Thread by @Jiipaye

Je vais te raconter, ami hétéro qui veut une « hétéropride » ce qu’est de vivre l’homophobie. Tu me diras après, si tu as vraiment besoin d’une marche des fiertés pour toi.
Tu sais où elle commence l’homophobie quand tu es le 4ème garçon d’une famille portugaise catholique ?

Bingo : elle commence quand tu as 6 ans et que tes frangins te traitent de :
- tapette
- tanche
- tantouze
- tarlouze.
J’en ai sûrement oubliés.
Tu t’es fait traité d’hétérote toi à 5 ans ?
Alors ferme ta gueule.

Tes frangins ont honte de toi devant leurs amis, tu es un peu efféminé, alors, ils t’insultent encore plus comme pour montrer un détachement vis à vis de toi. Leurs amis en font de même.
Tu as vécu ça toi ?
Alors, ta gueule !

Tes frangins t’insultent aussi devant tes propres amis, tant qu’à faire, autant que tes amis apprennent aussi à t’insulter parce que tu es une « pédale ».

J’ai pas fini, je ne suis même pas au collège là.

Tu rentres au collège, tu es content, il y a plein de monde. Tu vas pouvoir te fondre dans la masse.
Penses-tu !
Tu te fais harceler et tabasser par un élève de ta classe. J’ai mis des mois à en parler à un grand frère. Il a fait peur au harceleur.

Il y a un mec qui te ressemble, tu te dis que tu n’es pas seul. Il devient ton pote, tu crois. Il prend le bus pour venir au collège, il connaît tout le bus. Un jour, des gens de son bus commencent à t’insulter. Que s’est-il passé ?

Le mec, que tu croyais ton pote fait diversion. Pour ne pas se faire insulter, il participe à ton harcèlement et l’organise même. Quand on te montre du doigt, on ne le montre pas lui...
Cela dure 4 ans, le temps du collège.

L’apothéose du harcèlement homophobe, c’est le jour du brevet des collèges. Ton nom de famille, manque de bol, est le premier de la liste dressée pour désigner les salles dans lesquelles se fait le brevet. Tu es mal à l’aise. Et tu as raison.

À la première pause ou récréation, tu remarques qu’à côté de ton nom, au tableau, quelqu’un a indiqué un « PD ». Il restera tout le long des examens. Personne dans l’équipe d’encadrement du collège n’a jugé bon de l’enlever cette insulte qui te suit depuis 10 ans maintenant.

Tu passes au lycée, cool, encore plus de monde. Cette fois-ci, tu vas vraiment pouvoir passer inaperçu. Faux. Que de doux rêves tu fais...
Des mecs extérieurs au lycée viennent chercher leurs meufs. Tu ne les connais ni d’Eve ni d’Adam.

Chaque fois qu’ils passent à côté de toi, ils crient un grand « Mocamba Tapette ». À part tapette, je t’avouerais que je ne comprenais pas ce qu’ils voulaient dire...

Je vais m’arrêter là, car à partir de ce moment, je fais la connaissance d’un groupe qui, comme toi, est fan de Madonna. Tu te crées un monde virtuel dans lequel elle est la seule qui compte avec tes 2 copines et 1 copain qui ont la même passion.

Si tu as vécu le dixième de ce que j’ai vécu, mec, OK, tu as le droit de te la faire ton hétéropride.
Ce qui est amusant, c’est que quand je débarque à Paris pour travailler, je vis dans le placard.
J’ai fait la Pride 3 fois maximum de peur que l’on me reconnaisse.

Tu es tellement conditionné à avoir honte de toi, que même quand un truc positif te concerne, tu as peur d’y aller...
Je te passe les « Mais moi, je ne suis pas comme ça » : un homo qui rejette les homos... L’homophobie intériorisée cela s’appelle.

Tu es habitué à ton petit placard, il est très étroit, mais tu y es tout de même à l’aise. Tu n’es même pas capable de dire à tes plus proches collègues que tu es homo tellement tu en as honte...

Quand tu penses qu’eux te parlent de leurs vies privées, et toi, tu fais croire que tu n’en as pas. Ils ne sont pas dupes, ils te posent des questions, s’intéressent à toi en fait. Et toi, tu n’aimes pas qu’on s’intéresse à toi. Rien n’est intéressant chez toi...

Finalement, tu arrives à dire à quelques collègues triées sur le volet (que des femmes...) que tu es homo. C’est le plus grand secret de ta vie. Tu leur fais confiance, il ne faut surtout pas l’ébruiter, même quand elles se font harceler par d’autres collègues pour savoir...

Et un beau jour, tu te fais licencier. Ton image n’est plus associée à ton employeur. Nous sommes fin 2012. Tu arrives sur les réseaux sociaux. Les débats sur le #MariagePourTous sont lancés. Tu ne t’intéresses que de loin à ce sujet.

Tu commences à t’y intéresser tellement mal que tu as failli aller à une manifestation en défaveur du #MariagePourTous. Bah oui, elle est organisée par la Manif Pour Tous. Forcément, pour tous, ça veut dire tout le monde, toi y compris...

Mais pas du tout ! Ils ne veulent pas que les homos se marient parce que, parce que, tu ne comprends pas pourquoi tellement leur discours est obscur et confus et rétrograde.

H24, les homos se prennent des tombereaux de merde. Les médias font le buzz, ils invitent plus que de raison et bien plus que des partisans du pour, des Barjot, Boutin et des abbés 2.0 qui alimentent la haine sur les réseaux sociaux. Une homophobie organisée.

Tu as suivi ou je continue ?
Alors, oui, tu peux reconnaître que tu es un gros connard de vouloir faire une hétéropride. Elle a lieu tous les jours ta fête. Jamais tu ne t’es fait tabasser car hétéro.
N’en reparle donc plus jamais et retourne lécher des minous.
De rien.

Pour ceux qui me demandent : je vais bien, je me suis marié avec mon compagnon qui a été mon « cousin » très longtemps... Je suis à mon compte associé avec mon conjoint. Mes frangins et ma sœur apprécient mon mari.

Je ne me cache plus sur mon homosexualité. Des clients me demandent si nous sommes ensemble, je n’ai plus peur de leur « avouer ». J’ai une belle-famille du tonnerre.
Mais rien n’est gagné, jamais. Alors restons aux aguets.
Merci pour vos messages sympas.
😚❤️😘

Je n’en veux pas à mes frangins. Ils ont réagi comme la société (et notre éducation) les avaient conditionnés.
Je n’ai pas jugé utile de faire mon CO (à part pour ma petite sœur, peut-être ?).
Nous nous entendons bien et toute ma famille proche m’accepte comme je suis.