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#LPPR 180 pointures de la recherche écrivent un texte à propos de la LPPR.

Peut-être est-ce là l'occasion d'observer quelque chose d'important : l'éclatement de la communauté scientifique.
#SlowThread

lemonde.fr/idees/article/…
L'opération est rondement menée : d'abord publication dans Le Monde, puis relais via le gros compte du CNRS, lequel reçoit pas mal de réactions hostiles de la communauté pour n'avoir relayé aucune autre analyse que celle-ci.

Enfin, mise à la signature sur une plateforme de pétition, sous le nom "LA COMMUNAUTE SCIENTIFIQUE".

Est-ce à dire que les 180 pointures SONT la communauté scientifique ? Ou que la communauté scientifique doit signer ? Image
Dans cette pétition, les signataires sont triés par ordre d'importance : d'abord les médaillés, ensuite les directeurs d'institution, enfin les membres de l'Académie des sciences.

C'est une communauté. Mais est-ce la communauté scientifique ? ImageImageImage
C'est précisément ce qu'on va pouvoir mesurer en comptant les signatures... C'est à dire mesurer l'ampleur de cette "COMMUNAUTE SCIENTIFIQUE" qui entoure les pointures de la recherche.

Et en comptant, on va essayer de se poser des questions sur notre communauté. #slowthread Image
La "communauté scientifique" est un vaste question. Il faut lire "les universitaires" de Musselin : on a bien du mal à se mettre d'accord sur une définition sur qui sont "les universitaires".

Pareil : qui sont les scientifiques ?
Vaste question, pas de bonne réponse. Image
Est-ce que "la communauté scientifique" est constituée de seulement celles et ceux qui ont une thèse de doctorat ? Même n'ayant pas un emploi de recherche ?

Ou celles et ceux qui ont un emploi de recherche, même sans doctorat ?

Et les vulgaristeurs.trices ? Les journalistes ?
On comprend rapidement que "la communauté scientifique" n'existe pas, ne veut rien dire. Chacun aura sa définition : "chacun voit la science à sa porte".

Mais ça n'empêche pas de regarder les choses, et d'en discuter, parce que la question est plus importante qu'il n'y parait.
Un exemple récent de fracturation de la communauté scientifique est conséquente des lois LRU, qui ont conduit à modifier la place des présidences dans les établissements.

Tout va bien, jusqu'à l'arrivée d'une mesure clivante. Et là, ça peut casser.

blog.educpros.fr/julien-gossa/2…
C'est à dire que ça peut conduire une partie des acteurs à reconsidérer le périmètre de ce qu'ils considèrent être "la communauté scientifique".

"Ma présidence en fait-elle encore partie ?"
La question se pose de plus en plus. Clairement, un président n'a plus le même métier.
« Mais si ma présidence ne fait plus plus partie de ma communauté... Or, je suis libre et indépendant, donc géré uniquement par ma propre communauté... Donc en réalité, peut-être que je n'ai pas d'ordre à recevoir de ma présidence... »

On voit là apparaître un lourd enjeu.
Suite du #slowthread

Il y a donc des enjeux de structuration de la communauté, en permanence, mais surtout dans les moments de tension comme pendant les réformes.

En appelant à signer leur texte, les pointures testent directement leur influence sur la communauté. Image
Si l'appel à signatures est entendu, que beaucoup de gens vont signer, alors on pourra dire qu'on fait « communauté », au moins sur cette question là : pointures ou pas, toutes et tous dans le même bateau pour défendre la recherche.
Mais si ça fait un flop... Alors il faudra se poser la question : est-ce que ça ne montre pas qu'il y a deux communautés scientifiques distinctes ?

Les pointures d'un côté, les autres de l'autres... Devenues incapables de se parler, même sur des sujets de consensus.
A ce stade, je me demande si je n'en fais pas un peu trop.

Et je puis pense à ce possible titre de presse « le président du CNRS n'arrive pas à obtenir plus de 200 signatures à un texte de défense de la recherche ».

Vous l'avez le froid dans le dos vous aussi ?
Parce que ce n'est pas juste le président du CNRS, mais un bon gros paquet de pointures et directeurs, et qui usent de leur influence et moyens officiels de communication pour obtenir des signatures.

