Aujourd’hui je vais vous raconter mes aventures du matin, non parce qu’elles sont extraordinaires mais parce qu’elles représentent bien le quotidien du conducteur de trains SNCF.
Thread « Conduire un train ? Pas l’air bien compliqué ! ... »
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J’accompagnais donc ce jour un conducteur @TERPays2LaLoire sur un trajet Nantes-Cholet. Il fait nuit, il pleut mais l’adhérence est bonne donc youpi. Une partie de double voies, une partie de voie unique. Et c’est sur cette dernière que ça va moins aller.
Quelqu’un (Hors SNCF) a signalé que les barrières d’un passage à niveau sont cassées. Pas très précis sur le lieu (forcement quand on est pas cheminot c’est moins simple). Mais sur cette ligne. Dans l’urgence le régula doit nous arrêter.
Car même si ce sont les feux routiers qui comptent, un passage à niveau sans barrières c’est à n’en pas douter des voitures qui traversent. On reçoit donc un signal d’alerte sur le téléphone du conducteur : arrêt d’urgence. Nous voilà au milieu de nulle part.
Immédiatement on contacte une gare : problème, le signalement très vague rend compliqué la localisation du passage à niveau incriminé. On va devoir attendre. Mon conducteur prend la sono et explique ça aux clients. Sauf qu’on ne le sait pas encore mais ils n’ont rien entendu.
Moi je regarde où on est arrêtés et je vois immédiatement que ça va poser un problème de plus : on est à 200m d’un autre passage à niveau. Et un PN qui reste fermé trop longtemps est considéré en dérangement donc il nous faudra appliqué des procédures pour le franchir.
Toc toc toc ! Un client frappe à la porte de la cabine : « on a entendu que des morceaux de phrases ». Bon j’y vais et je remonte toute la rame pour expliquer de vive voix la situation aux clients. Je leur promets de revenir pour la suite.
Pendant ce temps mon conducteurs a commencé à recevoir un ordre des gens qui gèrent la circulation : c’est le PN37 et il va falloir aller voir si ses feux routiers fonctionnent encore. Ça conditionnera le gardiennage qu’on va devoir y faire.
Car avant réparation on va bien vite envoyer quelqu’un qui va surveiller l’installation cassée. La police est aussi avisée et ça tombe bien ils ont une patrouille dans le coin, ils y vont. Super, on va pouvoir repartir ? Oui sauf que non.
Et non car le passage à niveaux juste devant nous est considéré en défaut (ça fait 30 min qu’on est là) donc paf, deuxième ordre ! Et on recommence les échanges normés avec l’agent circulation, le formulaire, le collationnement (relire à voix haute pour voir si on a bien noté).
Enfin on va repartir. Je prends la sono et la grosse voix et j’explique aux clients. Je quitte la cabine et remonte toute la rame pour questionner : vous avez entendu ? « Oui mais on arrivera avec combien de retard ? ». Donc sono pas en panne mais CRL ne parlait pas assez fort.
Pour le retard forcément j’avais pas parlé de ça et pour le client c’est ça qui compte. Et alors là on entre dans la science obscure : on en est déjà à 40min mais il va falloir repartir doucement, sn arrêter plus loin, repartir doucement ... 1h !
C’est une estimation « au doigt mouillé » car arrêté en pleine campagne avec des procédures à poursuivre, pas simple de savoir à l’avance. Un client semble circonspect, il se dit que ce sera plus ... je rajoute alors « environ » 😁
On repart, j’en profite pour reprendre la sono pour explique la suite du film aux clients. On va devoir s’arrêter au passage à niveau dans 20km et descendre vérifier. J’explique aussi le pourquoi on va devoir faire ça. En fait je fait de la formation.
On arrive au PN37, je vois la police dans sa voiture à 50m du PN. On s’arrête, j’ouvre la fenêtre et alors la police fait de même et me hurle « tu roules ? » ... je réponds « tu vas attendre ! » sur les rails même lui ne me donne pas d’ordre.
On fait le tour du PN soit disant cassé : rien, tout est parfait. On doit maintenant rendre compte avant de repartir. Et pendant qu’on est au tel à faire ça, une camionnette s’engage sur le PN et tente la chicane entre les barrières. Je regarde la police :
Ils sont dans leur voiture à attendre le temps qui passe et rien, pas la moindre intervention. Je prends les décibels (le sifflet du train) et j’envoie ce qu’il faut; la camionnette s’arrête en plein milieu du PN. Je fais des grands signes au chauffeur
Et pas spécialement sympathique comme signes. On pourrait les traduire par « recule du con ! ». Il s’exécute. Police ? Toujours rien, en veille profonde. On repart. Dernière annonce aux clients pour faire le bilan et annoncer la note : 57 min.
Voilà, c’est ça le quotidien d’un conducteur SNCF. Bien entendu il y a des jours où il ne se passe rien mais les soucis sont réguliers, jamais comme dans le manuel, et font le métier. A l’arrivée j’ai pointé la tête à la fenêtre pour les clients.
Pas un reproche et une cliente m’a fait un sourire et un signe de la tête, que j’ai interprété comme un « merci ». On vient de lui faire perdre 1h et elle dit merci. Merci à vous madame.
Pour l’anecdote, lors du contrôle du PN37 je pense savoir pourquoi quelqu’un a cru voir des barrières cassées : un habitant qui loge dans l’ancienne maison de gardien de PN a mis un morceau de barrière à tenir sa haie qui penche ...
A retenir : mon conducteur a très bien fait le job et nous avons des clients au top pour peu qu’on prenne soins d’eux. Ils peuvent accepter beaucoup quand on leur donne beaucoup.
