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Voici une histoire mathématique hors du commun. Non pas parce qu'elle est étonnante, mais tout simplement parce qu'elle est colossale.

Gros thread en perspective, alors accrochez-vous ! ⬇
Ceci commence avec le problème d'algèbre le plus important du 18ème et du 19ème siècle : résoudre l'équation de degré 5 par radicaux. Au 16ème, parmi les équations polynomiales, on avait réussi à exprimer les solutions à partir des coefficients pour les degrés 1, 2, 3 et 4. (1/n)
Par exemple, la solution de l'équation ax+b=0 est -b/a, et celles de l'équation ax²+bx+c=0 sont (-b±√(b²−4ac))/(2a). Ces formules n'utilisent que les opérations algébriques +, −, × et ÷ ainsi que les radicaux √, ∛, …. (2/n)
Une formule similaire pour le cinquième degré a été cherchée pendant longtemps, et au 19ème siècle, grâce aux travaux de Paolo Ruffini, Niels Abel et Évariste Galois, on sait qu'une telle formule n'existe pas ! (3/n)
La démonstration de Galois est l'une des plus ingénieuses, et elle a finalement donné naissance à une théorie complète, la théorie de Galois, utilisée dans de nombreux domaines mathématiques. (4/n)
Celle-ci consiste à associer à chaque équation un groupe, qui est celui des permutations des solutions, c'est à dire des différences façons de "mélanger" les solutions pour que chacune prenne la place d'une autre. (5/n)
On peut faire intéragir les permutations en les effectuant les unes après les autres, donnant des nouvelles permutations, et pour chaque permutation, il en existe une permettant de "revenir en arrière". Ce sont ces propriétés qui font que l'on peut parler de "groupe". (6/n)
En très résumé, Galois à remarqué que si l'équation est résoluble par radicaux, son groupe de permutations peut être "décomposé" d'un certaine manière avec un sous groupe "normal". Sinon, s'il ne se décompose pas, le groupe est dit "simple". (7/n)
Aujourd'hui, le fait qu'un groupe fini puisse se "décomposer" en groupes simples (et de façon unique) porte le nom de théorème de Jordan-Hölder. C'est un équivalent de la décomposition en facteur premiers dans ℤ, mais pour les groupes finis. (8/n)
En particulier, le groupe de permutations d'une équation générale de degré 5 est simple, et donc elle ne peut être résolue par radicaux ! Après cela, Galois a donc commencé à établir une liste des groupes simples contenant un nombre fini d'éléments. (9/n)
Il y a tout d'abord les groupes cycliques d'ordre premier, qui correspondent aux différentes façons de superposer un polygone régulier à lui même par des rotations. (10/n)
Il y a aussi les groupes alternés, qui sont les permutations décomposables en un nombre pair de transpositions (d'échanges de deux éléments), qui sont simples quand il y a plus de 5 objets à permuter. (11/n)
Galois a identifié deux autres groupes simples (que l'on appelle aujourd'hui PSL(2,7) et PSL(2,11)), qui correspondent à des transformations dans des plans projectifs contenants un nombre fini de points. (12/n)
C'est alors qu'une véritable quête de tous les groupes simples finis à commencée ! Et une aide formidable et innatendue pour cette quête est venue d'une autre partie de la théorie des groupes : les groupes de Lie. (13/n)
Sophius Lie, en essayant d'imiter la technique de Galois mais sur des équations différentielles, a identifié des groupes associés à ces équations. Ce ne sont plus des groupes finis, mais des groupes continus. (14/n)
Comme les groupes finis, ils peuvent se décomposer en groupes de Lie simples. Et une classification complète de ceux-ci est arrivée assez rapidement grâce au travail des mathématiciens Wilhelm Killing et Élie Cartan. (15/n)
Dans cette classification, il y a quatre familles infinies : les groupes constitués de rotations de l'espace euclidien ℝⁿ pour n pair, pour n impair (appelés groupes orthogonaux), les groupes de rotation de l'espace ℂⁿ (appelés groupes unitaires), et… (16/n)
… et les équivalents pour les rotations des espaces définis sur les quaternions ℍⁿ (les groupes symplectiques). À cela viennent s'ajouter 5 exceptions, qui ne rentrent dans aucune de ces catégories, qui sont des groupes liés aux octonions 𝕆. (17/n)
Chacun de ces groupes continus peut alors permettre de construire une famille infinie de groupes simples finis, en remplaçant l'espace continu dans lequel il agit par un espace fini. (18/n)
Cela est un progrès formidable dans la classification des groupes simples finis, qui reflète celle des groupes de Lie simples. Mais l'histoire de s'arrête pas là… (19/n)
Le mathématicien Émile Mathieu, en cherchant à définir des groupes dits "hautement transitifs", a réussi à mettre la main sur cinq autres groupes finis simples, qui avaient échappés aux mathématiciens, et qui ne rentrent pas dans les catégories de la classification. (20/n)
Puis d'autres groupes inclassables ont été trouvés, par Janko, Conway, Fisher, Suzuki, Thompson… En tout, on en connait 26. L'existence de ces groupes inclassables est tellement incongrue qu'ils ont été qualifiés de "sporadiques" par les mathématiciens. (21/n)
MAIS SURTOUT ! Cette classification a été tellement complexe qu'une simple preuve dans ce domaine pouvait devenir un ouvrage de 1000 pages. En tout, ce travail a été étalé sur des décennies, par une centaine de mathématiciens et dans une centaine d'ouvrages massifs. (22/n)
Ce fait, et les efforts fournis ont d'ailleurs été qualifiés d'héroïques ! En 2012, une erreur a été corrigée dans la démonstration, et beaucoup pensent que d'autres erreurs ont surement été commises, et donc cette classification ne serait pas encore terminée. (23/n)
En tout cas, l'un des grands travaux actuels de la théorie des groupes est de simplifier cette preuve, pour la rendre abordable dans un seul ouvrage (un rêve pour l'instant). (24/n)
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