Des moyens, que les pétitionnaires habituels n'ont pas. Image
Alors oui, ce n'est pas normal du tout qu'au bout de deux jours le nombre de signataires « autres » n'ait pas dépassé le nombre de signataires « pointures ».

C'est une anomalie. Et elle veut sans doute dire quelque chose : la mise en évidence d'une scission de la communauté. Image
Suite du #slowthread. Jour 4 : 185 signatures.

On l'a vu, la notion de "communauté scientifique" est polymorphe et évolue au cours du temps et au grès des événements.

C'est pourquoi, il est parfois intéressant de mesurer les choses. 185 signatures en est une mesure. Image
Tous les auteurs de lettre ouverte le savent : c'est un risque. Peu de signatures peut vouloir dire peu d'adhésion au contenu de la lettre, qui peut donc facilement se retourner contre leurs auteurs.

Et ça peut peser très lourd dans le rapport de force.

Soyons concrets.
En ce moment se joue un rapport de force entre Bercy et le MESRI, entre Le Maire et Vidal.
Bercy a le pognon et le MESRI a les forces vives de recherche.

La bataille est antique : qui va contrôler qui ?

On ne parle pas de petites choses là, c'est très sérieux. Image
Si le MESRI gagne la bataille, alors on améliore la production scientifique du pays, mais au prix d'une baisse des aides aux entreprises et éventuellement à l'innovation.

Si Bercy gagne, alors on met l'appareil de recherche public au services des entreprises privées.
Ca va discuter et se disputer... Et tout va peser. Y compris une lettre ouverte signée par 180 pointures de la recherche... Et 180 autres personnes, c'est à dire en réalité, personne.

Les pointures perdent en crédibilité, ce qui impacte leur parole, donc le rapport de force.
Et cela arrive, alors que du côté de Bercy, on ne prend plus de gants. C'est même de plus en plus clairement à couteaux tirés.

Cette lettre inquiète donc, bien au delà de son contenu, par le contexte et le risque pris de la mettre à signature.

Et ce n'est pas une sortie de Bercy au pif comme ça, mais un tapis de bombes, organisé, visant à décrédibiliser la recherche, son efficacité, son organisation et ses dirigeants...

On le voit dans ce récent rapport de l'Inspection générale des finances.
On peut aussi noter le rapport d'information fait au nom de la commission des finances (1) sur la prise en compte de la performance dans le financement des universités
(novembre 2019)

senat.fr/rap/r19-130/r1… Image
Ou encore le référé @Courdescomptes sur la « Non application de la durée annuelle légale du temps de travail pour les personnels (BIATSS) des établissements d’enseignement supérieur »
(septembre 2019)

ccomptes.fr/system/files/2… Image
Beaucoup de rapports sur les université donc depuis 6 mois, et beaucoup du côté financier. Tout ça pèse lourd dans le rapport de force MESRI vs Bercy.

Ca nous met un peu dans cette position (qui n'est pas la meilleure pour négocier) :
Jour 5 : 185 signatures.
Suite du #slowthread

Plus ça va, plus la LPPR trace une ligne dans le sable : d'un côté, ceux qui sont pour ; de l'autre, ceux qui sont contre.

Donc la LPPR définit ou identifie deux communauté scientifiques différentes. Image
Le positionnement d'un côté ou de l'autre de cette ligne dépend de beaucoup de choses. Je dirais même que c'est intime comme décision.

Dans le côté pour, on a donc le ministère, les 180 pointures, et maintenant la CPU :
Se dessine donc assez clairement « une sorte d'oligarchie universitaire » selon l'expression de @AssociationQSF, qui note ensuite que « le manque de concertation [a] finit par susciter une défiance généralisée ».

Ce mot « défiance » est important.

« défiance » est un mot important, car il indique qu'on a identifié une ligne de fracture dans la communauté. Une question sur laquelle il y a des pour, et des contres.

Et il conduit l'acteur à se positionner immédiatement autour de cette ligne.
Ici, la CPU trace une ligne entre « la communauté » (dans laquelle elle se place) et les précédents gouvernements...

