Thread by @JulienGossa

[#VeilleESR #LPPR] Rapport d'information au nom de la commission des finances sur l’Agence nationale de la recherche (ANR @AgenceRecherche ) et le financement de la recherche sur projets

senat.fr/rap/r16-684/r1…

1. L'objectif de l'ANR est d'améliorer la « compétitivité » par la concentration des moyens et l'affaiblissement des libertés académiques (c'est ce qui est écrit).

2. Ce n'était pas la politique française, jusqu'à ce qu'on prenne « conscience de ses vertus ».

Ces vertus ne seront pas décrites précisément, ni pour qui sont ces vertus.

Le rapport pointe que cette politique de financement sur
projets s'oppose à « la recherche à long terme », c'est à dire à la recherche tout court... Mais « peut favoriser la concurrence » et permet un « ciblage stratégique » (par qui ? pas les chercheurs...).

3. L'ANR est devenu le couteau suisse pour piloter la recherche avec des financements ciblés.

4. C'est donc devenu un outil technocratique non plus au service de la recherche, mais au service des dirigeants qui souhaitent piloter la recherche (sans forcément y comprendre grand chose, ce qui donne parfois un peu n'importe quoi).

5. Cet outil technocratique au service des dirigeants est non seulement « chronophage » pour les chercheurs, mais en réalité pas « vraiment supportable », c'est à dire insupportable (au sens premier du terme, il faut le temps de le peser : une *charge insupportable*).

Ici une évaluation de la charge pour répondre à un appel à projet :
- 23 jours-chercheur pour l'ANR (10k€)
- 270 jours-chercheur pour les CIA (120k€)

6. Cet outil technocratique au service des dirigeants et insupportable pour les chercheurs, a permis de diminuer les crédits de la recherche.

Ses crédits ont ainsi fondu de -40% et ses moyens « demeurent très insuffisants ».

2007-2008 : les universités deviennent « autonomes ».

Le #procèsdintention formulé à l'époque par ses détracteurs était que cette autonomie permettrait au gouvernement de diminuer les financements de la recherche.

7. Cet outil technocratique au service des dirigeants et insupportable pour les chercheurs, ayant permis de diminuer les crédits de la recherche, le taux de sélection est devenu déraisonnable, avec jusqu'à 89% des projets déposés en pure perte.

Ici un graphique sur la modification de la procédure pour faire remonter artificiellement le taux de sélection :
Si le temps globalement perdu par les chercheurs à répondre pour rien a dû baisser, le nombre de chercheurs déçus a clairement augmenté.

8. Cet outil technocratique au service des dirigeants et insupportable pour les chercheurs a donc conduit à :
- ne pas financer des projets excellents
- décourager et rendre défiant les chercheurs

L'ANR est donc responsable d'une baisse des performances scientifiques nationales.

9 et 10. Cet outil technocratique au service des dirigeants et insupportable pour les chercheurs, et qui fait baisser les performances scientifiques nationales, fait l'objet de tentatives d'améliorations.

Ces tentatives sont technocratiques (et donc vouées à l'échec).

11. Cet outil technocratique au service des dirigeants et insupportable pour les chercheurs, malgré sa responsabilité dans la baisse des performances scientifiques nationales, a connu « une période de croissance très rapide » de ses dépenses.

Il est curieux de constater que l'explosion des effectifs de l'ANR est parfaitement contemporaine de la baisse brutale de ses moyens.

12. Cet outil technocratique au service des dirigeants et insupportable pour les chercheurs, va en plus servir à financer les établissements eux-mêmes, et en plus de façon « insuffisantes au regard des critères européens ».

13. Il reste des impayés depuis une dizaine d'année 😳
On prévoit au moins 4 ans pour les résoudre. On sera donc à presque 15 ans.

14. Cet outil technocratique au service des dirigeants et insupportable pour les chercheurs, et responsable d'une baisse des performances scientifiques nationales, a un problème de communication et fait donc des efforts dans ce sens.

15. Cet outil technocratique au service des dirigeants et insupportable pour les chercheurs, et responsable d'une baisse des performances scientifiques nationales, participe « au rayonnement international de la recherche française ».

Une salve de recommandations (qui sentent l'énergie du désespoir, du genre pas vraiment convaincu qu'on puisse sauver la chose).

Par exemple :
Recommandation 7, essayer quand même de montrer un quelconque impact positif sur la société (parce que là c'est pas clair du tout).

Depuis 2014, l'ANR doit « mesurer l’impact des financements alloués par l’agence sur la production scientifique nationale »... Sauf que, d'après l'ANR, « l’analyse d’impact réclame un recul temporel important, estimé à environ une vingtaine d’année minimum ».

Parenthèse : la légitimité de l'ANR repose sur le fait qu'elle saurait prédire, ou au moins évaluer dans un temps très court, l'impact de la recherche.

L'impact de l'ANR serait donc plus difficile à évaluer que l'impact des recherches qu'elle évalue elle-même chaque année ?

Conclusion : J'ai rarement vu un rapport aussi violent lorsqu'on lit entre les lignes.

Si l'objectif était de « dynamiser la recherche », c'est objectivement est avec certitude un échec.

En revanche, si l'objectif était « d’acclimater en France un mode de financement »...

Voilà qui vient compléter sans contredire le rapport de l'Hcéres sur l'ANR.

https://twitter.com/JulienGossa/status/1200748854586552321

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