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Ze VincentBenarding @vbenard
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#RoadThread n°2
Aujourd’hui, parlons d’argent, de coût, de rapport, de taxes, et d’état des routes.
La route, qui la paye ? Et en a-t-on pour notre argent ?
Sur les 1 088 000 km de l’ensemble des réseaux routiers français, seuls environ 10 000 sont à péage.
Sur les 1078 000 km restants, la quasi totalité sont gérées par les communes et départements, les routes nationales étant marginales (11 000 km). Deux tiers de ces routes sont communales, un tiers départementales.
On peut donc dire que l’immense majorité des routes françaises sont “locales” et en apparence “gratuites”. Mais évidemment, rien n’est jamais gratuit.
Les Gestionnaires Publics de Routes (GPR, abréviation personnelle) ont dépensé en 2016 au total 13,3 milliards d’Euros en 2016. Dont 1,4 Md€ pour l’Etat et 11,9 pour les collectivités locales (parts à peu près égales entre département et communes).
Cela peut paraître beaucoup, mais c’était beaucoup plus entre 2006 et 2013, entre 17 et 18 Mds par saison.

Pire encore, les budgets d’investissement se sont écroulés: de 12 Mds en 2009, leur maximum, à 7,2 Mds en 2016.
Le fonctionnement, quant à lui, n’a été réduit que de 0,6 Mds sur mm période, de 6,7 à 6,1 Mds.

En effet, dans les budgets de fonctt, figurent les charges de personnels, et celles ci ne peuvent se comprimer que très lentement dans la fonction publique, où l’emploi est garanti.
Donc, l’investissement est tombé à 0,3 Mds pour l’état (1,8 Mds en 2009), et a perdu un bon gros tiers dans les collectivités.
La raison en est simple: la crise de 2009-2011 (crise financière plus crise de l’Euro) a forcé l’état à réduire ses subventions aux collectivités, et ces dernières à sacrifier certains investissements.
Par ex, les départements (1 tiers du réseau) ont, dans leur budget d’investissement, principalement, le financement des collèges, des services d’incendie, et les routes. Quand il faut contracter les budgets d’investissement, les routes sont, logiquement, ce qui trinque.
Les gestionnaires parlent de “variable d’ajustement”: la route est le budget que l’on peut facilement baisser quand ça va mal. Les usagers gueulent, mais de façon diffuse. Rien à voir, électoralement, avec des assoces de parents qui hurlent contre l’exiguïté du collège local.
Bien sûr, un gestionnaire avisé pourrait se demander dans quel budget de fonctionnement il pourrait taper pour préserver l’investissement. Mais c’est théorique.
Exemple des départements: la moitié du budget de fonctionnement est constitué de dépenses sociales rendues obligatoires par des lois d’Etat: RSA, allocations aux personnes dépendantes et au handicap, aide sociale à l’enfance, etc.
Et en période conjuguée de crise et de vieillissement des populations, ces dépenses augmentent mécaniquement. Donc pas le choix, sauf à augmenter les impôts dans des proportions insupportables, il faut tailler dans l’investissement.
Or, c’est embêtant, car dans les “budgets d’investissement”, il y a certes les budgets de fabrication de routes nouvelles, d’amélioration des caractéristiques des routes existantes…
Mais il y a aussi les budgets de réfection des chaussées, qui sont considérées comme de l’investissement, car elles participent au maintien de la valeur du patrimoine.
De nombreuses collectivités ont donc dû non seulement réduire, voire quasiment arrêter, les projets routiers neufs, mais également rogner sur les budgets d’entretien des chaussées.
Malgré une conjoncture pétrolière favorable (les prix des hydrocarbures routiers sont bas en ce moment), les routes ont donc vu leur période de retour d’entretien s’allonger.
C’est ennuyeux. Ce petit schéma montre comment la route se dégrade quand on ne s’en occupe pas.
Plus on attend, plus la dégradation de la route s’accélère, et plus le coût de remise en état explose.
La technologie des revêtements routiers n’a pas connu de révolution ces dernières années, aussi considère-t-on qu’en moyenne, un revêtement routier est à entretenir avant 12 ans.
Si vous attendez beaucoup plus, vous risquez de devoir non seulement reprendre la couche de roulement, mais aussi les couches plus profondes. Et évidemment, le coût n’est plus le même.
Alors les GPR vont respecter les rythmes d’entretien sur les routes majeures très circulées, parce que là, il faut agir avant que la route ne soit ruinée, mais par contre, ils vont avoir tendance à retarder l’entretien du réseau secondaire…
L’automobiliste est donc furieux car la route se dégrade.
Et il peut être furieux, l’automobiliste, parce que si les GPR mettent 13 Mds dans la route, les taxes spécifiques qu’ils paient pour avoir le droit de rouler sont nettement plus élevées: 42 Mds en 2016, soit plus de 3 fois plus !!
Et ce ratio n’était “que” de 2 en 2007 !!
La principale source de ces 42 milliards sont les taxes sur les carburants (33 Mds). Le reste provient de taxes sur certaines flottes, sur les cartes grises, et sur les contrats d’assurance.
Autrement dit, l’automobiliste a l’impression justifiée qu’on le matraque pour qu’il puisse rouler, mais qu’on lui en rend de moins en moins en retour.
Un petit graphique pour vous montrer comment le ratio “recettes fiscales spécifiques de la route / dépenses routières” a évolué depuis 10 ans :
Conséquence: même si vous entendez dire que “la route est subventionnée”, ce qui est techniquement vrai, sachez que les usagers de la route paient nettement plus en taxes spécifiques que ce que coûte l’infrastructure qu’ils utilisent.
Et on peut même dire que les automobilistes paient par leurs taxes spécifiques non seulement le coût de l’infrastructure routière, mais aussi les subventions versées à la SNCF, à la RATP, et à de nombreux services de transport en commun de grandes villes.
On peut dire que la route est une excellente affaire pour les GPR… Une vache à lait dont les clients acceptent de surpayer l’usage sans demander activement une qualité de service à la hauteur en retour.
Le dogme de la “non affectation budgétaire” (sauf rares exceptions, les impôts vont dans le pot budgétaire commun et ne peuvent être affectés à un usages particulier) a permis de découpler totalement les taxes routières du financement routier…
… Le grand public ne faisant pas le lien entre les taxes payées et l’argent investi dans l’infrastructure en retour.
En résumé: la route est largement payée par l’automobiliste-contribuable, mais l’argent collecté sert de moins en moins à la route parce que les différents niveaux de pouvoirs publics ont d’autres trous à combler…
La route illustre ce que je disais un autre thread récent: quand les pouvoirs publics enfilent les déficits comme des perles, tôt ou tard, ça se traduit par une dégradation inévitable de leur patrimoine.
#Fin pour aujourd’hui.
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