... Puis se replace immédiatement du côté du gouvernement actuel.

C'est un beau numéro d’équilibriste !

cpu.fr/actualite/la-c… Image
Si on regarde l'utilisation du mot « défiance » sur le site de la CPU, on en trouve deux usages réguliers :
- les citoyens vis-à-vis de l'Europe (beaucoup)
- les citoyens vis-à-vis de la science (un peu) ImageImage
J'ai trouvé une fois une autre utilisation plus intéressante, en 2013 :

La CPU a identifié une défiance vis-à-vis de la LRU, mais se place du côté des promoteurs, se proposant de « surmonter la défiance [...] pour faire grandir la confiance »

cpu.fr/wp-content/upl… Image
On remarquera que la CPU n'est jamais défiante elle-même : elle note des défiances et se positionne.

« La communauté » est défiant envers la LRU, la CPU va la convaincre.

« La communauté » est défiant envers la LPPR, la CPU fait confiance au ministère (mais reste vigilante).
Dans ces deux positionnement, la CPU ne se considère elle-même plus dans « la communauté » : elle n'en partage pas son avis.

Elle se positionne en arbitre, sur la ligne de fracture. Et elle arbitre en faveur du haut, et pas du bas. Elle épouse la « communauté oligarchique ».
Depuis le début du siècle, la CPU a réclamé et obtenu de grands pouvoirs. Le plus dur a été de convaincre le ministère. Et maintenant, la CPU/CURIF y est, au ministère.

« La communauté » leur a fait confiance, mais les LRU n'ont pas tenu leurs engagements. Les choses vont mal. Image
Et maintenant, les propos d'A. Petit ont lancé un coup de projecteur sur la LPPR, et beaucoup d'universitaire sont en train de se positionner...

La positionnement "pour" de la CPU est donc très risqué, parce qu'il risque de lui faire perdre beaucoup de confiance.
Soyons cyniques. Supposons qu'on estime l'arbitrage MESRI vs. Bercy foutu. Qu'on sait que les universitaires vont inévitablement morfler.

Supposez maintenant que vous soyez président.
Quel camps choisiriez-vous ?
La « communauté scientifique » ou « l'oligarchie universitaire » ?
#slowthread Jour 6. Rien ne va plus.

Le nombre de signatures explose tout à coup... 281.

100 de plus en une journée. S'il y a eu rappel, le résultat est bien pâle.

En attendant, la tension monte dans "la communauté scientifique" et des lignes se tracent. Image
Interrogée lors d'une sortie face à de vrais universitaires, Frédérique Vidal déclare :
« L'emploi, ce n'est pas mon travail »

Elle trace ainsi une ligne de démarcation dans la communauté : Le ministère décide des subventions, les présidences des postes.

Pendant ce temps, d'autres lignes se tracent dans la base de "la communauté scientifique", entre « les glandeurs » et les « vieux cons de boomer »... Ceux qui « font de la vraie science » et les autres.... Image
Cette démarcation dans "la communauté scientifique" n'est pas seulement entre les gagnants et les perdants du système. Certains perdants y croient, certains gagnants dénoncent.

En clair, tout le monde est paumé. C'est sans doute inévitable face à tels changements.
Et puis il y a les tensions entre les disciplines, et internes aux disciplines, qui vont forcément se raviver avec la campagne d'emplois.

Il faut dire que les hétérogénéités sont frappantes.

En réalité, toute communauté est caractérisée par ses tensions. Les lignes de démarcation sont structurantes, qu'elles soient extérieures (qui est de la communauté et qui n'en est pas), ou intérieure (qui est de telle sous-partie de la communauté et qui ne l'est pas).
Historiquement, l'Université est structurée au premier niveau par les disciplines. La médecine et le droit sont différents, donc les prof de médecine et de droit sont différents.

