrive et voit son fils maquillé et avec du vernis, le gamin content.

J'explique le pourquoi du comment à sa mère.. Et tandis que je lui explique, je vois son air interloqué et regarder bizarrement son fils qui, lui, passe d'un sourire joyeux à un air gêné. Il se tourne vers moi et me dit "Tu peux me l'enlever ?", l'air quasi suppliant.

Et la mère de lui répondre "A bah non, on va montrer ça à ton père, il va rire... Ou pas. S'il avait imaginé voir son fils un jour comme ça!." sur un air tellement sacarstique et hautain qu même moi je me suis sentie coupable, je n'imagine donc pas le ressenti du gamin de 8 ans.

Puis vint un père, celui du premier à s'être lancé pour le vernis, qui arrive et le gamin, tout fier, lui montre son vernis et sourit "Et j'ai fais mes yeux ausis, c'était drôle."
Le père le regard, surpris, puis me regarde et me lance "et c'est souvent ça ?"

Là encore, je lui explique le thème et que ce n'était qu'un simple atelier, qu'on avait pas l'intention de défiler dans la rue ainsi. Il me répond "Ah bah j'epsère." et là encore, je vois le sourire du gamin se transformer en grimace... Je fulmine mais je passe, je dis rien...

Je lui enlève le vernis et je vois le père, en partant, parler à son fils et ce dernier hausser les épaules. Je comprends, mais c'est pas une nouvelle, qu'ils n'étaient pas prêts, que les clivages ça s'inculquent, à tout âge, à tout sexe, que le maquillage c'est pour les filles

Et le foot pour les garçons. Je vois avec tristesse qu'on préfère rester dans les cases bien confortables, ne pas déranger, plutôt que de laisser son gamin en sortir de temps en temps, histoire de décompresser.

A aucun moment je n'ai forcé aucun enfant, je n'ai vu pleurer aucun garçon parce qu'il avait du vernis. Au contraire, je les ai vu sourire, s'amuser même en regardant encore et encore leurs ongles. Ils ne mimaient pas une fille, ils étaient eux, avec du vernis à jouer au foot.

J'étais déçue de voir qu'en 2018 des parents étaient encore si fermés, si réfractaires à la différence. Que cela donnerait uen éducation qui effacerait certainement ces envies d'être différent, d'être soi. Non, il faut plaire aux autres et rentrer dans les cases pré-faites.

Puis, quand tout semble perdu, on a une maman qui arrive et reprend son fils. Je lui explique pourquoi il a du vernis et des restes de maquillage. Elle rigole et me dit "Bah c'est cool, il est partant pour totu lui de toute façon. Bon par contre, moi je mets jamais de vernis...

... Du coup j'ai pas de dissolvant, vous pourriez juste lui enlever." J'accepte avec le sourire et son fils répond "Tu devrais en acheter, c'est cool, ça fait joli." et la mère de répondre "Oh tu sais je suis pas super féminine moi, je mets pas tout ça" (je confirme hein XD)

Le garçon semble déçu mais la mère lui sourit "Bah, tu as une petite soeur, je suppose qu'il va falloir que je m'y colle un jour, ok ?"
Il est heureux, la mère le prend dans ses bras "Allez on va chercher ta soeur, lui dit surtout pas que tu as eu du vernis, elle va me tanner...

... Pour qu'on aille en course maintenant."
"Promis" répondit-il avec un sourire. Il se tourne vers moi et me sort "On en refera des trucs comme ça ?"
Je lui réponds que oui, c'est le thème pendant au moins 7 semaines avec shooting

photo et expo, il est content et sa mère me sort "C'est bien de faire ça. Pas sûre que ça plaise à tous, mais c'est bien quand même !"
Car oui, quand on vit à la campagne, je peux vous dire que sortir de ces foutus cases c'est pas évident. Ces enfant sen sont la preuve

Et ce n'était qu'une séance de vernis à ongles et léger maquillage...
J'y ais pensé toute la soirée en revenant chez moi : que vont penser ces gamins une fois chez eux ? Allaient-ils avoir une leçon de morale de leurs parents ? Passeraient-ils à autre chose ?

Et les enfants : finiraient-ils par avoir honte ? Voudraient-ils renouveler la chose ? Mon boss allaient-ils avoir des coups de fils ?
Je suis heureuse que certains garçons aient "osé" passer les clivages, mais tellement triste que leurs parents les y ramènent.

En somme c'est uen morale en demi-teinte, mais tellement révélatrice de notre société actuelle. L'ouverture d'esprit n'est pas encore pour toute suite, même si notre sauvetage viendra des prochaines générations, dieu que le chemin est long encore.

Voilà, thread terminé.
La semaine prochaine je fais des bracelets brésiliens...
Mais ça "ca va encore" hein... Ca passe..