A la fin des années 1960, cette structuration est à l'apogée, avec des facultés toutes puissantes.
La loi Faure (1968) commencera à changer la donne en affaiblissant les facultés face aux universités (réunissant plusieurs facultés) : on change ainsi les lignes de démarcations de premier niveau.
S'en suite la loi Savary (1984) qui donne à tous les universitaires un statut unique.
Encore une fois, on change les lignes de démarcation : on essaye de dire que les profs de droit et de médecine, c'est pareil.

Ca foirera pour médecine, mais pas le reste.
Les lignes de démarcation disciplinaire restent très fortes entre universités (toujours disciplinaires). C'est ce que vont changer les lois LRU 2007 et 2013 : désormais on veut une seule une université "complète", cad avec toutes les disciplines.
Depuis, peu à peu, les disciplines s'effacent du premier niveau de démarcation.

Bien sûr, tout en bas on continue de s'écharper pour un profilage de poste sur telle ou telle équipe... Mais dans une grande université, la gestion des postes est adisciplinaire.
Concrètement : on discute de la grosse enveloppe utilisée pour l'emploi statutaire ou l'emploi contractuel, on discute du GVT, mais on ne discute plus des facultés.
Plus du tout.

Musselin l'explique bien
cairn.info/propositions-d… Image
Cette transformation des lignes de démarcation n'est toujours pas bien intégrée par "la communauté scientifique". Beaucoup pensent encore que les postes se négocient avec le ministère, ou que leur doyen a du pouvoir sur la stratégie générale de l'établissement.
Peut-être est-ce là un effet inattendu de la #LPPR : à la fois redéfinir les lignes de démarcation internes et externes de "la communauté universitaires", mais aussi faire prendre conscience des ces lignes à de plus nombreux acteurs, dont certains croient encore aux disciplines.
#slowthread jour 7 : 291 signatures.

Aujourd'hui, on a pu identifier une nouvelle ligne de démarcation de la "la communauté scientifique" Image
C'est par twitter que beaucoup de candidat.e.s à la présidence de l'Hcéres ont appris que leur candidature n'était pas retenue, dans un style digne des pires DRH.

« Nous avons bien reçu votre candidature gnagnagna... »
Aucune justification.

Ces candidats sont nombreux : plus de 1300 à avoir réellement déposé leur candidature, plus de 5000 à soutenir l'initiative.

C'est énorme, pas une petite chose. Il fallait traiter la chose avec délicatesse pour ne pas abîmer "la communauté scientifique".
lemonde.fr/idees/article/…
Las, l'information ne leur est pas parvenu ni du ministère ni des directions générales, mais de la presse spécialisée.

Ces milliers de candidats ne valent pas un email. Voilà pour la prévenance et la considération.

Chez @NewsTankHER

education.newstank.fr/fr/article/vie… Image
Puis chez @AEFsuprecherche, qui annonce que pas tous les candidats ont été disqualifiés...

Trois candidats choisit par le gouvernement ont été retenus.

aefinfo.fr/depeche/622657
99,9% des candidats ont donc été éliminés sans qu'on sache par qui ni pourquoi. Pas de transparence, pas de critères objectifs.

Vu la masse de candidats éliminés, il y a forcément eu des discriminations.

La ligne que trace ici le ministère et les directions générales est extrêmement importante : elle dit que l'Hcéres n'est pas une émanation de la communauté, mais une émanation du gouvernement.

Le gouvernement dit : l'Hcéres ne fait pas partie de "la communauté scientifique".
Or, Hcéres ne peut pas fonctionner sans la communauté, et la communauté ne peut pas être évaluée par une force extérieure. Il en va de son autonomie académique.

Le gouvernement dit donc : l'Hcéres est un outil d'affaiblissement des libertés académiques.
Or, l'Hcéres est au cœur de la #LPPR et des transformations envisagées par le gouvernement.

Ce n'était vraiment pas le moment de la déligitimer à ce point... Au point que toute "la communauté scientifique" doive maintenant s'en méfier.

blog.educpros.fr/julien-gossa/2…
Enfin, se pose aussi la question des trois candidatures retenue par le pouvoir politique en dehors de toute transparence.

Peuvent-ils réellement continuer à être candidats après l'élimination arbitraire de 99,9% de leurs concurrents ?
Quelle légitimités pourraient-ils garder ? Image
L'Hcéres ressort donc en pièce de cet épisode, et ce seulement par l'action du gouvernement.

Bien sûr, on pourra toujours "faire comme si"... Passer en force et compter sur l'oubli. Ca marchera, bien sûr. Mais moins bien, forcément.

Or, ça marche déjà mal. Ce sera encore pire.
Concrètement, si on ne respecte plus l'Hcéres, on aura moins de barrières morales à tricher.
Or, la triche tue l'évaluation, notamment parce que le tricheurs gagnent.

Et c'est épidémique : les tricheurs gagnent, le respect baisse, le nombre de tricheur augmente, etc...
Le soucis c'est que la triche tue aussi l'enseignement et la recherche. Ce sont des missions impossibles à accomplir sans un solide attachement à la vérité.

Ce n'est donc pas que l'Hcéres qui est menacée, mais en réalité l'ensemble des missions d'enseignement et de recherche.
Très concrètement : les acteurs les plus intègres vont forcement prendre leur distance avec l'Hcéres, moins participer aux évaluations...
Et les acteurs les moins intègres vont de moins en moins hésiter à tricher.

Le ver est dans le fruit, et le pourrissement est inévitable.
Ici un super papier avec les passages les plus importants :

Terminons sur cette histoire d'Hcéres.

D'abord la réponse des initiateurs des candidatures qui demande à connaitre les critères objectifs ayant permis d'éliminer 99.98% des candidatures.

Et le même jour l'annonce d'une augmentation pour celui ou celle des 0.002% de candidats retenus qui aura finalement le poste.

Le symbole est terrible ! C'est une totale déconnexion de ces deux communautés : les dirigeants et les exécutants.

#slowthread Jour 7 : 298 signatures.

Aujourd'hui, on va parler d'une chose très structurante pour les communautés scientifiques : les réseaux de communication.

Et on va voir qu'ils portent un enjeu politique fort. Image
Les pétitionnaires pro-LPPR ont utilisé des canaux de communication de dirigeants : des listes de mails hiérarchiques, de chefs à sous-chefs.

Avec 298 signatures, on peut se demander si ça n'a pas été moins efficace que les réseaux (sociaux) pair-à-pair.

C'est un problème bien connu en informatique distribuée : comment organiser les communications ?
(Ici un extrait de mon vieux cours sur la question.

Les réseaux pair-à-pair, c'est un peu l'anarchie : on ne contrôle pas tout, et une info peut passer inaperçue comme exploser. Image
Les réseaux hiérarchique, c'est tout le contraire : très organisé et structuré, donc lourd à mettre en œuvre, mais qui assure qu'une info peut se diffuser, avec un contrôle à chaque étape intermédiaire, donc chaque chef/sous-chef.

C'est ce qu'ont utilisé les pétitionnaires. Image
Le fait que l'appel à signature n'ait pas beaucoup circulé témoigne que beaucoup de sous-chefs ont décidé de ne pas forwarder en dessous.

Et c'est très important, parce que chacune des décisions de forward/non-forward trace une ligne dans la communauté.
La décision peut par exemple être basée sur :
- « ca ne concerne pas les gens en dessous » : estimation que ce n'est pas leur communauté
- « si je renvoie ça je vais me faire pourrir » : éviter la mise en lumière de deux communautés
etc.
Bien sûr, ces réseaux de communication existent au niveau national, plus ou moins bien organisés et plus ou moins bien connus.

Connaissez-vous par exemple le réseau des VP RH d'université ? Ou l'association des Directeurs généraux des services ?

a-dgs.fr
Plus le réseau est organisé, plus l'information circule bien et vite, et plus la sous-communauté est puissante au sein d'une plus grande communauté.

Il est possible que les DGS sachent des choses que les présidents ne savent pas, parce que l'ADGS est mieux organisée que la CPU.
Mais ces réseaux existent aussi au niveau local, en interne aux établissements. Et ils structurent lourdement les communautés au sein des établissements.

Il y a un vrai travail à faire sur ce sujet, notamment autour des des fusions et regroupements d'établissements.
C'est alors plusieurs milliers d'acteurs qu'il faut relier.

La question n'est pas technique, mais politique : Structurer par discipline ou par thématique trans-disciplinaires ? Par lieu géographique ou par niveau hiérarchique ? Organiser ou on laisse faire ?
Ca va structurer toutes les communautés, soit avec un pouvoir vertical (la présidence contrôle tout), soit avec un pouvoir horizontal (la présidence ne contrôle rien).

Bien sûr, on vise un mix des deux selon ce qu'on veut faire. Il n'y a pas de bonne solution que des intentions.
Dans un grand établissement, chaque liste mails est potentiellement une communauté. Observer les gestionnaires de listes serait donc passionnant, tout comme observer la procédure de création de ces listes, leur modération, etc.
Deux exemples que je connais : Strasbourg (très bien) et Lorraine (un peu), ont adopté deux modèles différents.

Par exemple, à Lorraine, il existe une liste email "expression libre" où tout le monde peut écrire à tout le monde, sans filtre.

C'est le modèle centralisé : Image
A Strasbourg, la présidence et la com' ont accès à tout, les syndicats n'ont rien de plus que le minimum légal, et l'équipe d'élus d'opposition asyndicale a dû ramer plusieurs mois pour avoir un accès à une liste de diffusion (obtenu après engagement de ne pas trop l'utiliser).
Même les listes entre élus des conseils sont modérées par le directeur général des services, y compris pour les membres élus de la liste.

Personne ne peut communiquer à ce niveau sans un contrôle préalable du « centre », c'est à dire de la présidence.
Il est donc beaucoup plus difficile de communiquer entre universitaires à Strasbourg qu'à Lorraine. Le cloisonnement des communautés est donc différent, avec des modalités de contrôle différentes.

Et c'est parfaitement conscient.
J'ai demandé quelques fois pourquoi telle information qui devait arriver à tous les personnels n'allait pas être envoyée à la liste "personnel". Les réponses ont toujours été évasives ou mensongères, et le message a toujours envoyé par la voie hiérarchique.

C'est intriguant ! Image
L'intention est de laisser aux "cadres intermédiaires" (directions de composante ou d'unité) le soin de structurer la communauté.

Et ça peut être très très important, notamment parce que la plus grande partie du financement passe par l'IDEX ou autre appel à projet interne.
En envoyant l'appel à projet à tout le monde, ça va vite et bien.

Mais passer par les cadres intermédiaires leur donne la possibilité de "cibler" le forward, cad en réalité de définir la sous-communautés qui aura le droit de répondre.

C'est plus lourd, mais plus structurant.
En clair : tu réfléchis à deux fois avant de mal parler au directeur de ton labo s'il peut facilement t'exclure de tous les financements de l'université.

C'est donc un abaissement des libertés académiques et un accroissement du pouvoir vertical.

C'est un choix structurant.
Deux autres exemples locaux très intéressants.

Les instituts thématiques inter-disciplinaires (ITI). Très gros appel à projet interne "structurant", qui couvre 60% des enseignants-chercheurs. 40% en sont donc exclus.

Pourquoi ?
« des ITI ont décidé de ne pas les intégrer » Image
Les ITI n'étant pas des entités pensantes, il faut comprendre : « les porteurs d'ITI ont pris des décisions structurantes en définissant deux communautés : celle de leur ITI et celle qui n'en est pas. »

Et même que c'était le but principal des ITI : structurer hors facultés.
Autre exemple, le nouvel intranet avec des espaces de travail communautaire. La visée est de passer au delà des barrières géographique et disciplinaires pour mieux travailler ensemble.

On voit bien la structure pair-à-pair. Image
J'ai donc demandé (dès le premier jour) l'ouverture d'un espace ayant « vocation à être un lieu de discussion entre élus dans les conseils centraux, à l'interface avec le reste de la communauté. »

Je vous laisse apprécier la date de mise en attente de la demande. Image
C'est donc une structure pair-à-pair, mais avec un contrôle central : les communautés peuvent se former, mais seulement après autorisation de la présidence.

Et la présidence dit : « Je ne souhaite l'existence d'aucune communauté politique hors-présidence ».
#slowthread semaine 3 : 337 signatures de « la communauté scientifique »

A ce stade, on peut le dire, l'appel à signatures est un lourd échec, qui affaiblit la paroles des auteurs et premiers signataires.

Mais continuons à discuter de ce qu'est « la communauté scientifique ». Image
Aujourd'hui, au conseil d'administration (CA) de l'Université de Strasbourg, une belle mise à l'épreuve de « la communauté scientifique » : une délégation a interpellé le président en CA.

C'est un choc entre plusieurs communautés, que je vais essayer d'un peu décortiquer.
Les faits : une délégation de 30 personnes interrompt le CA pour poser 4 questions (légitimes) au président. Le président écoute les questions, puis refuse de répondre tant que la délégation n'est pas sortie. La délégation refuse de sortir sans réponse. Le président lève le CA.
C'était symboliquement violent, mais très calme : des arguments ont été échangés, dans le silence de la plupart des gens. On s'est écoutés.

C'est juste pénible parce qu'il va falloir revenir pour terminer. (En plus des suspicions de complots sur les élus d'oppositions)
Pour bien comprendre comment marche notre CA, on peut en faire un schéma :
- en vert, la majorité/présidence et ses électeurs
- en rouge l'opposition

90% de la discussion est un dialogue entre Président/DGS et opposition (flèche bleue).

(les proportions sont à peu près bonnes) Image
Rien qu'avec les petites couleurs, on voit les équilibres de « la communauté universitaire » dans notre CA : c'est bien organisé avec l'opposition prise en étau entre différents corps de la présidence et de ses électeurs.

Le rapport de force est physiquement évidement.
Avec ce rapport de force, le président est tout le temps gagnant. On peut constater, physiquement, que c'est lui qui a gagné les élections et que c'est donc lui qui continuera à gagner toutes les discussions, puisqu'il est gagnant dans le rapport de force
Maintenant, que se passe-t-il lorsqu'il y a une délégation ? L'étau explose, le rapport de force s'inverse, le président n'est plus dans une configuration gagnante.

Heureusement, il y a le bouton rouge : le pouvoir de lever la séance. Ce qu'il a donc fait sans hésitation. Image
Cette action est raisonnable : lorsqu'on est perdant, mieux vaut se retirer rapidement.

Ca a d'ailleurs été fait sans violence. Un prise de décision rapide et sereine, comme on jette ses cartes au poker lorsqu'on a la certitude qu'on va perdre sa mise.

« Je ne débattrai pas »
On voit là que « la communauté universitaire » est non seulement diverse, mais diversement représentée, et avec des pouvoirs très différents : l'opposition peut poser des questions, la présidence contrôle tout le reste, y compris répondre ou pas, et la tenue de la séance ou non.
Ce sera d'ailleurs rappelé vigoureusement par le président à un élu d'opposition : « Ce n'est pas vous qui distribuez la parole ».

Le président décide de qui parle et de qui se tait : rappel du rapport de force institutionnel lorsque le rapport de force physique est perdu.
Et maintenant on en vient au dernier point : la sécurité privée sur le campus.

Lors de tous les CA, il y a 3 gardes par porte (en jaune). Pourquoi ? (On ne risque évidemment rien, soyons sérieux)

Pour décourager les modifications du rapport de force physique. Image
Etant gagnante dans le rapport de force institutionnel, mais potentiellement perdante dans le rapport de force physique, la présidence emploie sa force institutionnelle pour s'assurer aussi sa force physique.

(i.e. elle paye des gros bras avec les sous de l'université)
Et ce faisant, elle s'assure que sa « communauté universitaire » aura toujours raison durant tous les débats au conseil d'administration puisque ses potentiels détracteurs sont en sous-nombre et pris en étau par ses soutiens.

Et ça fonctionne très bien comme ça !
Terminons avec ce dialogue :
- (président) Je ne débattrai pas, sortez.
- (délégation) Répondez et nous sortons.
- (moi) C'est un rapport de force.
- (président) Vous aimez ça, hein, M. Gossa, les rapports de force !
- (moi) Ben non pas du tout, j'y suis perdant.
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